Qu’on se le dise : Bill Deraime se tire ailleurs
Cette fois, c’est dit, c’est promis. A 74 ans, Bill Deraime, notre bluesman à bonnet favori s’est décidé à ranger définitivement ses guitares, au terme d’une carrière bien remplie, riche de 19 albums studio, 3 enregistrements publics et des centaines de scènes en tous genres arpentées tout au long de sa cinquantaine d’années de métier. Avec, on le présume, la satisfaction du devoir accompli.
Et c’est sûr que s’il se retourne sur son passé, Bill Deraime peut être fier de son œuvre. D’un côté, quelques tubes (Babylone tu déconnes, Faut que j’me tire ailleurs, Assis sur le bord de la route…) qui, même s’ils ne passent pas en boucle sur les radios, lui permettent de rester vivace dans les oreilles des amateurs. Et de l’autre, un répertoire moins populaire mais d’une cohérence musicale sans faille (du blues du blues du blues, pour l’essentiel), soutenu par un public fidèle, autant charmé par ses chansons que par la simplicité et l’authenticité de l’homme. Un parcours exemplaire, qui lui vaut tant l’admiration de ses pairs que la reconnaissance des anonymes, qu’il a su toucher au cœur sans tricher.
En point d’orgue de ce beau voyage, voici Nouvel horizon, vol.II. Qui suit donc, l’auriez-vous deviné, le Nouvel horizon paru en 2018. Ce premier volume avait valu à notre septuagénaire un certain regain médiatique, grâce aux duos qui le composent en partie. Bernard Lavilliers, Florent Pagny, Kad Merad, Sanseverino, Tryo et Yves Jamait étaient en effet venus l’épauler pour de revigorantes reprises. Cette seconde partie est dès lors moins clinquante, sans aucun invité prestigieux pour appâter le chaland, mais pas moins passionnante pour autant.
Au programme, dix titres, tous écrits et composés par Bill Deraime. Un inédit qui ouvre l’album (Adieu vieux monde) et neuf reprises, revues et réarrangées. Les grands succès du chanteur étant aux abonnés absents (ils se trouvaient évidemment dans le volume 1), l’ensemble sonne comme un recueil de chansons neuves pour qui n’a pas une connaissance approfondie de son répertoire. Bien sûr, le blues s’y taille la part du lion, mais le reggae reste en embuscade. On préférerait parfois que cela transpire davantage, que cela sonne plus roots, que le son soit moins clean (l’envahissant saxo sur Un jour tu trouves, digne d’un tube des 80’s, bof bof…), mais broutille que tout cela, la voix éraillée du chanteur, unique et reconnaissable entre toutes, apporte un lot suffisant de poils qui se dressent que pour dissiper les petites réticences.
Cet ultime album serait donc un testament artistique ? Il y a évidemment de cela, tant le choix des titres révèle le sens profond de la démarche du chanteur. Car Bill Deraime, ce n’est pas uniquement de la musique que l’on écoute en remuant la tête, c’est aussi – et peut-être avant tout – un artiste profondément chrétien, qui nous délivre depuis toujours, sans prosélytisme ni prêchi-prêcha, un message de paix, d’amour, d’espoir, d’entraide et de respect. « A force de chercher, un jour tu trouves / A force de perdre, tu finis par gagner », « Il faut bouger pour croire », « Notre seul avenir fertile, c’est l’amour », « Si tu voulais, tu pourrais repartir »… Autant de paroles qui semblent aphorismes et conseils de vie, que chacun appréciera librement, quelles que soient ses (non) croyances. Et si l’auteur n’est pas dupe (« Le système t’aime / Tellement fort qu’il tue »), jamais l’espérance en un monde meilleur ne faiblit : « L’inaccessible étoile est-elle vraiment si loin ? ». Nougaro le disait déjà : la foi est plus belle que Dieu !
Quoi d’étonnant alors que le seul titre inédit de l’album ait des allures de profession de foi et d’avertissement prophétique : « Adieu vieux monde à stratagèmes / Hâtons le pas, c’est le moment / Qu’enfin les uns, les autres s’aiment / Sinon périront leurs enfants ». La voix de Bill Deraime se tait peut-être, son message est immortel.
Bill Deraime, Nouvel horizon Vol.II, Rupture/Sony Music, 2021. Le site de Bill Deraime, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
En effet, très reggae, cet Adieu au vieux monde! Originale découverte, merci Pol, ça change des tendances de la chanson à épouser la pop.
Bonjour,
Peut-être un dernier « truc » à faire ?…Un clip Babylone tu déconnes, dans le métro avec la foule qui danse…
Grosses bises BILL
Bruno