Maxime Le Forestier, le Glenn Gould du natif de Sète
Un premier cahier de 84 chansons paru en 1998, composé surtout de standards du chanteur à la pipe ; un second de 87 autres (le solde) en 2005, fait de titres qui, pour la plupart, ne claironnent pas à la renommée : les deux additionnés, ça se voulait être l’intégrale de Brassens, par un Le Forestier qui s’était mis mordicus en tête de devenir le Glenn Gould du natif de Sète. Pari on ne peut plus réussi. Le Forestier s’approprie si bien ces chansons qu’il les fait comme siennes. Une réussite sans précédent (1).
Revoici, cette fois-ci en un seul et unique coffret, cette monumentale somme. Qui ne nous semble plus être aussi « intégrale » que ça depuis la parution en livre de tous les textes de Brassens au Cherche-Midi, puis la mise en bouche de quelques inédits de jeunesse par Yves Uzureau, par aussi François Morel, Bertrand Belin et Olivier Daviaud.
Reste que Le grand cahier de Le Forestier est une merveille que Polydor a remis sous presse à l’occasion du centenaire Brassens. Des repreneurs de Brassens, il y en a à la pelle, souvent en des récitals et disques complets. Parfois ça pèche et tout n’a pas la maille, mais convenons que dans les centaines d’albums existants, il y a de quoi prendre son plaisir. Mais peu d’entre eux arrivent aux épaules de Le Forestier. Qui a eu, avec les premières éditions de ces enregistrements, l’avantage de nous mettre ou remettre en oreille des titres moins en vue, en marge du succès populaire, jusqu’à là réservés à un public d’exégètes, tant qu’on avait cru qu’on tenait là des inédits (Dieu s’il existe, Le sceptique, Le vieux Normand, Ce n’est pas tout d’être mon père, Clairette et la fourmi…). Avec ce coffret, pas de hiérarchie : tout est bon chez Brassens, y a rien à jeter. On y trouve même des titres chantés à l’origine par d’autres : Le bricoleur, que chanta Patachou, et Le myosotis, que chanta Sacha Distel. Et cette facétie de jeunesse qui a pour titre La chaude pisse, tirée de l’unique roman de Brassens, dont la prétention se limitait à « faire rigoler les copains et possiblement choquer les filles » : elle se chante sur le timbre du Nombril des femmes d’agent et de Carcassonne, auxquels elle succède sur le disque.
Ce coffret, si vous ne l’aviez pas encore, doit vous être indispensable : il est simplement parfait, qui plus est totalement jouissif. MICHEL KEMPER
Maxime Le Forestier chante Brassens, 1er et 2e cahiers, Polydor/Universal 2021. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Georges Brassens, c’est ici. Et de Maxime Le Forestier, c’est là.
(1) Un autre enregistrement « intégral » des chansons de Brassens le fut en 2014 par le chanteur Alain Brisemontier : 8 CD pour 146 seulement, Brisemontier n’ayant retenu pour sa part que l’œuvre enregistrée par Brassens.
Les premiers honneurs des gazettes
Dans « les trompettes de la renommée », Georges Brassens avait fait d’avance un sort à toute tentation de cultiver la gloire. Il lui faut pourtant payer une forme de rançon, de tribut, à la renommée tant l’oeuvre est personnelle et essentielle. Il est devenu national (et international) Sète, comme pour évoquer son destin sans frontières et sa ville natale ! Une cascade de publications s’annonce pour marquer le centenaire de sa naissance. En voici les deux premières vagues puissantes.
Brassens et moi, de Maxime Le Forestier, 152 p., 18 € éditions Stock :
Maxime Le Forestier a en quelque sorte lancé le centenaire avec cette chronique parue en mars 2021 de ses années Brassens. De sa « rencontre » à 14 ans lorsque l’ado aspirant guitariste achète sur les conseils d’un vendeur quatre partitions de Brassens à la visite au cimetière sétois des pauvres, cinq ans après la mort de Brassens. Sans oublier la rencontre physique et artistique sur scène à Bobino en 1972. Le récit souvent drôle célèbre celui qui « aura élevé la chanson à un niveau qu’elle n’avait jamais atteint auparavant ». Pas tout à fait à la façon de l’élévation d’une statue de pierre mais d’un être de chair. Épatant chapitre encore où Le Forestier raconte sa tournée mondiale avec son récital Brassens où le public faisait le programme. Brassens ne fut pour Le Forestier ni un père, ni un ami, écrit-il avec tout le respect qu’il se doit. Une source pour devenir libre chanteur en somme à son tour, traçant sa route.
Magazine Légende numéro 5 (juin 2021), 98 p., 20 € :
Le trimestriel fondé par Éric Fotorino offre son format grandeur nature (39,5 x 27,5 cm) à Brassens. Parce que « On a tous dans le cœur notre Brassens » annonce l’édito. Chacune et chacun son Brassens donc dans ces pages où le récit graphique avec nombre de photos dialogue avec les textes fervents, comme on peut s’y attendre. Ainsi la galerie que dresse le défilé de « Leur Brassens. D’Arthur Teboul, le rockeur (Feu ! Chatterton) à l’écrivain Philippe Delerm qui souligne « le mystère familier » de l’orfèvre Brassens, compositeur, parolier, interprète. Au cœur de ce panoramique Brassens une ballade à Sète où les paroles flottent encore selon Rémy Fière. La ferveur est intacte quarante ans après la mort de Brassens, constate l’ancien rédacteur en chef adjoint de l’Équipe. Cette planète Brassens où brille un ciel bleu Méditerranée de bord de mer évoque une étoile qui brille toujours. ROBERT MIGLIORINI
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