Ces dames brunes que sont Bezriche et Barbara…
Sauvé dans Lancer de disque
Tags: Barbara, Natasha Bezriche, Nouvelles
On peut toujours craindre qu’un disque de reprise inutilement clone, même de justesse, le repris. Qu’il soit de fait inutile, sachant qu’il faut toujours, en chanson comme en tout autre domaine, préférer l’original à la copie.
Tel n’est pas le cas avec ce séduisant album de Natasha Bezriche, Dames brunes, qui reprend seize chansons de Barbara.
Un disque de reprise est réussit quand le nouvel interprète réussit à nous faire oublier le poinçon d’origine, en tout cas ne pas nous le faire regretter. Bezriche ici fait fort qui, par je ne sais quel prodige – l’art, le style… – se démarque de la franchise. Ça en fait une œuvre presque personnelle, à la diction parfaite. Et l’addiction aussi.
Ce disque est co-signé du pianiste et arrangeur Sébastien Jaudon. Et c’est vrai qu’il s’agit bien d’un duo, d’une complicité : rien qu’à l’écoute ça se sent, ça mutualise l’émotion, ça respire… Les doigts sur le clavier ont autant de personnalité que la voix de l’interprète. Chapeau.
Dames brunes que sont Barbara et Bezriche, qui ne comptent pas pour des prunes et se dégustent comme les meilleures des mirabelles…
Occasion pour nous de publier de nouveau cette insolite chronique d’un récital sans nul autre spectateur que l’internaute, cause à cette pandémie qui le rendit orphelin de public : Bezriche et Jaudon dans ce répertoire de chansons de femmes et/ou sur les femmes, Barbara incluse, qui augurait bien du disque que voilà.
Parfums de femmes
« C’est une fille ! », 1er avril 2021, captation vidéo à Lyon Music, chez Yves Dugas, facteur de pianos,
Je serais Télérama que j’accolerais ffff à ce récital.
Traiter d’un spectacle dont la vidéo ci-dessous divulgue l’intégralité rend quelque peu vain les mots que je peux y poser. A la visionner, tout est dit, tout est chanté : le talent et l’émotion sont là, d’une rare évidence.
Des portraits au féminin : la femme dans les mots de l’homme ; comment elles se perçoivent elles-mêmes ; le sort qui est fait aux femmes… Que des chansons d’une rare actualité, même les plus anciennes d’entre elles. Ainsi Les bleus de Serge Gainsbourg, sur les femmes battues ; ou Filles d’ouvriers, de Jules Jouy, sur l’exploitation de la femme (ça ne doit pas être autorisé de la fredonner dans les vestiaires d’Amazon…). Même et surtout La côtelette, de Brigitte Fontaine, qui ouvre le récital : « Je ne pense pas avec la tête / Qui sert de décoration / Je suis la femme ».
Natasha Bezriche et son pianiste et arrangeur Sébastien Jaudon ont, ma foi, fait une sélection judicieuse, passionnante pour dire vrai.
On pourrait s’étonner que seul un titre (La petite robe noire, de Juliette) de cette sélection (une vingtaine de titres) soit tiré d’un passé récent, que tous remontent au siècle passé, alors qu’on parle beaucoup de ces chanteuses aux propos sinon féministes au moins féminins. Mais Jaudon et Bezriche aiment le riche des chansons, leur consistance, les mots à mâcher, le grain à moudre, la finesse des textes bien travaillés. Et force est de reconnaître que les chansons de maintenant sont souvent plus maigres en arguments.
On sera étonnés, séduits, par l’incroyable plasticité de la voix de Natasha Bezriche qui semble savoir tout faire, qui a en elle un peu de celles de Barbara, de Michèle Bernard, de Fréhel, de Colette Magny, de Marie-Paule Belle… A l’aise dans tous les registres de l’émotion. Et l’amour et la colère… On sait qu’elle fut bercée par toutes ces chanteuses qui lui ont donné envie d’à son tour chanter : elle semble avoir tout gardé. Et leurs parfums aussi. « Y a tout d’même des choses / Qu’une femme n’oublie pas… » chantait naguère Yvette Guilbert.
Léo Ferré, Michèle Bernard, Anne Sylvestre, Francis Blanche, Barbara, Allain Leprest, Claude Nougaro, Hélène Martin…, le générique est prestigieux. Auquel, modestement, judicieusement, Bezriche ajoute des textes à elle, en apartés, qu’elle dit et ne chante pas, qu’elle n’a pas chantés en fait depuis des années, depuis la disparition de son époux de musicien, et qui trouvent ici leur juste et précise place. Élégant fil rouge s’il en est.
Magnifique, précieuse interprète qu’est Natasha Bezriche. Rien qu’en l’écoutant, on apprend de la chanson. J’ose même prétendre qu’avec ce répertoire, on apprend des femmes.
Le site de Natasha Bezriche, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
Vidéos mises à jour le 24 novembre 2023
« Le bel âge », Dames brunes en concert
C’est une fille, extraits
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