Clio, elle a tout d’une grande
« Dans mes chansons / Il n’y a jamais grand fond / Que nos inclinations / Les années passent / Et l’amour hélas / Jamais ne me lasse ». C’est par le morceau éponyme que Clio achève son troisième album, intitulé L’amour hélas. Une chanson clin d’œil, par laquelle elle vient faussement s’excuser de ne nous entretenir que de sentiments, faisant fi des conseils avisés selon lesquels « il faut de temps en temps des lignes moins légères ». Doit-on pour autant lui en vouloir ?
Les 9 titres qui ont précédé le démontrent à l’envi : l’auteure aime piocher son inspiration au rayon de la mélancolie délétère et des passions déçues. Avec Clio, si l’on fête quelque chose, c’est davantage la fin que le début (Ce soir c’est super / Il est parti, la belle affaire / Moi je bois des verres) ; si l’on parle d’amour, c’est par le biais des souvenirs (Sombrent les amours anciennes / Je me souviens de nous) ; s’il est question du couple, c’est qu’il est au bord de l’implosion (Pour tes nuits berlinoises / Trouve une autre que moi / Je ne partirai pas)… Le spleen est contagieux et frappe chaque personnage des chansons : « Ai-je perdu le nord ? / Y’a plus personne nulle part », chante l’une ; « Pendant qu’elle marche des heures / Personne ne voit qu’elle pleure » dit-on d’une autre ; quand une troisième recherche « Quelqu’un quelque part / Qui dirait rien quand t’aurais tort ». Comment dès lors interpréter l’improbable – et très réussi – duo avec Iggy Pop, qui nous conte l’après-midi pluvieux d’un couple cloîtré en appartement ? « On n’ira pas dehors / Et puis ça ne fait rien / Qu’irait-on faire dehors / Lorsque dedans tout va si bien ? ». S’agit-il d’un couple uni savourant un instant apaisé, ou de deux êtres qui s’ennuient dans une réclusion forcée ? Premier degré ou ironie ? Allez savoir…
Désillusions, lose sentimentale et mal-être général ont beau former le socle de l’œuvre, pas question pourtant de sombrer dans un abîme de tristesse. Clio donne dans la chanson mélanco-pop, comme Lio lorsqu’elle mettait sa pétillance de côté, ou tel Chamfort nous prenant à témoin des ratés de son cœur. Le choix artistique du « tout aux synthés », qui nous ramène une trentaine d’années en arrière (Amélie Morin, vous vous souvenez ?), apporte une insouciance et une légèreté bienvenues, à même de tempérer la grisaille des sentiments mis en scène. Un minimalisme musical déjà de mise sur les 2 albums précédents de Clio, qu’on souhaiterait pourtant voir à l’avenir opter pour une orchestration plus fournie, à même de donner de l’ampleur à ses chansons sans nuire à leur beauté et leur efficacité.
Troisième jalon d’une carrière prometteuse, L’amour hélas est un joli album, parsemé de chansons sentimentales de forme classique et sans mièvrerie, écrites et interprétées avec sincérité. Il impose encore davantage Clio dans le monde de la chanson française, entre l’aînée Françoise Hardy et le grand frère Vincent Delerm. Ne manque plus qu’un réel succès public, qui ne saurait tarder.
Clio, L’amour, hélas, Un Plan Simple/Sony, 2021. Le site de Clio, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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