Kent, Frédéric Bobin, frères d’œuvre
12 juin 2021, MJC de Venelles
La saison 2020/2021 avait commencé pleine d’espoir en respectant les normes sanitaires, masques et jauge réduite, pour deux magnifiques concerts de rentrée, Thibaud Defever en Quintet à cordes, et Bastien Lucas. Les promesses de cette superbe programmation aussitôt éteintes, il nous a fallu patienter jusqu’en juin pour retrouver les fauteuils rouges de Venelles. Mais Bruno Durruty n’avait pas dit son dernier mots : sevrés de nos concerts mensuels, nous allions nous requinquer avec une rentrée en fanfare, ou plutôt en guitares. Son idée, faire monter sur scène deux voisins de lieux et de sensibilité, les lyonnais de naissance ou de cœur Kent et Fred Bobin. Qui, s’ils s’étaient maintes fois croisés, n’avaient jamais fait un concert entier en duo. L’idée a sans doute été soufflée à Bruno par la réussite du duo sur Tant qu’il y aura des hommes, une des chansons les plus émouvantes de l’album Les larmes d’or de Frédéric Bobin.
Le pari est réussi : chantant l’un les chansons de l’autre, Kent les Larmes d’or, ou l’autre les chansons de l’un, Fred J’aime un pays, se renvoyant la balle, en alternance ou en chœur (Le cœur en automne), réunis dans une même émotion, ils ont tant séduit le public qui ne voulait plus les laisser partir, que l’idée de monter un spectacle en commun ne cesse depuis de trotter dans leur tête.
La soirée ne pouvait commencer que par ce chef d’œuvre d’émotion qu’est Le soir tombe, ce magnifique texte de Philippe Bobin porté par la mélodie de Frédéric qui ouvre traditionnellement les récents concerts de Fred, encore en avril 2019 lorsqu’il est venu à Venelles en duo avec Hélène Piris et son violoncelle profond. Pas d’autres instruments ce soir que des guitares, pas de piano pour Kent, du folk, même du country, acoustique ou électrique, avec de vrais morceaux de rock.
Le confinement a été pour Kent l’occasion (et la chance pour nous) de redécouvrir l’actualité de certaines de ses anciennes chansons vieilles de 20 ans, plus particulièrement de l’album Cyclone, cris spontanés enregistrés à l’époque aux USA « Tout est là / La liste des erreurs / Tout est là / Les secrets du malheur / Mais on oublie tout et puis on s’habitue », la redoutable Class prolo, de ces « gens qui ne sont rien » qu’on regarde avec condescendance, reprise par Fred : « À la place de tes ailes / En lettres de rappel / Sur le cuir de ta peau / Y’a la griffe Class Prolo » ou des Petits métiers, qu’on découvre soudain comme essentiels : « Les petits métiers / Qui nourrissent la planète / Entre dépense et recette / Qui de la vie améliorent / Les jardins et qui encore / Désherbent nos pierres après la mort ».
Plus encore, de cet album alternatif, Tous les hommes, sorti il y a 30 ans, avec cette Je suis un kilomètre qui me fait penser à Ferré – Ah tiens, ils reprendront C’est extra - en duo sur de magnifiques arpèges de guitare « Je suis mille kilomètres et je suis étranger / À ce que je traverse (…) J’entends des rumeurs imprécises / Je tends à m’éloigner des choses ». Ou Tous les mômes incités à ne pas tomber dans le miroir aux alouettes : « Ils nous voient toujours plus beaux que nous sommes / Ils ne se contentent pas du minimum / Vivre et aimer toujours au maximum ». À quoi Fred répond avec son Etrange bipède capable du pire comme du meilleur.
Le plaisir de se découvrir tant de choses en commun, tant de goûts semblables, ah ce Jaurès dont Kent bat le glas, ou, chantant face à face, cet Il est trop tard de Moustaki ! Kent et Fred partagent le même « couloir ouvrier », et cet hymne au Creusot, « Oh ma vieille ouvrière » vide de ses machines et de ses hommes prend une intensité toute particulière, quand le cliquetis de la machine ralentit, s’arrête sur la guitare de Fred. Parallèles encore « Quand on bu la mer / Volé l’or du Pérou / On cherche un autre Eldorado / Une goutte d’eau » pour Fred, et la provocante Si c’était à refaire pour Kent qui fait grincer ses cordes « Si c’était à refaire / Je serais une pierre / Dans le lit d’une rivière ». Et comme on ne pouvait s’arrêter en si bon chemin, la dernière sera la plus cinématographique des chansons folk, celle de David Mc Neil reprise déjà par tant d’artistes, Yves Montand, Alain Souchon, Charlebois, Julien Clerc, Le Forestier…. Hollywood, rappelez-vous : « Ma mère dansait dans les bars, Imitant Jean Harlow… »
Le site de Kent. Le site de Frédéric Bobin. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Kent. Et de Frédéric Bobin.
Frédéric Bobin est en concert le samedi 28 août avec Michèle Bernard pour Balades croisées au Festival Un jour en Amatolie à Vauxrenard (69), et le dimanche 29 août avec Pierre Delorme pour Chansons folk américaines (en français dans le texte) à Parcieux (01)
Le programme des cinquante ans de la MJC de Venelles-Allain Leprest, c’est ici.
Bobin & Kent, Tant qu’il y aura des hommes, clip
Kent, Les petits métiers (Cyclone 2000) audio 2018
Kent, Un cœur en automne (La grande illusion 2017) Café de la danse
Fred Bobin, La vieille ouvrière (Singapour 2009)
Fred Bobin, Class prolo (Kent, Cyclone 2000)
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