Jeanluc Epallle : on peut en être gaga !
« Qu’est-ce qu’ils disent, quoi qu’y parlent, c’est quoi ces mots-là ? / Complètement toqués, ces mecs-là, complètement gagas / Ils ont une drôle de langue, ces types-là… » (1)
Qu’on soit de Montreuil, de Liège, de Pont Saint-Esprit ou de Quimper-Corentin, on a tous en nous un peu de Saint-Étienne (au cas contraire, veuillez consulter) et de cet esprit fondeur qui ose même une langue particulière, parlée nul part ailleurs, qui vit encore, résiste comme un village gaulois à l’uniformisation : rien que pour ça, pour sa douce et folle poésie aussi, elle mérite notre estime.
Jeanluc Epallle est un artiste local, cantonal, à peine départemental. Il vit, chante et joue au pays et n’a jamais eu cette folle prétention d’aller chanter ailleurs, ni à Barjac ni à l’Olympia encore moins au Stade de France (il préfère le chaudron de Geoffroy-Guichard). A la Ric’, à Sainté, à Unieux, à Terrenoire, à Saint-Ch’mond, il est ici chez lui, fervent défenseur et usager du parlé et chanté Gaga.
« Gare gare gare / Là c’est Châteaucreux / C’est pas du toquard / C’est pas la Pardieu / Ici comme on te parle / Les jeunes ou les vieux / C’est comme de l’art / De la poésie… en mieux » (2)
Ici tout le monde, même s’il ne le sait pas, parle gaga, un peu, un petit peu. C’est plein de Monsieur Jourdain qui le causent, qui barlatent, dadent aux aglands, des bois-en-mieux qui borniquent et brandigolent, des faramelans, gapiands et autres marcous par nature et par naissance différents. Chez ces gens-là, monsieur…
« Une mamy aque une blouse bleue / A tits carreaux de sous les Ursules / Beauseigne, payée à cha peu / Aque sa retraite mâtruscule / C’est gaga, c’est gaga, c’est gaga, c’est gaga » (3)
C’est un bouquin carré, 220 pages : que des parodies signées Epallle et parfois d’autres, des chansons aussi. Soixante-treize titres. Et, en bonus, un CD de dix titres inclus (neuf interprétés par Jeanluc Epallle, un par Agnès Collombet). C’est tordant de rire (ne riez toutefois pas en chantant, ça provoque des troubles gastriques), instructif et formateur qui plus est : pour dire vrai, c’est mieux que la méthode Assimil. Fort de ce savoir et même si vous habitez à Pétaouchnoque, vous ne sera pas dépaysés en arrivant un beau jour (où était-ce une nuit) à la gare Châteaucreux ou à celle de Carnot, à deux pas de l’ex Manu. Vous pourrez tenter de tailler une fourme.
« Autour de La Ric, je traîne mes grolles / Le cemitière est patafiole / La grande rue est bouchonnée / Y’a un badabeu qu’est mal garé / Il est point d’heure / La Ric se dépiquerle / La Ric se dépiquerle » (4)
Epalle n’a pas attendu le retour en vogue des goguettes pour parodier à tout va : ça fait des lunes qu’il pratique cet art. Ce n’est pas sa première publication, son premier disque. Ce n’est même pas un cadeau à faire ; c’est un achat pour soi, de première nécessité, du plus qu’essentiel. Vous pensez : le meilleur de la chanson française revue et gagatisée !
« C’est le parler Gaga c’est affreux c’qu’il est beau / Qui coule dans la Loire avecque notre accent / Il sent le barbotton réchauffé dans l’gandot / La fourme de Montbrison, la râpée de la Tatan » (5)
Jeanluc Epallle, Gaga Songs [On (r)ira tous aux parodies…], livre-CD, Epallle Théâtre/ Actes graphiques 2021. Le site de l’Epallle Théâtre, à La Ricamarie, c’est ici ; pour commander ce livre-disque (existe aussi en 33 tours), c’est là.
Ce sont des parodies de : 1. Qui c’est celui-là de Pierre Vassiliu ; 2. Nougayork de Claude Nougaro ; 3. C’est extra de Léo Ferré ; 4. Il est cinq heures, Paris s’éveille de Jacques Dutronc ; 5. La langue de chez nous d’Yves Duteil.
Pas de vidéos de ces parodies. On se console avec les leçons de gaga de Jeanluc Epallle (vous en trouverez d’autres sur Youtube) :
Absolument super, parole de Gaga !!!
J’ai beau habiter Saint-Etienne depuis 35 ans, je ne suis pas gaga. Mais force est de constater que j’ai dans mon vocabulaire des termes gaga, et j’en suis pas peu fier. J’aime le travail de ces gens, comme Jeanluc Epallle, qui perpétuent ce parler-là : ils sont essentiels !