Florent Richard, ecce hommage
La pochette de l’album nous montre le chanteur dans la posture qu’affectionnait son modèle : de profil et la main levée, dans un halo de fumée. Si ce n’est que la loi anti-tabac est passée par là et que la cigarette s’est effacée. Triste époque.
Nul besoin d’être grand clerc, au vu de la photo de Florent Richard, pour deviner qu’il sera question d’hommage. Le titre de l’opus dissipe d’ailleurs l’éventuel doute : Initials SG. Joli clin d’œil à l’un des morceaux les plus célèbres de l’homme à tête de chou, Initials BB, écrit à la gloire de son éphémère amour. Chanson qui ouvre et ferme le présent disque, dans une « version album » tout en cuivres naturels et une « version radio » teintée de légers rythmes électro.
Entre ces deux extrêmes, que du bon. Du Gainsbourg intemporel et donc toujours étonnamment moderne. Des chansons couvrant les années 1958 (Le Poinçonneur des Lilas) à 1981 (Dépression au-dessus du jardin), mais essentiellement des titres des sixties et seventies, de ceux qui ont fait du Serge un artiste majeur de la chanson française. Des très connues, comme L’eau à la bouche, La chanson de Prévert ou Je suis venu te dire que je m’en vais… Et puis des moins célèbres, que l’on prend un immense plaisir à redécouvrir : Intoxicated man, My Lady héroïne, Requiem pour un twister ou La noyée. Treize chansons au total, treize merveilles d’écriture qu’il est délicieux de se remettre dans les oreilles, histoire de se rappeler combien un Gainsbourg valait mille Gainsbarre.
Pourquoi cet hommage ? Dans le livret du CD, un dialogue imaginaire entre Florent Richard et le fantôme du maître nous donne la clé : Ça fait des années que tu es là, que tu m’accompagnes, que tu influences ma voix, mes portées, mes doigts. Mes potes me disent souvent que je pourrais être ton héritier. Juste parce que je suis un nonchalant, on m’a collé ton sang. Mais entre toi et moi, c’est pas une histoire de génétique, mais une reliance de musique. La démarche serait donc à la fois artistique et libératoire, le besoin d’assumer la filiation allant de pair avec l’envie de faire revivre la poésie du chanteur.
La revisite est dès lors respectueuse : pas question ici de transformer les chansons en rap urbain ou de les bidouiller à tous crins à la sauce électro. Le ton est plutôt jazzy, façon grand orchestre, où les cuivres sont à la fête. Ça swingue, ça percussionne (étonnante version sautillante de Dépression au-dessus du jardin !), ça pianote en solo, ça guitarise avec légèreté… Ça duote aussi, avec l’ami Gauvain Sers, Angelina Wismes ou Mélanie Dahan. Tout étonne d’abord et ravit ensuite. Et même si la voix et l’interprétation de Florent Richard, très proches de celles du fumeur de gitanes, peuvent déconcerter, les écoutes successives permettent d’en apprécier les nuances et de passer outre ce mimétisme apparent.
Initials SG n’est pas un simple « tribute », comme l’industrie du disque nous en propose trop souvent. C’est une déclaration d’amour d’un artiste à un autre artiste, une reconnaissance de dette, un cri du cœur. Un hommage brillamment réalisé, qui ripoline la poésie et le génie musical d’un chanteur culte, que l’on croyait connaître sur le bout des oreilles et qui nous surprend pourtant toujours. Gainsbourg est mort ? Laissez-moi rire.
Florent Richard, Initials SG, EPM-Universal, 2021. Le facebook de Florent Richard, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Le pari était casse-gueule, et force est de constater que le résultat est globalement emballant. Désolé, mais moi Gauvain Sers je ne peux pas, par contre j’attribue bon-point et image au duo avec Angelina Wismes, un régal. Bon niveau moyen de cet album. un salut à tous ceux qui continuent à frissonner pour la chanson dans cette époque de bouse de vache.