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Didier Sustrac, symphonie pour cordes et terre

Didier Sustrac en concert au Petit Duc, capture d'écran

Didier Sustrac en concert au Petit Duc, capture d’écran

Didier Sustrac, Odile Barlier, d’ocre et de bleu

par Catherine Laugier,

12 novembre 2020, concert en direct sur le chaîne web du Petit Duc à Aix-en-Provence,

Didier Sustrac a préparé son nouvel album en résidence au Petit Duc à Aix de septembre à novembre 2021. Commencé en trio avec Osman Martins, le percussionniste brésilien, guitariste et joueur de cavaquinho (1) qu’on entend sur quatre titres du nouvel album, le spectacle a dû être remis en scène avec la seule Odile Barlier qui l’accompagne régulièrement aux chœurs et aux percussions, lorsque le confinement a séparé les musiciens. Manque également la basse ou la contrebasse de José Curier, très présent dans l’album. L’occasion de créer un monde magique qui a enchanté les nombreux spectateurs présents via la toile.

Odile est une « musicienne sauvage » qui crée tout un monde sonore avec des objets en terre cuite qui servent tant de sonnailles (pendus) que de percussions (posés). Elle travaille à genou et à main-nue au dessus de récipients dont certains sont remplis d’eau, ce qui lui donne un aspect chamanique, comme si elle commandait aux éléments. On pense à des musiques très traditionnelles comme les chants pygmée, lorsqu’elle sort des sons incroyables de boîtes de conserve trempées dans l’eau et des chants primaux tirés de l’arrière-gorge, sur le titre Amazone notamment. Mais aussi à la musique d’objets des années 70, d’autant plus qu’Odile fait aussi des chœurs plus classiques, doux et en total écho avec la voix de Didier, qui outre sa guitare, embouche parfois aussi une flûte de terre cuite.
Ce ballet visuel et sonore, ancré dans le minéral et le végétal, très sensoriel, s’accorde particulièrement bien au répertoire de Didier Sustrac, tombé dans la musique brésilienne lorsqu’il était jeune homme, musique cousine de celles d’Amérique centrale, Cuba et les caraïbes, et de l’Afrique de l’Est, Réunion, Madagascar, toutes musiques qui s’enrichissent mutuellement … La samba s’y métisse de jazz, de musiques créoles pour donner la bossa nova.
Influencé par João Gilberto, Pierre Barouh qui le premier a promu la musique brésilienne en France, mais aussi par le folk de Neil Young, Didier Sustrac a développé son style bien particulier de « bossa à texte en français», son rêve brésilien, où la poésie et l’engagement se cachent sous une nonchalante douceur. En référence aussi au poète réunionnais Alain Péters et son Mangé pou le cœur (1980), ou à la chanteuse brésilienne Rosa Passos que Sustrac a adaptée en français (Mon Paris brésilien).

Didier Sustrac photo Aubane Despres

Didier Sustrac photo Aubane Despres

Marcher derrière, ce n’est pas seulement suivre une jolie femme, c’est prendre du recul quand le monde s’accélère, s’accorder à la lenteur de la nature. Tout le contraire de cette lutte contre le temps à coup de Beauté plastique quitte à vendre son âme. Avec la maturité l’interprétation de Sustrac se fait de plus en plus douce et mélancolique, d’une infinie profondeur, qui parle à l’âme. Sur Mélancolie (2016), une de ses chansons de poésie pure « J’appartiens à ce lierre / Sur les chemins de pluie / Où je marche je me perds / Dans le sombre du puits ». Dans la déchirante Cogne (2003),  originellement enregistrée avec Claude Nougaro, qui se fait totale empathie pour ces gamins : « Seraient ils si méchants / Sans les cités nos mioches / Sans l’béton entêtant / Sans cet amour à la pioche ». Jusqu’à Mouchoir lorsqu’il la chante en solo. Ce qui ne l’empêche nullement d’avoir une plume acérée, où les mots se percutent en son comme en sens, comme déjà en 2003 dans Dictateur : « Tout c’qui touche au moche / Au louche, à la peur / Tout c’qui tache, attache, empêche le bonheur / Tout c’qui tranche et penche pour l’horreur / Tout c’qui maque les mecs, les mute en chômeurs / Tout c’qui plaque les mains des mômes au labeur / Tout c’qui marque la faim dont on meurt ». Bel exercice d’élocution qui plus est, essayez un peu !

Avec un répertoire qui rebondit sans arrêt sur l’actualité, Sustrac peut se permettre en concert de reprendre des chansons ne figurant pas même sur le deuxième disque, et pourtant tout aussi présentes, comme Je casse la baraque, Mélancolie ou C’est du vent, en cadeau après l’entretien des artistes avec Gilbert Dahan, co-directeur artistique du Petit Duc : « C’est du vent que je souffle / Pour que tu sois cerf-volant / C’est de l’air sur ta bouche / Pour que tu respires longtemps ».
Catherine LAUGIER

(1) Petite guitare portugaise à quatre cordes

Didier Sustrac l’album, saudade de fruits

par Nicolas Céléguègne,

Des ambassadeurs de la bossa nova et de la samba, il en reste quelques-uns. Henri Salvador (dont la légende dit que sa chanson Dans mon île aurait incité Tom Jobim à ralentir le rythme de la samba…), Pierre Barouh, Georges Moustaki, Pierre Vassiliu, Claude Nougaro, Nino Ferrer ne sont plus là. Michel Fugain, Laurent Voulzy, Bernard Lavilliers, Yves Duteil, Gilbert Laffaille, David Koven, Pauline Croze, Jean Duino, Bïa et bien d’autres autres ont chanté ou continuent à chanter, en français et chacun dans son registre, sur ces rythmes en apparence nonchalants. La célèbre saudade, parfois traduite par la nostalgie de ce qui aurait pu être

SUSTRAC Didier 2021 marcher-derriere-best-of EPM 350Didier Sustrac, dès ses premiers disques, a repris le flambeau. Vous vous souvenez sûrement de Tout seul, sur l’album Zanzibar (1993), puis de Comme les animaux (album Blues indigo, 1995). Il publie chez EPM, ce 19 mars, Marcher derrière, un double CD de 11 nouvelles chansons suivi d’un florilège de ses albums précédents, avec 20 titres.

Le disque s’ouvre sur une guitare, sublime, un arpège bossa nova, une chanson au message pourtant clair derrière la mélodie chaloupée : Didier Sustrac dit préférer marcher derrière, Pendant que d’autres toujours fiers / Préfèrent marcher loin devant / Pour se montrer ou avoir l’air / D’être importants. Viennent ensuite Démodé, sur le temps qui passe (Moustaki avait d’ailleurs chanté Des mots démodés avec Enzo Enzo), Un petit air sans souci, jolie chanson d’amoureux, tout comme L’amour ça nous travaille. Le tube de l’album sera certainement Langue de bois, au rythme endiablé, repris avec Princess Erika. Amazone est une analogie entre forêt en danger et humanité qui s’abandonne. Mouchoir est un duo savoureux et drôle avec Marianne James. Sustrac évoque son Paris brésilien avec ses restaurants et bars consacrés au jazz et donc à la bossa nova, le souvenir des musiciens et de Nino Ferrer. C’est une chanson de Rosa Passos et Fernando de Oliveira qu’il a adaptée en français. Beauté plastique se moque gentiment des bimbos des cartes postales de Rio. Didier Sustrac, Louis Ville, José Curier et Osman Martins signent les arrangements ciselés de ce bel album.

Enfin, sur le Best of, figurent, outre les deux succès déjà cités, Ça sert à quoi (en duo avec Chico Buarque), Zanzibar, Cogne (avec Claude Nougaro) ou encore Heureux. Et des pépites à (re) découvrir, la brûlante Ma case amochée, Loin, qui paraît tout juste écrite « On est loin / Loin de ceux qu’on aime / Bien trop loin », le soul-blues d’Ad Libitum, en duo avec Regina Machado… Un répertoire, un univers à découvrir ou à redécouvrir avec bonheur et délectation !
Nicolas CÉLÉGUÈGNE

 

Didier Sustrac, Marcher derrière, double CD, EPM, 2021. Le site de Didier Sustrac, c’est ici. On peut commander l’album ici. Ce qu’a déjà dit NosEnchanteurs de Didier Sustrac, c’est là
Le site d’Odile Barlier, c’est ici.  Pour découvrir son univers musical, une vidéo de la Cabane à ouir

Didier Sustrac doit revenir au Petit-Duc le 15 mai 2021 en trio avec Odile Barlier et Osman Martin

 

Langue de bois en duo avec Princesse Erika, Thionville 2021 Image de prévisualisation YouTube
Dictateur, chanté en concert mais absent du best of, ici à La Posterie, 2022 Image de prévisualisation YouTube
Loin, 2000, à Rambouillet en Quintet, 2020 Image de prévisualisation YouTube

Vidéos mises à jour 20 mai 2023

 

 

 

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