Fontaine Wallace, plus douce sera la chute
Le Projet est le deuxième album de Fontaine Wallace, formation parisienne composée de Nicolas Falez, au texte, au chant et à la guitare, Cécile Béguery à la basse, Ludovic Morillon à la batterie et Fabrice de Battista aux claviers. Dix chansons pop-rock, au rythme parfois tranchant, parfois planant, au ton toujours mélancolique.
La première écoute déconcerte quelque peu. C’est que la voix traînante du chanteur peut passablement énerver, tandis que les paroles, dopées au minimalisme, peuvent laisser perplexe sur le propos, donnant à l’auditeur la fâcheuse impression qu’il lui incombe de boucher les trous et qu’encore une fois, la poésie a bon dos. « Avons-nous réellement besoin d’un deuxième Jean-Louis Murat ? », serait-on tenté de se demander…
Et puis, parce que la musique nous a chopé malgré tout, on y revient, on prend le temps d’une découverte approfondie et posée, on mesure combien les textes sont en réalité parfaits dans leur concision, allant directement à l’os, et on tombe peu à peu en amour. C’est cela, Le Projet : une œuvre tout en séduction secrète et en tranquille apprivoisement.
La chanson-titre ouvre l’album et donne le la : « Ce que j’ai fait de plus beau, c’était l’inutile », nous confesse le narrateur. « Quand je tombe, c’est sans aucun style », ajoute-t-il. Alors, plutôt que de se lamenter sur ce constat d’échec, autant en faire une force : « Le projet, c’est que tout reste en désordre ! ». Intimité partagée, humour distancié et paroles claquantes proches du slogan, tels sont les ingrédients que l’on retrouvera tout au long de l’opus.
La déliquescence se déclinera ainsi au fil des morceaux : histoire d’amour touchant à sa fin avec Les systèmes finissants – quel magnifique titre ! – (Au crépuscule de l’homme blanc / Est-ce que tu veux encore de moi ?), douleur de la solitude (Je tourne mal quand je reste seul avec moi), souvenirs nocturnes d’un passé heureux (Avec le décor en mémoire / J’embrasse tes paupières fermées)… Ainsi va Fontaine Wallace, au gré de ses dix titres en « je », en forme d’auto-confession (auto-flagellation ?), dont seul l’auteur mesure le degré fictionnel. Au détour de ce chant clinique, c’est pourtant l’émotion qui nous saisit sans s’être annoncée (J’ai des rendez-vous secrets / Avec l’adolescent trop gros / Qui rêve de guitares et de filles nues / Je me laisse embrasser / Par la super héroïne / Qui sauve les enfants perdus), dans cette discrète tendresse pour les rateurs d’existence, qui préservent leur mystère (Je suis un labyrinthe comme tout le monde / Un endroit dessiné pour qu’on se perde) tout en rêvant de se refaire (Dans une autre vie tu m’aimerais plus / Dans une autre vie je t’aimerais mieux).
La pochette de l’album, réalisation d’Émeric Guémas, nous montre une personne en train d’écrire. Un engin placé plus haut capte ce qu’elle écrit pour le projeter vers l’extérieur. Des flèches semblent indiquer toutefois que le flux serait plutôt inversé. Est-ce donc la machine qui capture l’air ambiant pour le reporter sur le papier ? Ou est-ce l’écrivain qui fait part de ses sentiments intimes par le biais de ce mystérieux mécanisme ? Une illustration parfaite du disque, à la fois œuvre nombriliste et neurasthénique captation de l’air du temps. Osez le voyage.
Fontaine Wallace, Le Projet, Microcultures/Kuroneko, 2021. Le facebook de Fontaine Wallace, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
Le projet, audio
Dédalus, audio
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