Rive Gauche : une chanson bien raide
Immanquable- ment, la chanson mute au contact de l’air du temps. De nouvelles feuilles naissent sur ses branches pendant que d’autres sèchent et tombent inexorablement : des genres disparaissent. Ainsi la chanson de cul, que mes collègues experts en politiquement correct nommeront sans doute autrement malgré la turgescence de ses vers. Regrettons que, de nos jours, on ne chante plus en chœur et avec joie Le curé de Camaret, La petite Charlotte ou Les trois orfèvres; qu’on préfère se pignoler triste et solitaire chez Jacquie et Michel…
Certes, avec ré-jouissance, certains tentent de raviver la flamme, comme le groupe Parité Mon Q, chorale d’hommes qui a largement dépassé le niveau de l’excellence. Mais ça reste de la reprise. Plus de créations, plus personne n’écrit et ne compose sur la chose et ses pratiques : les valeurs s’étiolent, nos gauloiseries se perdent, tant que la chanson en devient presque stérile.
Par bonheur, il y a des actes de résistance. En son sein, en ses nichons, le groupe Rive Gauche (qui se présente comme « créateurs d’ambiances au charme désuet et à la poésie d’absinthe ») s’est permis tout un album de chansons paillardes, Annus volubilis, treize titres originaux propres (mais pas trop) à faire mouiller même une trépassée.
« Elle avait le con si froid / Qu’on y glissait pas les doigts / Une bite sans surprise / S’y changerait en Mister Freeze ». On doit l’intégralité des cochoncetés à l’inspiré Fred Vanet qui a dû s’amuser autant à les écrire, les faire rimer, que ses comparses à se les mettre en bouche, façon de parler.
Chroniqueur lubrique que je sais être à l’occasion autant que gastronome redouté, j’avoue ma préférence pour Ratatouille, dont je vous délivre un couplet de sa recette : « On dit raide c’est la carotte / Qu’elle se fourre dans la motte / Ou le concombre pointu / Qu’elle s’introduit dans le cul / Quant aux petits cornichons / Ça ne bouche qu’un coin du con / Il faut au moins une courgette / Pour garnir une telle bébête ».
Ça va des conseils d’une mère à son fils (« Fourre donc, bonhomme, fourre donc / Tu n’sais pas qui te fourrera ») à l’angoissant casse-tête qu’est celui d’engrosser des siamoises, la bandaison de vingt à cent ans avec ses hauts et ses bas, le mode d’emploi préalable à une partouze chez les morts-vivants, la collecte des champignons, la science du bricolage ou encore, d’Aline à Zouzou, un Alphabet du cul ma fois très documenté.
Outre le plaisir chansonnesque, ce disque peut s’envisager comme un guide précieux des bonnes et moins bonnes manières de s’envoyer en l’air. Sur un lit d’entraînantes mélodies, faut-il préciser, même si l’instrumentation est rudimentaire et la guitare un peu lourde.
Regrettons seulement le côté trop amateur du livret (dessins, mise en page brouillonne et calligraphie souvent illisible) : je crois que de telles chansons méritent, non un côté foutre et foutraque mais au contraire un grand luxe typographique posé sur un papier soyeux, comme une petite culotte il va de soie. Ce même si Rive Gauche, c’est un paradoxe, ne fait pas particulièrement dans la dentelle.
Pour être complet, signalons que Rive Gauche est en train de terminer son nouvel album : douze suites aux chansons du père Brassens. Entre l’épure et le pire, les gardiens du dogme peuvent trembler…
Rive Gauche, Annus volubilis, autoproduit 2014, réédition InOuïe Distribution 2020. La page facebook de Rive Gauche, c’est ici. Pour commander ces estimables albums, c’est là, dans la boutique d’InOuïe.
Youhouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu !!!
SALUT LES POTOS !!!!
Comment commence-t-on un samedi peinard ? En lisant la chronique de Michel Kemper sur notre album de RIVE GAUCHE de chansons…. PAILLARDES !!!!!
(Kemper qui en passant vient de sortir un bouquin de chroniques assez savoureuses ! Ce type dit tout haut ce que peu de personnes osent même penser ! Allez y voir croyez moi ! : https://www.lepotcommun.fr/pot/niu5xvc8…
Et ouais il y en a qui en ont dans le stylo !!! Il y en a qui osent !!! Mille mercis à lui vraiment car j’avoue n’avoir jamais pensé que quelqu’un oserait ! De nos jours ou tout doit être lisse, ou les textes (chansons ou bien chroniques ou bien livre enfin tout quoi) doit faire « gendre idéal » ou il ne faut surtout pas bouleverser l’ordre établi, et bien lire ce genre de chronique (et dans chronique y a « Chro »….) ça fait vraiment plaisir !!! Un bel hommage à RIVE GAUCHE et à ANNUS VOLUBILIS (album interdit au Vatican !)
Et merci à « NosEnchanteurs, le Quotidien de la chanson » !
J’aime ce cheminement artistique et cette explosion de talents.
Julien.