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10 mai 1981, le début de la fin de la chanson

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A l’occasion du quarantième anniversaire du 10 mai 1981, date que je m’évertue à tenir pour historique, Télérama fait sa une de François Mitterrand et de Jack Lang au titre de « Quand la culture était essentielle ». C’est bien de le rappeler, ça tranche tellement avec l’actuel mépris du macronisme dominant pour la culture.

Danse, théâtre, arts plastiques, architecture, cinéma, littérature. Et chanson. Télérama tresse des lauriers, des louanges, au président et à son ministre de la culture. Avec des témoignages pour appuyer le propos, l’illustrer. Pour la chanson, c’est Gauvain Sers (né en 1989, donc qualifié pour en parler) et Bernard Lavilliers qui s’y collent. Retenons les propos de Nanar : « Je retiens, bien sûr, l’idée de libérer les radios ». « On sentait aussi l’envie de transmettre la création à travers l’éducation ». « On nous demandait enfin notre avis pour la construction de salles adaptées comme les Zénith ». « Ces années-là ont vu les festivals de musiques actuelles se multiplier, le développement du Printemps de Bourges, la création des Francofolies et tant d’autres, grâce aux subventions qui les rendaient abordables. Aujourd’hui encore, c’est là qu’on découvre les artistes émergents ». Et de rappeler la Fête de la musique et le soutien aux nouvelles formes musicales…

QUELQUES TÉMOIGNAGES... . Gilbert Laffaille « Les choses ont commencé à changer à partir de mai 1981 avec l’élection de François Mitterrand. Paradoxalement beaucoup d’artistes ayant souhaité cette alternance ont été moins soutenus par la gauche arrivée au pouvoir que par cette même gauche auparavant dans l’opposition… La libération des ondes a surtout favorisé l’arrivée du rock, des musiques anglo-saxonnes… L’espoir des radios libres fut de courte durée » (propos recueillis par David Desreumaux, in Coffret EPM 2020) François Béranger « J’ai fait une chanson, en 1982, qui s’appelait Changement. Puisque toute la campagne électorale de François Mitterrand avait été axée sur l’idée de changement, au bout d’un an je posais la question : « Le vrai changement c’est quand ? » En même temps, ça n’était pas une surprise pour moi ; j’avais suffisamment d’expérience politique pour savoir que ça se passerait comme ça... » (propos recueillis par Marc Robine, in Chorus, hiver 2001) Yvan Dautin « [l’intérêt pour la chanson est retombé] Je mets ça sur le dos de Jack Lang. Il a contribué à l’ouverture de la word music, et donc au déclin de la chanson. Avec cette idée que tout est artistique : le boucher, le charcutier… On n’établit plus de hiérarchie entre l’art et l’artisanat. Je ne suis pas a priori pour la hiérarchie, mais je trouve cette démarche démagogique » ( propos recueillis par David Desreumaux, in Hexagone hiver 2020) Michèle Bernard « [dans les années 80, ça a été terminée] Oui, bizarrement au moment où la gauche est arrivée au pouvoir. Cette forme de chanson a été ringardisée à ce moment-là. Je pense qu’il y a des logiques commerciales et de grands professionnels dans ce domaine. On est du menu fretin pour eux... » (propos recueillis par Raoul Bellaïche et Colette Fillon, in Je Chante !, mars 2021)

QUELQUES TÉMOIGNAGES…
.
Gilbert Laffaille
« Les choses ont commencé à changer à partir de mai 1981 avec l’élection de François Mitterrand. Paradoxalement beaucoup d’artistes ayant souhaité cette alternance ont été moins soutenus par la gauche arrivée au pouvoir que par cette même gauche auparavant dans l’opposition… La libération des ondes a surtout favorisé l’arrivée du rock, des musiques anglo-saxonnes… L’espoir des radios libres fut de courte durée » (propos recueillis par David Desreumaux, Coffret EPM 2020)
François Béranger
« J’ai fait une chanson, en 1982, qui s’appelait Changement. Puisque toute la campagne électorale de François Mitterrand avait été axée sur l’idée de changement, au bout d’un an je posais la question : « Le vrai changement c’est quand ? » En même temps, ça n’était pas une surprise pour moi ; j’avais suffisamment d’expérience politique pour savoir que ça se passerait comme ça… » (propos recueillis par Marc Robine, Chorus hiver 2001)
Yvan Dautin
« [l’intérêt pour la chanson est retombé] Je mets ça sur le dos de Jack Lang. Il a contribué à l’ouverture de la word music, et donc au déclin de la chanson. Avec cette idée que tout est artistique : le boucher, le charcutier… On n’établit plus de hiérarchie entre l’art et l’artisanat. Je ne suis pas a priori pour la hiérarchie, mais je trouve cette démarche démagogique » (propos recueillis par David Desreumaux, Hexagone hiver 2020)
Michèle Bernard
« [dans les années 80, ça a été terminée] Oui, bizarrement au moment où la gauche est arrivée au pouvoir. Cette forme de chanson a été ringardisée à ce moment-là. Je pense qu’il y a des logiques commerciales et de grands professionnels dans ce domaine. On est du menu fretin pour eux… » (propos recueillis par Raoul Bellaïche et Colette Fillon, Je Chante ! mars 2021)

Mouais… La chanson qui avait appelé de ses vœux la victoire de la gauche se trouva fort dépourvue quand l’après-10-mai fut venu. Certes, Il y eut ces radios libres, des « radios d’initiative locale » qui ne mirent que peu de temps à copier l’air du temps et se vendre comme des putes au plus offrant. Souvenez-vous : NRJ, Skyrock, Nostalgie, Rire & Chansons… : bienvenue dans le monde des requins, dans ce marché commercial concurrentiel qui s’empresse de niveler la chanson, la répudie, appelle de ses vœux cette « chanson » souvent in english, propre à vendre du Coca-Cola. Bien sûr, ici et là, existent encore quelques radios locales, des résistantes, des rescapées, mais sans grands moyens, qui émettent dans une relative indifférence.

Bien entendu, les Zénith. Mais pour qui, pourquoi ? Et qui peut accéder à de telles salles, sans gros moyens financiers, sans l’audience dont ils sont privés sur les radios et télés et, de façon générale, dans tous les médias ?

Ah, la fête de la musique ! Mais l’idéal a été très vite trahi. Tout y est calibré, organisé. Vous les spectateurs dans la foule et les artistes en scène, chacun à sa juste place : c’est Fête de la musique, surtout pas (ou plus) « Faites de la musique » !

Fidèle à elle-même, bête et idiote, sans jamais se poser de questions, la chaîne Nostalgie fête ce quarantenaire par un surcroît de Dalida, érigée en muse du mitterrandisme. C’est évidement faire peu de cas de tous ces chanteurs qui ont appelé de leur chant un président de gauche, qui ont célébré la victoire de François Mitterrand. Notamment – le savez-vous ? – Jean-Roger Caussimon qui, dès juillet, bien avant Barbara, sortit un 45 tours (ce qui fut rare pour lui, cinq seulement en toute une carrière), Un soir de mai : « La rose a fleuri sur sa branche / Donnant son pourpre et son parfum / Au soir du deuxième dimanche / Du mois de mai 81 » Lui et tous ces chanteurs, tous cocufiés par une gauche qui à certes œuvré pour la reconnaissance de diverses formes d’art, de culture. Mais qui a surtout sanctifié l’hymen de cette culture enfin reconnue et de l’argent roi. Ce qui, malgré la création des Centres de la Chanson qui n’ont pas fait long feu, a été fatal à tout un pan de la chanson.

Un pan de gauche. Pan, pan !

Jean-Roger Caussimon, « Un soir de mai » : Image de prévisualisation YouTube

Barbara, « Regarde » : Image de prévisualisation YouTube

François Béranger, « Le changement, c’est quand ? » : Image de prévisualisation YouTube

Alex Beaupain, « Au départ » : Image de prévisualisation YouTube

5 Réponses à 10 mai 1981, le début de la fin de la chanson

  1. Gallet 10 mai 2021 à 16 h 55 min

    Ouf ! Content de lire ce nouveau coup de gueule …Surpris aussi de lire la satisfaction de Gauvain Sers relative à Jack Lang.
    Il semble bien que les artistes, les spectateurs, les lieux, qui portent cette chanson « de proximité », de » parole », intelligible, ont plus subi le changement qu’ils n’ont été aidés.
    Gros festivals, grandes salles, gros coups médiatisés à outrance, perte des émissions de variété vraie, acceptant ou diffusant les exclus de la playlist.

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  2. mahier 10 mai 2021 à 18 h 41 min

    Article tès intéressant. Et depuis 81, les choses ne se sont pas émliorées pour la chanson française de qualité. En mars 1994, voilà ce que disait dans une interview Jacques Bertin :
    «Dans les années 1970 et au début des années 80 existait un circuit qu’on appelait le circuit parallèle, celui des maisons de jeunes, des foyers socio-culturels, les mouvements d’éducation populaire et le mouvement associatif dans son ensemble. Il a joué le rôle de découvreur d’artistes et a permis à la chanson française d’exister. Il permettait à ceux qui n’émargeaient pas aux registres de la gloire d’exister quand même. Ce circuit leur permettait de sortir de l’illégalité et de la précarité par le paiement de droits, taxes et prestations sociales. Ce circuit s’est effondré au milieu des années 80 pour plusieurs raisons, mais dans l’indifférence générale, pendant que la gauche au pouvoir regardait ailleurs!»

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  3. Tocade 11 mai 2021 à 8 h 31 min

    Merci beaucoup Michel Kemper pour cet article .
    Les années Lang ont crucifié la chanson française au profit du show-business et de ses paillettes, de l’industrie musicale et culturelle (associer ces mots me fait mal au clavier), à mettre en avant le son pour mieux ringardiser le sens.Jacques Bertin a beaucoup et très bien écrit sur cette période …on retrouve ses textes et articles sur son site, ils sont remarquables.

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    • Michel Kemper 11 mai 2021 à 8 h 47 min

      Oh oui, Tocade, les livres et autres écrits de Jacques Bertin sont LA référence sur cette époque. Puis-je vous dire que « Chroniques du malin plaisir » (Corlet éditions 2005) et « Reviens, Draïssi ! » (Le condottière éditeur, 2006) sont deux de mes livres de chevet. A les lire, on revit mieux et dans le détail cette époque et on comprends l’entourloupe qui a définitivement cédé la chanson aux pire et pur biznesse. Merci de nous le rappeler ici.

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  4. Joël Luguern 11 mai 2021 à 19 h 41 min

    Sans oublier le plus qu’excellent livre « Chante toujours, tu m’intéresses » du même Jacques Bertin qui explique à la perfection comment tous ces chanteurs et toutes ces chanteuses qui, le plus souvent en étant payés trois sous et souvent même pas du tout) ont soutenu la gauche (dans ses fêtes, ses meetings, ses rassemblements) avant qu’elle n’accède au pouvoir en 1981, comment donc tous ces artistes de la chanson ont été abandonnés comme des vieilles chaussettes une fois la victoire acquise.
    Fini tous les lieux où ils pouvaient se produire et vivre dignement de leur art, où ils pouvaient tout simplement faire leur métier, tous ces lieux que rappelle « mahier » ci-dessus.

    Place aux créateurs, qu’il disait alors le ministre de la culture… Oubliant ceux qui avaient aidé la gauche à accéder au pouvoir.

    ci-dessus.

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