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Hervé Lapalud et Dramane Dembele, deux koras-cœurs

Dramane Dembele, Hervé Lapalud à Venelles, 2019 Photo © Nicolas Blanchard

Dramane Dembele, Hervé Lapalud à Venelles, 2019 Photo © Nicolas Blanchard

Hervé Lapalud a beaucoup voyagé. Je ne reprendrai pas le périple de son tour du monde, mais sachez qu’il a passé une grande partie de son temps du côté d’Ouagadougou au Burkina Faso. Mais pour le suivre en voyage, nul besoin de prendre l’avion, parce qu’Hervé voyage surtout dans les cœurs et qu’au fond, il n’est pas toujours besoin de faire des kilomètres pour faire ce voyage là. D’ailleurs, il ne « fait »  pas Madagascar ou le Burkina Faso, comme certains qui semblent voyager comme on fait un tableau de chasse. Lui va à la rencontre des gens, ce n’est pas si difficile, il suffit d’être curieux de nouveaux arbres, de nouvelles saisons, de nouveaux sourires : « Toi aussi , tu es un voyageur, toi aussi tu vagabondes, tu musardes, tu regardes, tu écoutes, et tu apprends, et tu fais provisions… »

Quand j’ai rencontré Hervé Lapalud à Venelles, le 2 mars 2019, il venait juste de croiser Dramane Dembele, et de mettre en commun leurs koras, pour ce nouveau spectacle baptisé simplement Korafoland. Un premier concert donné en avril 2018 le lendemain de la mort d’Higelin, une date qu’on n’oublie pas. En mars existait seulement un quatre titres, déjà tellement essentiels : Marchons, Ecris, Donne-moi des nouvelles de demain, et Nu, voyage sur la peau d’une femme, noyé dans « Chaque grain de ta beauté ». Si tu n’as pas accompli tout ça c’est que tu as raté ta vie…

Donne-moi des nouvelles de demain, c’est une lettre à ce Petit Prince lointain de sa descendance. Une lettre toute simple, imaginant ce que les humains pourraient bien devenir. Une lettre un peu inquiète donc, très tendre, avec des interrogations : « Est-ce qu’on joue encore des chansons, sur les guitares, les balafons ? ». Peut-être, « Si tous les gars du monde / voulaient se donner la note ». Une utopie à laquelle se raccrocher, parce qu’Hervé sait bien qu’il faut avancer, même avec un « Caillou dans ma chaussure ». Hervé aime écrire des lettres, aux gens qu’il aime, aux vivants, aux morts, aux objets même, aux nuages, au feu, à la vie…Elles paraîtront un jour peut-être dans un recueil, on l’attend, on l’espère. Dans cette veine d’écriture il y a cette chanson courte, comme un haïku, qui cache sous sa fausse naïveté le problème de l’inégalité des chances, suivant qu’on est né ici ou ailleurs, sur le gémissement de la flûte :

A l’école de la vitre
J’apprends pas vite
J’écris dans l’autobus à l’arrière
Dans la buée de l’hiver

LAPALUD Dembele 2021 korafolandLa kora, à l’origine, c’est un instrument de femme. Voyez comme son ventre est rond, gonflé de vie. Sa peau est organique, vache ou chèvre, c’est un tambour vivant. Voyez comme les notes qu’on tire de ses cordes vibrantes, boyaux à l’origine, sont délicates et mélodieuses, faites pour faire du bien, bercer, faire danser. Elle est faite du meilleur bois, de la plus ronde calebasse, artisanale même si on peut l’électrifier pour la faire sonner plus loin, plus fort, elle est faite de temps, d’amour, de patience. Elle a des petites sœurs comme le n’goni, et s’accorde à merveille avec le tama, tambour parlant, les percussions, la flûte traversière peule qui est autant une voix qu’un instrument. Dramane Dembelé a des générations de griots derrière lui pour enchanter nos oreilles, nos corps et nos âmes. A la kora d’Hervé se sont ajoutées les guitares de Gilbert Gandil, l’accordéon et le Fender Rhodes de Jonathan Mathis, compagnon de musique d’Hervé depuis longtemps. L’ensemble vous emporte dans un monde d’une infinie douceur, réconfortant, non dénué d’une certaine mélancolie, chez des amis, « quelque part sous la lune ». On y fait des rencontres imprévues « J’aime cet instant là / Où nos regards se croisent / Sur la pointe des mots / Où l’on s’apprivoise ». Et la langues douce burkinabè se mêle au français pour chanter le Pays des hommes intègres: « On est pas des môssieurs (…) On est multimillénaires ».

Korafoland, c’est aussi un voyage illustré en trois volets par Violaine Tatéossian, dans le monde d’Alice, du Petit Prince ou de Jonas et la baleine, un monde qui peut être cruel et inquiétant, d’où l’on ne se sauve que par l’amour.
Ce bel album a été réalisé par Stéphane Piot aux studios de l’Hacienda sur deux saisons en 2018 et 2019.
Catherine LAUGIER

Hervé Lapalud et Dramane Dembele, Korafoland, Les éditions Estive les Viveurs, 2021. Le site d’Hervé Lapalud, c’est ici. Celui de Korafoland, ici.  Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.

Nu, Lyon 2020 Image de prévisualisation YouTube

Si tous les gars du monde, Lyon 2020 Image de prévisualisation YouTube

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