Barjac 2021. Ricet Barrier en ménage à trois
Sauvé dans Anne-Marie Panigada, En scène, Festivals
Tags: Barjac 2021, Bastien Lucas, Bernard Keryhuel, Delly K, Laurent Malot, Nouvelles, Ricet Barrier
4 août 2021, festival Barjac m’en chante
Pour ceux qui daignent s’en souvenir, Ricet Barrier [1932-2011], ce sont principalement trois chansons dans la mémoire populaire, les seules dont on se rappelle vraiment : Isabelle, c’est l’printemps !, Les vacanciers et La servante du château (*). De cette sainte trinité, seul le dernier titre sera au générique de ce spectacle. C’est peut dire si, paradoxalement, le matériau restant est neuf, quasi inédit.
A l’origine, un bouquin (**) de Bernard Keryhuel. Et cette idée persistante d’aller plus loin, de rassembler un bouquet de titres pour nous l’offrir : c’est bien plus présentable que les bonbons et ça colle moins aux dents. Le nom du spectacle, C’est délicat la vie à 3 !, nous informe qu’ils seront trois chanteurs, dont Delphine Keryhuel, connue aussi sous le pseudo de Delly K. Les deux autres ? Laurent Malot et Bastien Lucas (qui succède ici à Michel Boutet, par ailleurs préfacier du livre du père Keryhuel, vous suivez ?). Il fallait des musiciens : on pique ceux de Juliette ; il fallait un metteur en scène : on embauche Gérard Morel, déjà coupable de plusieurs autres délits de ce genre, dont l’excellent Gare à Riffard ! Oyez, voyez ce casting qu’il est beau. Le plus beau est cependant et par bonheur les chansons de Ricet Barrier : le Saturnin et Barbapapa de la télé en a écrit à la pelle.
« C’est dur d’être une belle fille / Je suis toujours prête à recevoir / Je prends la pilule tous les soirs / C’est ça, l’espoir ». Bien une heure trente de délicats délices champêtres, de délicieuses chansons d’amour que souvent cachent à nos yeux les hautes herbes. Des pastorales qui aiment plus que tout batifoler, avec des mots, des expressions qui n’appartenaient vraiment qu’à Ricet : « C’est une rousse affriolante, ma marchande de poissons / Elle est belle, elle est fraîche, ma moule ! »
Les chansons de Ricet Barrier aiment à parler des choses simples, des gens de tous les jours. Elle sentent le vrai, l’heureux, aussi sûrement que des toiles et films des Renoir père et fils. Du Renoir, du Manet qui rend le Monet de sa pièce, de l’impressionnisme. En fait, la chronique d’un peuple modeste, qui va au bal musette après l’turbin, qui bouffe des pissenlits (plus tard par les racines). Avec la charge sociale qu’il faut, bien logée dans ses vers plus sévères, à la manière, sinon d’une luette, au moins d’une revanche de classe : « Le v’là qui tripote mon jupon / Pour voir si c’est pas du coton / Moi je l’laisse faire, j’pense au moulin / C’est quand y gèle qu’on cueille les coings / Qui qu’aura l’homme, qui qu’aura l’grain … c’est moué ».
Et nos trois de nous les restituer, plutôt nous les faire découvrir, avec humilité et grand talent. Trois nuances de voix, trois grains, trois timbres finement dentelés. Du délicat, effectivement. « La vie à 3, c’est délicat / Mais quand ça réussit / Quel plaisir ». Je confirme : c’est plus que réussi !
(*) Et Les Spermatozoïdes, qu’Entre 2 Caisses nous a chanté cette semaine. (**) Le savoir-vivre de Ricet Barrier, de Bernard Keryhuel, Lharmattan 2016 : ce que NosEnchanteurs avait dit de ce spectacle, c’est là.
Commentaires récents