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Jack Simard… l’écorché vif

Jack Simard (photo Emmanuelle Henry)

Jack Simard (photo Emmanuelle Henry)

« Si je suis habité / Si je suis écorché vif / C’est qu’je suis confiné / Sous ma propre griffe / Et c’est là que je vis / Je hante mon hôte / Et j’veux pas tant qu’j’y suis / Me prendre pour un autre / A l’abri des Dieux / Dans mon sanctuaire / Fermé, grand ouvert / Seul maître du je(u) / Défait des costumes / J’ai trouvé ma place / Là dans les espaces / De mon poids de plume / Planté à l’équilibre / Juste au bon endroit / Dans tous mes états / Je suis un homme libre / La tête sur les os / Ni vu ni connu / Je suis bien dans ma peau / Nu »

Ainsi s’ouvre cet album singulier, quelques mots qui donnent le ton, posent le cadre. On est loin de la fureur sauvage qui présidait au précédent album live. L’artiste a laissé sur la route ses musiciens pour se poser seul au piano et faire de cet album une perle rare, un diamant noir, une plongée dans son intimité, ses états d’âme, le vertige d’un funambule en équilibre fragile entre désir et désespoir, rage contenue et soif d’amour, obscurité et lumière.

L’obscurité, il connaît, lui qui, malgré sept albums, est resté invisible des projecteurs médiatiques. Jack Simard n’est pas homme à se vendre, il faut le chercher, le trouver, le désirer, l’aimer. Pourtant il n’est pas absent de la scène pour ceux qui savent s’aventurer. Ainsi de nombreux lieux et festivals l’ont déjà accueilli (Cully Jazz Festival, Festival de La Paille, Rencontres et Racines, L’Alhambra, Le Moulin de Brainans, La Rodia, La Souris Verte, Médaille d’Or de la Chanson, etc.) et il s’est déjà produit avec Higelin, Arno, Les Ogres de Barback, Debout sur le Zinc, Matmatah… Timide, pudique, comme il se décrit lui-même, c’est pourtant dans la lumière, en spectacle que l’homme se dévoile, se transforme. Je est un autre, disait Rimbaud, un mystère que Jack Simard nous décrit dans Je ne me souviens jamais de mes concerts.

« Parce que du début à la fin / C’est bien l’autre qui raconte / Parce que du début à la fin / Je n’ai plus peur je n’ai plus honte /… / On pourra me tordre le cou / On pourra baisser ma culotte / Je resterai planté devant vous / Et au diable les fausses notes / On pourra me brûler vivant / Tant que c’est là sous la lumière / Rien n’arrêtera mon tour de chant… »

Imprévu, inattendu, enregistré en peu de prises lors d’une résidence au théâtre Edwige Feuillère à Vesoul, ce disque est né dans le sillage du confinement, dans l’urgence de dire, des mots et des sentiments qui débordent. Le piano souligne la voix, en mélodies simples, comme pour tempérer le flot des émotions, la colère, la souffrance, le cri contenu et cette absolue soif de tendresse.. L’alchimie est là, poignante, émouvante, bouleversante.

122617910_1561241127413175_4323719730960968639_nC’est à l’aune de ce temps de pandémie, de son isolement contraint, qu’il faut écouter ces titres, surgis de la mémoire de l’artiste et qui prennent ainsi une étrange résonance. On sent l’indéfinissable changement du quotidien, cette étrangeté qui vient s’insinuer en notre âme (Il se passe quelque chose), l’implacable marche du temps et de l’histoire (Que nous reste-t-il?), cette insouciance et cette innocence perdue (Demain il fera jour). Pourtant, bien plus que du monde, c’est de confinement intérieur dont il est ici question. Jack Simard se livre, sans retenue, sans artifice, à nu, à vif, il nous dit l’écriture comme un appel au secours (J’écris), les larmes comme une délivrance (Je pleure), une existence toute vouée à la recherche de l’absolu, de soi-même (Ta vie entière), la tentation de tout laisser tomber, de s’effacer, de quitter le jeu (Je reste là).

Qu’il est difficile parfois de poser ses mots sur ceux d’un artiste sans avoir le sentiment de le trahir ! Ici point de discours mais de l’émotion brute, une intimité jetée en pâture ! La plume de Jack Simard est un scalpel avec lequel cet écorché s’expose au vu et au su de tous. Pourtant cette singularité nous touche, comme un écho à notre propre vie, notre condition humaine, notre détresse, notre envie d’aimer. Un amour, comme un volcan en sommeil (Dix doigts), cet amour qui reste quand tout passe, quand tout s’en va (Tout ce qui dépasse).

Un album essentiel, fulgurant, foudroyant, un de ceux qui viennent strier le ciel assombri de nos vies. A son écoute, me sont revenus les mots de René Char : « J’aime qui m’éblouit puis accentue l’obscur à l’intérieur de moi ».

 

Jack Simard, Nu, 2020  – contact : jack.simard@yahoo.fr. Le site de Jack Simard c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là

Jack Simard en concert studio, J’ai faim, album Sauvage, 2018 Image de prévisualisation YouTube

J’me souviens jamais de mes concerts Image de prévisualisation YouTube

Ta vie entière Image de prévisualisation YouTube

 

 

 

 

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