Carole Masseport, la beauté n’a pas de saison.
Comme c’est difficile de parler d’un album parfait de beauté… L’aboutissement d’une carrière en liberté, pour atteindre, comme l’indique son titre, un bel équilibre.
En 2017, son album A la fin de l’hiver avait fait remarquer Carole Masseport des jurys, lui donnant une place de finaliste au Prix Moustaki. Cet album de douze titres sur le sentiment amoureux mêlait douces mélodies (Au parc, co écrite et composée avec Céline Ollivier, Éphémère, Serre-moi fort ) et chansons déjantées pop (Sans ça), ou érotico-grinçantes (Ce qui ne veut pas mourir) sur les musiques de Jean-Jacques Nyssen. Un album qui ne s’interdisait rien…
Ayant débuté par l’électro puis le punk avec son collectif P.O.U.F. (Petite Organisation Ultra féminine) qui se jouait des stéréotypes féminins, comédienne, pianiste, bassiste, ayant pratiqué la danse, la gymnastique artistique, le chant lyrique, Carole avait beaucoup de cordes à son arc, trop peut-être pour les programmateurs frileux qui ne savaient où la caser. Professeur de chant au Chantier des Francofolies de La Rochelle, elle rencontre JP Nataf aux Trois Baudets, qui l’invite à faire ses premières parties.
Le nouvel album, dense de ses neuf titres pour une petite demi-heure de durée, se veut sans concession aucune aux modes, intemporel. C’est un ravissement depuis le premier titre jusqu’à la fin. Il y a la voix ronde, claire, veloutée, expressive avec ses inflexions qui vous caressent, ses confidences partagées. La musique, co-composée par Jean-Jacques Nyssen, arrangée par Alexis Campet qui joue aussi du piano, avec Albin de la Simone aux claviers et Geoffrey Bouthors aux guitares, dans la réalisation d’Alain Cluzeau et Dominique Ledudal, est juste parfaite, dans une combinaison subtile d’instruments et d’électronique discrète. Les percussions et les pianos soulignent, le wurli résonne et la mandoline trémole, mais toujours avec justesse et légèreté.
Encore une fois, Carole décrit comme une impressionniste le sentiment amoureux, « Tu as un cœur de dentelle / Qui file comme un bas / Tu tires les ficelles / Tu t’emmêles (…) Tu tires sur la corde / Te défiles chaque fois / Un beau jour ta bobine / Cherra ».
Elle l’effleure d’une plume, pose des questions, fait des rencontres, accepte, attend, refuse ou revient, « Si j’avais eu le choix / J’aurais pris un jeune homme / Neuf et libre de droit / Qui ne manque à personne ». La très barbaresque A ma place parle d’amour inéluctable, la petite musique d’On se remet de tout souligne le contraire « Et Raté / C’est raté / C’est passé à côté » mais parfois l’amour atteint la perfection de ce duo avec JP Nataf, « On est en équilibre/ Nos vies en ricochet / On ne prend pas de ride / À jouer comme on fait / Si c’était à refaire / Je le referais ».
Quand l’actualité s’invite par deux fois, comme une vague que vous ne pouvez éviter, c’est avec retenue, mais un sentiment d’impuissance qu’elle évoque ces migrants refoulés dans l’indifférence, « À Garavan / Tout le monde regarde ailleurs / On fait semblant / De n’en avoir rien à faire » ou celui « Recalé à Calais / C’est pas là où t’allais non » qui fera pour rien un tour de France.
Et les mots de Francis Cabrel, son mentor d’Astaffort en 2016, achèvent de répandre leur nostagie : « La mer quand même dans ses rouleaux continue / Son même thème / Sa chanson vide et têtue / Pour quelques ombres perdues / Sous des capuchons / On doit être hors-saison ».
Catherine LAUGIER
Carole Masseport, En Équilibre, Yaqa Fauqtu, 2021. Le site de Carole Masseport, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
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