Yves Uzureau : coup double, coup de maître !
Il chante tellement et si bien Brassens qu’on peut ne le (re)connaître que pour ça (et c’est déjà ça). 2021 sera l’année Yves Uzureau, lui qui sort en avril prochain chez EPM un disque de quinze inédits de Georges Brassens (non, vous ne rêvez pas : on y revient bientôt !), et sort présentement un double album de ses propres compositions : trente titres d’un coup, salve des plus généreuse ! Serait-ce que, d’un coup d’un seul, il se serait mis à écrire ? Que nenni, c’est ici la production accumulée de pas mal d’années, tant qu’on trouve six titres déjà enregistrés sur son précédent et à ce jour unique album… de 1982. Une époque où les disques ne savaient encore rien du laser… Quarante ans de chansons, donc. Pour la plupart d’entre nous, nous ne le savions pas.
A se mettre en tête, en bouche, du Brassens à longueur de récital, on se doute qu’Uzureau a tout compris, tout saisi. De la prosodie comme des accords. De comment on fabrique une chanson, on retient l’attention de l’auditeur, du spectateur.
Comment est-ce possible qu’il nous ait caché ça, qu’il l’ait mis sous l’éteignoir durant si longtemps pour consacrer son immense art au seul service du chanteur à la pipe ?
Bien sûr on cherchera dans son répertoire perso les traces du vieux, sur comment Uzureau peaufine le rime, comment il tient le manche de sa guitare. On cherche, on trouvera. On trouvera aussi parenté avec d’autres artistes, comme dans ce Peau neuve ou dans Le blues du flouze (et d’autres encore), qui, l’un rythmé jazz, l’autre blues, font songer, intonation inclue, à Michel Jonasz. Parfois, comme dans Des larmes de sel, ou Droit devant moi, avec Georges Chelon.
Tout est ici parfait, mieux on ne peut pas. Chaque chanson est pièce d’orfèvrerie, ce double album étal de joaillier. Si ce n’est peut-être ce Lobe Story, d’une autre trempe : un presque rock de sexe, d’ogres et de gore… Car Uzureau s’amuse, touche à tout : d’une plage à l’autre, décors et rythmes (mexicain, flamenco, jazz…) et inspirations sont différents. Je vous le dis : il étale son art comme d’autres montrent leur Rolex. Si je vous dis que c’est de la variété, c’est à prendre au sens premier : c’est varié !
Face à une telle satisfaction – que dis-je : une jubilation ! -, ne reste qu’un seul argument pour minorer, déprécier ce double album : pas de livret, en tous cas pas la reproduction des textes, et c’est dommage. Ça gâche, car on voudrait les avoir sous les yeux, oser les chanter avec Uzureau, même en surimpression de sa voix, se les approprier. Comme quand on connaît par cœur les chansons de Le Forestier ou de Jonasz, d’Escudero ou Dautin. On est dans les mêmes eaux, le même tonneau, le même cru je crois.
C’est festival de cordes : guitares, contrebasse et violoncelle (et des saxos sur un titre). Avec, parfois, des chœurs bienvenus. Sobre et efficace orchestration qui ne prendra aucune ride, renforçant ainsi l’intemporalité de ces trente chansons-là.
Ce double album, ça vaut 19 sur 20. Et encore, je note vache !
Michel KEMPER
Enragé volontaire + Mirifique mi-raisin, double CD, autoproduit 2021. Pour acheter l’album, cliquer sur la pochette. Le site d’Yves Uzureau, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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