Déambulation nocturne pour L’Oreille Fougueuse de la Voisine
Le phénomène semble moins marginal, moins élitiste aussi, qu’il nous apparaissait : le retour du 33 tours est un fait. Dans quelle malle, au grenier, ais-je donc mis la platine vinyle ? Il n’y a plus besoin d’être signé dans une major pour se payer le luxe d’un tel pressage.
Et ça peut être de toute beauté. Recevoir ce disque de L’Oreille fougueuse de la voisine est un choc esthétique : l’œil entre dans une autre dimension si la pochette est belle. Elle l’est. Magnifique même cette reproduction du Glow of the city de Martin Lewis de 1929 : ça aurait été aussi beau en format CD me direz vous… oui, peut-être, mais en nettement plus petit. Et pas avec cette qualité de papier cartonné. A l’intérieur un livret demi-format que mon ophtalmo, j’en suis sûr, approuvera. Et, en plus du grand disque noir aux deux faces, un CD au cas où… Ce disque, ce conditionnement, cette présentation : tout est parfait, bravo, merci !
Après la forme, le fond. Va-t-on déchanter en posant, qui le 33 tours, qui le CD, sur la platine ? D’autant que, si ce n’est la chronique curieuse de notre enchanteuse Catherine Laugier (à re-lire ici), nous ne connaissions pas, nous ne savions rien de ce groupe au nom si singulier, ce trio fait de ces Manon Gilbert, Aldo Gilbert et Philippe Patois à nous inconnus, ce dernier auteur des quinze titres et textes de l’album.
Ce trio est né d’une rencontre non musicale mais théâtrale : Philippe et Manon sont comédiens, Aldo compose et joue pour le théâtre. Une passion commune pour la chanson et particulièrement Serge Reggiani et c’est ainsi que, séance tenante, le groupe se crée. Leur bio express ne dit rien par contre de ce nom si énigmatique, de cette fougue, de cette voisine.
L’opus se nomme Du soir au matin. Nuit d’errance au cœur d’une ville moderne « à la rencontre de solitaires anonymes venant livrer leurs états d’âme ». « Des égarés, des oubliés, des écorchés perdus dans l’immensité d’une ville moderne. Des bribes de vies fugitives, anonymes et bancales que l’on éclaire dans la nuit. Des corps cabossés, des vies engoncées, des cœurs en attente. Des rêves interrompus sur l’asphalte envoûtante… » Tout est patchwork : les rencontres, forcément, donc les modes de narration, de la chanson-texte traditionnelle aux poèmes qui « flirtent » avec le rap, le slam… Et des styles musicaux tout aussi divers, de ce qui traversent nos jours, ici nos nuits.
On ne parlera pas ici de répertoire de chansons, ni de théâtre enregistré. Cette déambulation nocturne est sans nom, sans autre référence qu’elle-même : presque un OVNI dans la nuit. C’est superbe, c’est passionnant. Le contenu est aussi bien, aussi désirable que le contenant.
L’Oreille fougueuse de la voisine, Du soir au matin, Vinyle + CD, Microcultures/InOuïe Distribution 2021. Le page de ce trio sur le site Groover, c’est ici ; pour commander cet album, c’est là.
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