Barouf à Barjac (2021)
Sauvé dans En scène, Festivals, Franck Halimi, Saines humeurs
Tags: Barjac 2021, Govrache, Nouvelles
Qui n’a jamais organisé un festival ne peut comprendre à quel point administrer, agencer, ajuster, aménager, arranger, articuler, combiner, composer, concerter, construire, coordonner, défendre, déprogrammer, diriger, édifier, élaborer, encadrer, fonder, harmoniser, mettre en place, mettre sur pied, minuter, monter, orchestrer, ordonnancer, paramétrer, planifier, préparer, prévoir, programmer, régler, réorganiser, reprogrammer, structurer, tenir, tramer Barjac m’en chante n’est pas une sinécure.
La crise permanente que nous traversons depuis le début des années 80 nous a entrainés sur la position ô combien inconfortable du « pied de guerre ». Car la crise sanitaire n’est finalement qu’un épiphénomène d’un mal bien plus profond que ne le sont les attentats ou la crise sanitaire, puisque nous subissons (à des degrés divers selon l’endroit géographique et le milieu social dans lequel nous évoluons) une véritable crise sociétale. En effet, c’est bien cette gangrène qu’est le capitalisme cannibale qui nécrose les esprits de ceux qui président à nos destinées, et nous contraint à vivre sous le joug d’un état d’urgence sécuritaire malmenant nos libertés individuelles et collectives les plus élémentaires.
Mais, pourquoi donc enfoncer ce type de porte ouverte dans ces colonnes, alors que je suis juste censé parler du Festival Barjac m’en chante et des concerts qu’il propose dans cet écrin gardois si merveilleux ? Hé ben… tout simplement parce que je suis persuadé que ça a un rapport direct ! Je m’explique.
L’individualisme forcené asséné au monde et à ses environs par les Thatcher, Reagan et consorts depuis les années 80 a fait imploser nombre de modèles collectifs et mutualistes. Ce qui a abouti à imposer au plus grand nombre un fonctionnement et des pratiques qui l’ont contraint à se recroqueviller sur lui-même, lui faisant ainsi trop souvent oublier les valeurs de solidarité et de partage. C’est ainsi que, soucieux de sauver sa peau, un trop grand nombre d’entre-nous pense d’abord à son pré carré avant que de s’intéresser à autrui. Et ce glissement progressif, pernicieux et délétère vers l’indifférence à tout ce qui ne nous touche pas de façon directe finit par influer directement sur nos us et coutumes. Faisant ainsi de nombre de festivaliers de Barjac m’en chante des « cons so mateurs », des « qu’on somme à tort » et des « consommateurs » auxquels beaucoup trop de choses seraient dues au prétexte qu’ils ont payé.
Ce grand écart dialectique effectué, je m’en viens à présent vous expliquer en quoi je l’assume et étayer cette thèse, qui va peut-être faire pousser de grands cris d’orfraie à nombre d’habitués de la grand-messe estivale barjacoise. À force de plier sous les bourrasques et tempêtes réitérées qu’il subit, le roseau ne sait plus penser, tant il est préoccupé par le fait de ne pas casser. Hé bien… je pense qu’il en va de même pour l’usager-client du festival. Il voit par le petit bout de sa lorgnette le fait qu’il a roulé quelques centaines de bornes, payé pour un hébergement, pour un pass ou pour un spectacle, afin d’étancher sa soif d’art(s) et de culture(s). Et puis, se produit un événement météoro(il)logique, indépendant de la volonté de quiconque (sauf peut-être du dieu des incultes), qui vient bouleverser ce bel ordonnancement, et ainsi gâcher le plaisir d’écouter-voir unE artiste que l’on aime ou que l’on avait envie de découvrir. Bon… y a quand même pas mort d’homme (ni de femme), mais un tout petit accroc à des vacances rêvées, rien de plus. Et pourtant… les réseaux sociaux se mettent alors en marche forcée et le club des internautes révoltés se lâche alors comme la misère sur le pauvre monde ! « Beaucoup de bruit pour rien« aurait dit Shakespeare…
Que l’annulation d’un spectacle fasse de la peine, je peux aisément le comprendre. Mais, que de cet épiphénomène local jaillissent des torrents de boue vouant l’artiste et l’organisation aux gémonies, les catapultant ainsi, dans la foulée de cette contrariété ou bien le temps d’un post ou d’un insta, du Capitole à la roche Tarpéienne, me semble, tout au plus, léger et, pour le moins, inconséquent. Mais, il est vrai que, dans la langue de Bob Dylan, « twit » signifie « crétin »… Bref, hier, Govrache s’en est pris plein la gueule « parce qu’il n’aurait pas joué le jeu ». Alors que Yoanna a pris le risque de déplacer son concert sous le chapiteau, pour offrir aux spectateurs une prestation à fleur de peau, Govrache « se serait caché, sans même avoir la délicatesse de venir s’excuser ».
Mais, s’excuser de quoi, bande de râleurs ? De ne pas avoir effectué la danse du soleil pour foutre la trouille à la pluie ? De ne pas oser venir sur scène expliquer la détresse de ne pouvoir offrir un spectacle rêvé, travaillé, ouvragé, ciselé pendant des mois et des mois de labeur acharné ? Quand on sait le temps, l’envie et l’opiniâtreté qu’il faut déployer pour pouvoir « jouer son spectacle », on ne se répand pas de la sorte au bar ou dans la queue du festival, ni sur les réseaux sociaux : la plus élémentaire des politesses, c’est d’abord de penser à tous les artistes, techniciens, administratifs et « bénéloves », qui ont tant donné pour que ce moment advienne, mais qui, en dernier recours, se trouve annulé par la force des choses. Hé ben, moi, aujourd’hui, j’ai de la peine pour Govrache et pour toute son équipe, ainsi que pour Jean-Claude Barens et pour tous les impliqués de l’association Chant Libre, organisatrice du festival Barjac m’en chante, qui ont tant ramé, en ces temps tourmentés, pour que cet événement puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles. Tiens, d’ailleurs… vous connaissez la différence entre le fait d’être concerné et celui d’être impliqué ? Hé ben, dans les œufs au bacon, la poule est concernée, mais le cochon est impliqué : faisons donc en sorte que les poules cessent de cocotter quand le cochon donne son corps à la bienséance… et les moutons seront bien gardés ! CQFD.
Marathon-chanson – 31 concerts – moult rencontres et conférences – Barjac (Gard)
Simplement merci du fond du coeur, Monsieur Halimi, pour ce texte d’une criante vérité. Je n’y étais pas cette année à Barjac (occupé à d’autres choses) et ce que vous avez décrit de la crise ressentie sur les réseaux sociaux ne fait que mettre en lumière l’esprit gangréné qui s’installe dans les milieux de la chanson en festival. L’humanité et le gros bon sens a fait fausse route bien des fois. Souvent, je suis revenu l’âme chagrine car ça n’est pas la première fois que de telles manifestations « intégristes » (j’emploie le mot) ont nui à la beauté qui devait émaner de la rencontre entre les artistes de la chanson et leur public. Respect, monsieur de votre texte et de ce que vous défendez justement.
Bien sûr, les réseaux associaux (Imbert Imbert dans une chanson, je crois) ne sont pas la cause de tous les maux, mais, comme disait ma mère, en voulant signifier le contraire…. ça y nuit pas !
Quant à Govrache, il se produira probablement en Limousin. J’irai l’applaudir.
Je plussoie ! Merci de cette petite « remise des pendules à l’heure ». Je ne suis pas sur les réseaux dit sociaux, bien que faisant partie des jeunes de Barjac (moins de 60 ans…), mais j’ai aussi été choqué des réactions de vieux grincheux un peu égoïstes il faut bien le dire, dans les files d’attente. Râler sur les annulations, sur l’organisation qui n’a pas tout prévu etc… mais le pire pour moi a été l’attitude de certains envers les bénévoles, pris à partie parfois de façon très virulente, sous prétexte qu’il est intolérable de demander une deuxième fois ce satané pass sanitaire, alors que au final, ça ne prend pas beaucoup plus de temps que le contrôle simple des billets et que ça tranquillise tout le monde…
Alors oui il y a peut-être des améliorations à apporter pour mieux gérer les aléas climatiques, qui risquent de devenir plus fréquents à l’avenir … comme par exemple rajouter des tonnelles pour abriter les files d’attentes
Ce mot de Franck Halimi je le signe. L’humanité m’inquiète de plus en plus