Noé Preszow, comme ça se prononce…
Quand le prestigieux label Tôt ou tard admet un chanteur dans son écurie, sûr qu’il est conseillé d’y jeter une oreille curieuse. C’est que la firme de disques n’a guère l’habitude de jeter son dévolu sur le tout-venant. Dick Annegarn, Thomas Fersen, Vincent Delerm, Franck Monnet, Mathieu Boogaerts, Albin de la Simone, Jeanne Cherhal… la liste des artistes passés par là est trop longue et trop belle pour ne pas leur faire confiance a priori.
Voici donc un jeune talent de 26 ans, d’ascendance polonaise, grecque et moldave, venu tout droit de Bruxelles : Noé Preszow et son premier album À nous. Ça vous dit quelque chose ? Probable : le titre éponyme, sorti en éclaireur en mars 2020 et doté d’un joli clip, s’était déjà fait remarquer. Il est vrai que la chanson, mettant à l’honneur l’urgent besoin de solidarité et le collectif, avait des petits airs prophétiques en ces temps de repli forcé. Elle avait d’ailleurs valu au jeune chanteur d’être nommé aux dernières Victoires de la musique, section « Découverte », alors même que son album n’était pas encore paru.
C’est à présent chose faite depuis le 2 avril. Une belle galette de treize morceaux pour 48 minutes de musique. Enfin, de musique… Surtout de texte ! Bien que Noé Preszow soit auteur-compositeur, ce n’est pas lui faire injure que de constater que le flot verbal l’emporte sur les mélodies. L’artiste est assurément à classer dans la catégorie des nouveaux grands bavards de la chanson française, à l’instar d’un Eddy de Pretto, et nous emporte dans un torrent de paroles nécessitant plusieurs écoutes pour être appréciées à leur juste valeur. Soulignons que, pour une fois, ces textes au long cours ne sont pas débités sur un phrasé s’inspirant du rap. Les connaisseurs lui trouveront même une parenté avec Daniel Hélin, en plus grand public. De la chanson de variété qui mise sur l’écoute attentive, ce n’est somme toute pas si courant.
Un premier album est bien souvent centré sur son auteur. Noé Preszow n’échappe pas à cette règle. Si l’autobiographie n’est pas forcément de mise pour tous les morceaux (mais allez savoir !), on devine le portrait en creux du chanteur dans chacun d’eux. Dès le deuxième morceau, Les armes que j’ai, il est ainsi question de la difficulté pour un artiste à se faire signer (Mes lettres de refus / Qui, les soirs d’allégresse / Donnent à ma dévotion / Ses lettres de noblesse), de son intransigeance artistique (A défaut de savoir / M’adapter au contexte / Ou de savoir rimer / En retournant ma veste) et de sa crainte de l’avenir (Et s’il faut qu’un jour / Pour payer mon loyer / … / Toucherais-je / Aux armes de l’ennemi ?). D’autres chansons ont des relents introspectifs, qui nous brossent le tableau d’un homme en soif d’absolu (Parce que c’est mon fardeau de défier l’horizon), mal à l’aise au milieu des autres (Et quand on s’approche trop, je coupe), revendiquant sa différence (Il m’faut des lettres anonymes / Qui m’accusent de tous les crimes), affichant sa haine des existences trop bien rangées (La vraie vie en ligne de mire / Dis-moi pourquoi c’est un peu louche) … Des chansons qui fleurent encore l’adolescence et son mal-être permanent, dont la forme et la richesse d’écriture compensent toutefois avec bonheur le fond un peu convenu.
L’artiste quitte heureusement les rives de l’auto-psychanalyse pour s’ouvrir au monde extérieur et nous chanter l’espérance (À nous), les violences policières (Le monde à l’envers), les migrations (Exils) ou le décès imminent d’un proche (Les poches vides), occasion de rendre un hommage/clin d’œil aux chanteurs et chanteuses de son adolescence : Maxime, Lavilliers, Fontaine, Higelin ou Ribeiro…
À nous est un premier album imparfait, excessif, parfois complaisant, mais honnête et sincère. Il est l’œuvre d’un artiste entier et déterminé à suivre sa propre voie. Son nom est Noé Preszow. Ça se prononce « Prèchof ».
Noé Preszow, À nous, Tôt ou tard, 202. La page Noé Preszow sur le site Tôt ou Tard, c’est ici.
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