Off Avignon 2021, Baptiste Dupré Trio, le bonheur est dans le pré
L’Arrache-Cœur, 9 juillet 2021
S’il est un artiste qui porte bien son nom, haut et fort, c’est Baptiste Dupré. Baptiste, prénom intemporel, lié à l’eau, d’un verseau qui abreuve les assoiffés, et Dupré, parce qu’on l’y suivrait bien, dans son pré de Burzet, en Ardèche. D’ailleurs son autre métier, c’est guide accompagnateur, pour faire visiter ces prés, ces forêts, ces montagnes, écouter les murmures des eaux vives, de la poussière qui garde la mémoire des choses et des gens, et les chants des oiseaux.
En trio avec José Ramanoelina au violon, à la scie musicale et même à la trompette, et Jonathan Mouton à la basse, qui font aussi les chœurs, ils créent une superbe harmonie qui sait aussi ménager des surprises. De sa voix tendre et caressante, Baptiste mâche ses mots avec appétit pour nous en faire repas exquis, substantifique provende. « Demeurer un instant dans la beauté des choses, l’éternité y tisse sa toile printanière… demeurer un instant dans la beauté du temps » est un moment de pur ravissement. Le temps, il en parle si bien, que ce soit celui qui se traîne, dont on voudrait s’échapper, et rêver de vie et de vent, celui que l’on voudrait rattraper « Tout s’efface / Tout ou presque / Reste la tendresse », chanson bissée en rappel. Celui qui ignore les lieux, les époques, en éternelle barbarie. Évoqué subtilement, universellement, par les yeux de Lola « Coule la rivière / Emporte avec toi / Jusque dans la rivière / Les pleurs de Lola ». Qui, solitaire, oublie ses malheurs dans les livres, sur une déchirante mélodie de scie musicale. Ou ce temps qui relie les générations, celui de la transmission, entre ces deux femmes telles le soleil et la lune, une histoire de roses, l’une qui se fane, l’autre en bouton, les deux Jeanne : « Lorsque l’une sème, l’autre moissonne ».
Les mots coulent aussi naturellement que les mélodies, lyriques et frais, pétris de tendresse. Les anecdotes font le lien, avec le talent de conteur de Baptiste, de Saint Bénezet saint patron de son village au pont d’Avignon qu’il a construit, des routes sinueuses d’Ardèche où se perd, effrayée, la Parisienne, croisée un jour sans retour. Nul besoin d’images, le violon, la basse expressive vous situent la scène. Le fantasme effleuré lui a sans doute suggéré cette stupéfiante interrogation, soulignée d’un solo de trompette, et que devraient se poser plus souvent certains mâles, « Ai-je vraiment besoin de ma bite ? ». Une auto dérision qui détend, si j’ose dire, l’atmosphère du concert, en petits contes philosophiques, jusqu’à ses réflexions sur la vie « dans cette tête en friche » : « On n’apprend pas des livres / À vivre ».
C’est sans doute ce qui le caractérise le mieux, cette capacité à charmer comme à surprendre son auditoire. Cette entraînante rengaine, « Titanic et coquelicot sont sur un bateau », est formule légère reprise en chœur par le public pour parler d’un sujet grave, d’une actualité inquiétante. Et cette pédagogie du guide, en musique comme en nature, pour nous faire virevolter en chanson comme un Papillon. Un vrai bonheur qui nous fait monter « Le long de l’âme », et le suivre Sur [s]on radeau à la dérive, « sur cette île où règne l’amour. »
Baptiste Dupré en trio, 13, rue du 50eme régiment d’infanterie 09 85 09 97 42, jusqu’au 30 juillet 2021 à 18h50 sauf les lundis. Dans le cadre de chanson/off soutenu par Fédéchanson.
Le site de Baptiste Dupré chez Ariane Productions, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
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