Julos Beaucarne, 1936-2021
Un être vous manque et c’est toute la chanson qui est dépeuplée : Julos est décédé.
Pour l’Histoire, il sera dit que le fondateur du Front de libération des arbres fruitiers est né l’année du Front populaire. Julos fut furtivement professeur de gymnastique, assureur même (on peine à se l’imaginer…) puis se mit à écrire des chansons et débuta dans des cabarets parisiens. Son premier disque est un 45 tours, en 1964. Dès 1967 (Julos chante Julos), il sortira quasiment un 33 tours par an…
En 1975, sa femme Loulou, mère de ses deux enfants, est assassinée. Ce sordide événement le mettra bien malgré lui en lumière ; il en tirera la Chanson pour Loulou : « La mort fait voyager son monde / Tu vas plus vite que le son / T’es partout sur la terre ronde / T’es devenue une chanson ». Prix de l’Académie du disque Charles-Cros l’année suivante, déjà pour « l’ensemble de son œuvre » tant il est vrai que son parcours aux saveurs de terroir est des plus productifs. Bientôt il sortira l’album Mon terroir c’est les galaxies, conception cosmologique de l’individu, l’un de ses disques les plus aboutis.
A ses textes aux mélodies simples, il aime plus que tout ajouter ceux des autres, des plus poètes encore que lui (la liste est longue comme un jour sans pain). J’ai dit « simple » : Julos l’était autant qu’il était impressionnant d’humanité.
Notre ami vient de changer d’adresse ; il quitte Tourinnes-la-Grosse pour une tout autre destination : qu’il songe à nous communiquer sa position exacte dans l’espace, dans quel arc-en-ciel, vers quel astéroïde, à l’attention des humains qui se souviendront de lui et des extra-terrestres qui découvriront son chant tout aussi attirant et séduisant que celui des sirènes.
Julos fut par excellence le chanteur de la non violence, du respect, de la contemplation, de la sagesse. Et de l’écologie, bien avant que ça ne devienne de mode puis d’une rare urgence. Son art ne s’inscrivait pas dans le tout venant de la chanson : loin des autoroutes radiophoniques, lui suivait d’étranges et séduisants chemins qui le menaient loin, fût-ce vers des temples et pagodes. Par une trentaine d’albums (plus de 500 chansons), par presque autant de livres aussi, cinquante ans d’écriture, l’ermite de Tourinnes, l’homme aux pulls arc-en-ciel, n’a fait que semer de la douceur et du bon sens. Et ces graines qui, une fois en terre, sont si propices à la réflexion sur qui nous sommes, où nous allons.
Son dernier album, Le balbuzard fluviatile, remonte à 2012. Dedans ce « Je suis d’un autre siècle et, en secret, j’espère vivre encore longtemps tant qu’univers existe / Je marche à petits pas dans la blanche lumière qui me transperce encore et le corps et l’esprit / J’espère rebondir chaque jour d’avantage, garder ma mémoire fraîche comme le cœur d’un fruit » (Je suis descendu du ventre de ma mère).
Privilège ou servitude de la fonction, il est des artistes qui ne peuvent, ne savent mourir tout à fait. Julos est de ceux-là. Rien que de le savoir, ça apaise un peu notre tristesse.
Bel et juste hommage ! Julos n’a pas chanté dans le désert… Sa « petite » musique des mots « concernés » restera et vivra dans les cœurs…
« Parcourant les supermarchés
« À la recherche du photographe
Je sus que vous aviez quitté
L’Europe aux anciens parapets
Je me rendis au bord des mers
Et rêvai lentement sur le sable
À la fragilité du verre
Du cristal du Val Saint-Lambert »
« La tatonneuse » reste ma préférée je crois. Nous nous souviendrons de Julos, c’est sûr… Je l’avais découvert avec la compilation Bornes Acoustiques 68-88… Il me semble qu’on est vieux quand on écoute plus de chanteurs morts que vivants… mais l’émotion est comme au premier jour… frissonnante!
Julos (poème)
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Tricoteur d’ arc-en-ciel
avec la laine des nuages
tes crayons-aiguilles
crochètent
maille que maille
bravent les hivers rudes
de notre pauvre humanité
ta voix crépite, éclate de brindilles
attise les braises, embrase les flammèches
gracieuses et sensuelles
de nos coeurs-cheminées
qui pétaradent… complices.
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Marco Pomièira Manzano
extrait du recueil » le crayon rouge… et noir »
édito lettres 2017.
Merci Michel pour ce beau « résumé » d’une vie « inrésumable »
Julos grand frère des étoiles et des galaxies, belle route stellaire et merci pour cet océan de tendresse
1975. Quelques mois après la disparition de Loulou. Dans un tout petit centre culturel des Yvelines. Ma première rencontre avec Julos. 46 ans, déjà. Il fut le déclencheur, avec Tachan la même année, de tout ce qui allait orienter ma vie et mes passions. Je lui dois tant. Puis, quelques années plus tard, le premier concert, au Théâtre de la Ville, où j’ai partagé Julos avec mon mari Francis. Barjac, Concèze, Paris… je n’ai jamais l’occasion de le retrouver. Même le sachant très malade depuis quelques années, il a toujours gardé une place très très privilégiée au fond de mon coeur. Très triste, aujourd’hui.
Mort d’un homme et d’un artiste hors du commun ,quelle tristesse.
Dans « à Jules » , Jacques Bertin évoque la réconciliation avec la terre et sa respiration qui est le chant…c’est comme un portrait !
Très beau texte Michel, qui lui correspond bien, un poète, voyageur et lucide blessé par la vie qui ne lui a pas fait de cadeaux.
Bel et sobre hommage à cet artiste protéiforme que j’ai eu la chance de rencontrer au théâtre rural de La Closerie, dans l’Yonne, dont il était le parrain. Le spectacle était à son image, plein de poésie et d’humanité, entre théâtre et music-hall, original et iconoclaste. De ces moments de grâce dont on se souvient longtemps.
Bon vent dans les étoiles …
Lu sur facebook :
JULOS BEAUCARNE (1936-2021)
Notre Julos adoré est parti en douce hier soir en suivant l’irréversible course de l’astre solaire derrière la cime des bois dans l’azur de septembre… un tintement d’étoiles lui sonnait aux oreilles… il souriait déjà bienheureux aux galaxies…
Christophe et Boris Beaucarne
#julosbeaucarne #julosbeaucarnefondation
Julos, l’antithèse du chanteur testostéroné. Poête plus que showman et bien plus que ça encore ! Merde alors !
Michel commet un de ses plus beaux articles pour un Julos qui a tant mérité notre affection
Merci pour ce très bel hommage qui traduit tout à fait ce que l’on ressent aujourd’hui… Julos restera toujours avec nous, on continuera à l’écouter encore et encore, il a toujours su nous donner de l’espoir et nous transmettre tout cet amour dont nous avons tellement besoin ! JULOS… un merveilleux humain !!!
Tout l’humanisme extraordinaire de Julos résumé en quelques mots…Merci! Puisse sa bienfaisance toucher encore de nombreuses personnes pour rendre les individus plus aptes à la compréhension et à l’entraide…
Au revoir Julos .
Dans « Le navigateur solitaire » il faut écouter: »Concert de soupirs ». Cela fait du bien, par les temps qui courent…Il nous faut encore et encore faire découvrir Julos. Et merci Michel .
Après Anne Sylvestre, Hélène Martin, Môrice Benin, Angélique Ionatos, Julos Beaucarne… c’est la chanson qui fout le camp un peu plus aujourd’hui… tristesse…
J’eus la chance de lui parler, un jour, une de ses amies ayant cru bon faire les présentations, voyant que sans cela, je ne l’eusse pas reconnu. De cette rencontre inoubliable, son amour du Québec, mon peuple, m’a touché tant et tellement que je me suis dit en repartant : il nous aime plus que nous même ! Pour moi son oeuvre, c’est de la lumière qui chante. Écoutons-le encore chanter, parce qu’on n’a pas fini d’apprendre de lui.
Dans ma biographie « Pierre Barouh, l’éternel errant » parue en 2014, j’avais écrit quelques lignes sur Julos Beaucarne, notamment: « Il ne parle pas, il rêve à voix haute ». C’est aussi pour cela qu’il était fascinant, qu’on ne peut pas oublier ce chanteur fragile et solide à la fois. Et si sincère.
J’ai eu ce bonheur de le retrouver, ce Julos Le Magnifique, un après-midi chez moi à partager tout ce que nous aimions. C’était avant le concert qu’il allait donner à la MJC de Crépy.
Nous marquions des points et nous avancions insouciants avec nos rêves, nos mots, nos plaisirs et nos envies.
C’était tout sourire et lumière malgré les mauvais coups.
Nous nous aimions, c’était simple et sans calcul.
Oui mes amis sont partis petit à petit, Bernard Haillant a ouvert le chemin des grands espaces suivi de Didier Desmas, d’Anne Sylvestre, d’Angélique, de Morice.
Alors continuer de tracer avec confiance et de semer, de partager, d’émouvoir, de combattre et de faire la fête.