Gaëtan Roussel est grand, est-ce que tu le sais ?
Gaëtan Roussel s’est peu à peu imposé comme une figure incontournable du paysage musical français. Projets collectifs (Louise attaque, bien sûr, mais aussi Tarmac ou Lady Sir) et en solo, collaborations en tous genres (de Bashung à Vanessa Paradis, en passant par Raphaël ou Rachid Taha…), musiques de films…, tout fait farine à son moulin, avec une incontestable réussite dans tous les domaines.
C’est donc avec une joie mêlée d’impatience que nous avons découvert ce 19 mars son nouvel opus, tant la chanson Tu ne savais pas, dévoilée en novembre 2020, nous avait mis l’eau à la bouche. Un morceau imparable, à la rythmique implacable et au crescendo irrésistible, totalement craquant. Sans réelle surprise, certes, mais pourquoi s’en plaindre, quand l’artiste atteint un tel degré d’efficacité ?
L’écoute de l’album amène d’ailleurs à nuancer le propos. Alors que ses 3 précédents albums solos jouaient la carte de l’électro et de la surproduction, le petit dernier a choisi le chemin de l’acoustique et d’une certaine simplicité, avec une formule de base classique (guitare, basse, batterie et claviers) et l’ajout occasionnel de cordes. Exit les bidouillages et les chœurs omniprésents. Un resserrage des boulons dû aux conditions de l’enregistrement (confinement oblige), mais aussi à un souhait d’immédiateté du chanteur. Gaëtan fait du Roussel, c’est vrai, mais un peu autrement !
Les aficionados ne seront toutefois pas troublés outre mesure : la patte de l’artiste, immédiatement identifiable, est présente de bout en bout. Les onze chansons du disque sont d’ailleurs toutes signées de sa plume, paroles et musique, tandis qu’il en assuré la co-réalisation avec Maxime Le Guil (ingé-son qui a dans son C.V., entre autres artistes français, Camille, Christophe ou Vincent Delerm). Un ACI complet, dont le talent éclate dans chacune des trois branches que l’acronyme recouvre.
Le compositeur reste un des mélodistes suprêmes de la chanson française, capable de nous pondre aussi bien des hymnes à reprendre en chœur (On ne meurt pas en une seule fois, Le tour du monde…), que des chansons intimistes plus fragiles (La colère, Si par hasard…). Que l’on danse ou que l’on pense, les poils qui se dressent seront mis à contribution.
L’auteur n’a guère changé de style : une écriture à l’os, limitée à des couplets répétés sans grande modification, et un refrain qui claque en forme de punchline. Pas toujours de la grande poésie, mais un savoir-faire indéniable, qui rend les mots indissociables de la musique qui les porte. Avec des éclairs de génie, comme ce refrain des Matins difficiles, si simple, si pur, quasi un haïku : « Indispensable l’envie / Redoutable le temps ». Du reste, cette concision dans le texte n’empêche pas la profondeur : Tu ne savais pas résume une vie en quelques verbes essentiels, La photo se penche sur le temps qui passe et ses effets sur le couple, Si par hasard évoque avec émotion le deuil d’un ami…
Enfin, le chanteur s’impose à l’oreille, avec sa voix caractéristique, mi-canard, mi-éraillée, son chant clair, sa belle diction. Pour notre plaisir, il a ici invité deux collègues pour deux duos : Camélia Jordana pour la très réussie La photo et Alain Souchon pour le plus moyen Sans sommeil, chanson désabusée et inquiète sur les effets du confinement.
Est-ce que tu sais ? est un album à même de plaire à tous, sans pour autant tomber dans la facilité commerciale. Il donne la pêche à qui l’écoute d’une oreille distraite, et matière à réflexion mélancolique pour qui se penche sur les textes. Gagnant au tirage et au grattage. Un bon placement en ces temps difficiles.
Gaëtan Roussel, Est-ce que tu sais ?, Clap Hands Productions/Warner, 2021. Le site de Gaëtan Roussel, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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