Rémi Constant… Ode à un jeune poète
Cette chronique n’est ni le fruit d’une actualité criante ni celui d’une urgence médiatique, mais d’abord l’histoire d’une rencontre, le portrait d’un artiste attachant et de son travail façonné tel celui d’un poète artisan … C’était par un bel été, une petite communauté d’amoureux de la chanson s’était retrouvé sous le soleil de Barjac avec dans le cœur l’envie de ne pas laisser l’esprit des rimes et des notes s’éteindre sous la chape de plomb d’une pandémie. Parmi eux, Rémi Constant, laissez-moi vous le présenter : silhouette fine, présence gracieuse et discrète, allure romantique, lunaire et lumineux pourtant, tout porte à faire de ce jeune homme une figure intemporelle, ou du moins d’un autre temps, surgi d’une époque où le langage était roi, la poésie était reine.
Héritier moderne des troubadours, ainsi que le présente son comparse et pianiste Robin Moritz, Rémi Constant est un amoureux de la langue française qu’il manie à la scène comme à la ville d’une façon délicate et subtile. Pourtant aucune préciosité chez ce jeune homme, mais une singularité, un charme troublant, une authenticité et une inspiration qu’il puise dans la tradition poétique, chez des auteurs qui lui sont familiers. J’ai le souvenir ému de ce matin d’été où, devant un café, au détour d’un échange sur nos textes préférés, il me cita par cœur des vers de Supervielle que j’aime particulièrement. Rien d’étonnant à le retrouver parfois déclamant dans les rues de vieilles villes des poèmes de Rimbaud, Apollinaire, Jaccottet, Supervielle, Baudelaire, Aragon…
Côté chanson, Rémi Constant a fait ses premiers pas dans le métro parisien, en offrant aux passants souterrains les couplets de Graeme Allwright puis, peu à peu, ont éclos ses propres refrains, oscillants entre la missive amoureuse et d’étranges prières. Ses premières pierres furent celles d’un disque autoproduit, avec ses huit titres lents et sentimentaux. Vint la rencontre avec Robin Moritz, pianiste, arrangeur, féru d’harmonie, inspiré autant par Debussy, Fauré que par Bill Evans. Leur complicité donna naissance à cet album Au son de la sonate louve.
Rémi Constant endosse ici le costume de l’homme au manteau trop grand, figure fantomatique du poète dans sa quête d’absolu, cette soif d’écriture jusqu’à la déchirure. Pas de concession à la modernité dans ce disque, excepté le refus de cet Algorithme censé diriger nos vies, calculateur froid et insensible, incapable de saisir l’essence de ce qui fait un humain, tout ici est affaire de sensation, de regard. Et quel regard ! Celui que l’on porte éperdu sur l’être aimé (Je te regarde), celui romantique à l’évocation d’une nuit magicienne où les âmes et les corps se sont unis, tendre et délicat sur une vie passée (Je vous vois vieillir avec tant d’élégance), nostalgique avec ses regrets et ses mots retenus (Te chanter ma lettre) quand il faut se résoudre à se quitter. On le voit, l’amour donne ici le ton, rien que l’amour avec toute une palette d’émotions que le piano de Robin Moritz vient souligner, doux ou tempétueux. Le cœur donne la cadence jusque dans la musique accompagnant les amants entre chant et danse (Tu danses quand je fredonne).
Bien sûr, il y a des imperfections. On a parfois l’impression de moments saisis sur le vif, de places laissées à l’improvisation, mais qu’importe, je dois avouer ma tendresse pour ce jeune artiste, son authenticité, sa sincérité. Son écriture est subtile, inspirée, et sa voix au timbre profond et envoûtant rappelle dans ses accents celle de Frederik Mey. Au son de cette sonate louve surgie de la nuit et du rêve, Rémi Constant nous « adresse ses plus plates folies », nous offre quelques instants volés au temps. Ils sont les bienvenus, notre besoin de poésie est insatiable !
Et puisque de poésie il s’agit, laissons une fois de plus la parole à René Char : « Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver ». En voici quelques unes !
Rémi Constant, Au son de la sonate louve, autoproduit 2020– contact : ?remiconstant@live.fr
Pour commander. Le site de Rémi Constant, c’est ici. Ce que Nos Enchanteurs a déjà dit, c’est là
Un des plus subtils poètes-oiseaux musiciens passé par l’atelier, le cabaret et le studio des Ecrivants Chanteurs. Il n’a pas fini de compter ses plumes et on n’a pas fini d’en observer les couleurs et la grâce. Amitiés de la gent ailée. Chantal Grimm