Les disques de l’année 2020 : le choix de nos rédacteurs
Sauvé dans Agnès André, Anne Lefebvre, Anne-Marie Panigada, Catherine Laugier, Francis Panigada, Lancer de disque, Les événements, Marc Gicquel, Michel Trihoreau, Nicolas Céléguègne, Patrick Engel, Pol De Groeve, Robert Migliorini
Tags: Agnès Bihl, Alexandre Cellier, Armel Malonga, Ben Herbert Larue, Benjamin Biolay, Bernard Joyet, Béryl B, Biche, Calogero, Charlotte Brousseau, Christophe Pochon, Clarys, Clémence Savelli, Clément Bertrand, Confinement, Cyril Maguy, Cyril Mokaiesh, David Goudreault, Eddy (la) Gooyatsh, Fahb, Flavie Dufour, Francis Cabrel, François Puyalto, Francœur, Gaël Faye, Gilles Servat, Gisèle Pape, Govrache, Grise Cornac, Guy Béart, HK, Igit, Jack Simard, Jane Birkin, Jean-Baptiste Soulard, Jérémie Bossone, Jules & Jo, Klô Pelgag, Léonor Bolcatto, Les Goguettes en trio, Lili Cros & Thierry Chazelle, Lili Cros & Thierry Chazelle, Lily Luca, Louis Arti, Louis-Jean Cormier, Luciole, Manon Gilbert, Marie Baraton, Marlène Rodriguez, Matthias Billard, Mélissmell, Michel Boutet, Michèle Bernard, MPL, Nicolas Jules, Nouvelles, Pascal Rinaldi, Petite gueule, Pomme, Ramon Pipin, Raphaëlle Garnier et Jean-Marc Le Coq, Sam Frank Blunier, Samuel Bobin, Söta Sälta, Stéphane Cadé, Syrano, Thibaud Defever, Tohu Bohu, Trio Utgé Royo, Valentin Vander, Vaslo
Voici venir la période difficile où notre cher rédacteur en chef nous charge d’une mission impossible. Choisir nos cinq albums préférés pour 2020. Sans aucune compassion pour ses collaborateurs harassés et dépités par une annus horribilis, il nous harcèle tous les jours pour que nous fassions notre choix. Sans bien mesurer les conséquences sur des artistes déjà déprimés par la situation, qui, s’ils ne sont pas sur la liste susdite, se demanderont : qu’ai-je fait, que n’ai-je pas fait, ne suis-je pas aimable, où vais-je, où cours-je, et dans quel état j’erre ? Ou qui, y figurant, s’apercevront qu’ils ne sont pas plus programmés dans des concerts (Concerts ! Quésaco ?) ni plus vendus en disque, la musique étant gratuite et les musiciens non essentiels.
Par ailleurs, notre chef bien aimé nous demande d’ignorer les concerts qui ont pu avoir lieu deux mois dans l’année librement et quatre-cinq mois avec des conditions réglementées. Je tiens cependant à remercier ceux qui se sont battus comme des lions, ou démenés comme des gazelles célères et vegans, afin d’être présents quand même à des concerts. Par, exemple, la liste est loin d’être exhaustive, Nicolas Jules, Jann Halexander, ou Narcisse Slam au Théâtre Trévise (avec un titre de spectacle d’une actualité tellement brûlante, Toi tu te tais), tous sur scène chaque fois que ce n’était pas strictement interdit.
Tous ceux qui nous ont donné sur la toile des concerts improvisés depuis leurs salons, quelquefois connectés entre eux à des milliers de kilomètres, relire nos articles sur le confinement. Tous ceux, artistes et producteurs ou programmateurs, qui ont organisé des festivals en ligne, des concerts professionnels sur les réseaux habituels ou sur des chaînes créées de toute pièce pour l’occasion, et qui, je l’espère perdureront : Dany Lapointe du Printival Boby Lapointe de Pézenas, Matthias Vincenot au festival DécOuvrir de Concèze, les clins d’œil parodiques de Cédric Laronche aux Nuits du Chat avec Les Michels (Cédric et Arnaud Delosanne), … ou le très beau Festival Tousensons jeune et tout public.
Merci à Matthias Bouffay et Lucas Roullet-Marchand et les Bacchanales Productions à A Thou bout d’chant, et à Agend’Art à Lyon, El Mediator à Perpignan, Emma et Pascal Chauvet de Le Bijou à Toulouse, Les Trois Baudets, ou Inma Tortugaveloz et Jean-Pierre Lienard des salons d’Ima Rose à Paris… A Gérard Dahan et Myriam Daups du Petit Duc à Aix-en-Provence qui ont créé une chaîne pérenne direct Web dont de nombreux médias ont parlé, réussissant à maintenir complètement leur programmation et leurs résidences d’artistes, avec des artistes rémunérés et un public sur la toile, désormais national, voire international qui choisit de payer pour voir des spectacles dans les conditions du Théâtre vivant (en direct, sur un seul terminal, sans possibilité de différé)…Merci à tous.
Merci, à tous ceux qui sont parvenus à maintenir des Festivals cet été, Josette et Henri Bonifay avec le Festival Sous les étoiles de Bouc Bel Air, Anne-Marie et Francis Panigada, Marie et Eric Pellerin qui ont organisé une sorte de festival Off à Barjac, Le nombril du monde à Pougne-Hérisson, Le Festival IF ou Les Estivales du verbe fou à Avignon…
A tous ceux qui ont ouvert à jauge réduite, à tous ceux qui se sont battus pour prévoir des programmations et qui ont vu leurs spectacles un à un annulés, à tous ceux qui souffrent d’être considérés comme non-essentiels, à ceux qui crient, à ceux qui se taisent, à ceux qui n’en peuvent plus.
Pour ma part j’ai quand même vu et chroniqué une quinzaine de concerts pendant les six mois d’(entre’)ouverture. Parmi eux, Eric Frasiak, Benoît Dorémus, Alexis HK, Jérémie Bossone, Agnès Bihl, Evelyne Gallet, Thibaud Defever, Bastien Lucas, Léopoldine HH, les artistes du Festival sous les étoiles…Plus une bonne vingtaine de concerts numériques dont j’ai parlé en détail ou en articles groupés.
CATHERINE LAUGIER
AGNÈS ANDRÉ
Trois jeunes albums « pure laine » (québécois) aimés en 2020
Flavie Dufour Clair de Femme. Les ouaouarons de mon cœur roucoulent à l’écoute de ces chansons, de la chaleur d’une flamme de bougie sous flocons de paroles. Les mots de Flavie Dufour sont portés par une imagination et une sensualité qui, sans faire du réchauffé, réchauffe. On réécoute La mère embryon et Phéronomes. Coup de cœur 2020 de l’Académie Charles-Cros.
David Goudreault Le nouveau matériel. Un peu à l’image du génial et généreux album Mesdames de Grand Corps Malade, le slameur David Goudreault s’entoure ici de voix québécoises classiques, de Louis-Jean Cormier à Ariane Moffatt pour un dernier album « explorateur ». On y retrouve, battants, ses colliers de mots. Ecouter Pleurer des soleils, en duo avec Louis-Jean Cormier.
Charlotte Brousseau Boucles. Découverte de l’automne 2020, entre volutes nuageuses d’un temps capricieux, ce premier EP à la voix un peu fragile, haut perchée mais légère est d’une prometteuse poésie, tout en douceur (décidément, 2020, année de la douceur?? Incroâyable?!). Ecouter Perle de silence version studio, ou en concert Mouvement , J’irai ou Je cours encore vous attendre.
NICOLAS CÉLÉGUÈGNE
Coté jeune public, je choisis sans hésitation le duo Söta Sälta et son CD Comme c’est étrange (Sillidill/Victor Mélodie, 2020). Un univers singulier, proche de Camille et Björk.
Difficile de le départager avec Popka, (Armel Malonga) comptines, danses et berceuses du Congo, formidable travail francophone et multiculturel signé ARB Music.
Le jour où la Terre s’arrêta, d’Eddy La Gooyatsh, un livre-disque de circonstance (Editions Lamao) mais pas maussade pour deux sous, du très beau travail !
J’ai également beaucoup aimé Rock the cavern, de Cyril Maguy et Bertrand Lanche (Le label dans la forêt), rempli de clins d’œil à la préhistoire et au rock.
Enfin, Masques et tubas, de Raphaëlle Garnier et Jean-Marc Le Coq, production Nid de Coucou/L’Autre distribution. Encore un livre-CD qui prouve à quel point la création jeune public se renouvelle constamment !
Je n’oublie pas les mini-concerts vus cette année en direct sur Facebook : l’élégante Pascale Gueillet, l’ingénieux Steve Waring et le chaleureux Henri Dès.
PATRICK ENGEL
Marlène Rodriguez Histoire de C, à découvrir sans faute, un magnifique premier album très personnel et varié, traversé d’une lumineuse sensualité entre machines et flute traversière, entre classicisme et modernité aussi. Les multiples influences pop, rock ou blues tour à tour sont au service de très beaux textes qui claquent comme des oriflammes sonores dans le vent d’un renouveau salutaire. Une très belle production teinte subtilement d’une harmonie multicolore un disque prometteur, celui d’une artiste entière et singulière à suivre de très, très près…
Marie Baraton En trio. La Baraton, c’est tout un petit monde musical très attachant et un brin canaille. C’est aussi une voix claire et bien placée au timbre aussi souple que chaleureux. C’est encore une présence très personnelle qui s’épanouit à merveille sur de délicieuses ritournelles jazzy, swing ou fado, épaulées par les guitares flamboyantes de Michel Haumont et Pierre-André Athané. C’est enfin le charme délicat d’une petite boite à musique qui viendrait, un peu, nous caresser l’âme et le cœur d’une émotion intemporelle.
François Puyalto 44. Lignes mélodieuses de basse électrique et dépouillement de bon aloi, Puyalto frappe droit au cœur avec ce bel album épuré alternant titres originaux et reprises du répertoire dont le choix ne doit clairement rien au hasard. Brel, Higelin, Leprest ou Barbara se disputent ainsi les faveurs de faire tourbillonner sous ses doigts agiles les volutes grasses de sa basse voluptueuse et de s’envoler sur les chœurs discrets signés Katel. Un disque au dandysme mélancolique, nimbé d’une élégance discrète et sensuelle.
Francœur D’où vient le nord. Récemment auréolée du prix du Public lors du dernier Prix Moustaki, Francoeur est un lutin au cœur franc et lumineux, à l’image de ses chansons à la fraicheur limpide. Sous une apparente fragilité, la jeune chanteuse dégage une force folle d’une jolie voix claire sur des textes troussés avec grande délicatesse. Tirant un beau parti d’une harpe cristalline dont elle joue à merveille, elle signe là un album intemporel et pourtant très actuel, tout en nuances subtiles et irisations délicates. A découvrir d’une oreille attentive…
Grise Cornac Tout baigne. Ce duo hors norme à l’univers lunaire et épuré porte avec force de très beaux textes oniriques emplis d’une poésie intimiste. La belle voix un peu éraillée de la chanteuse funambule à l’envi parmi ces chansons pop ludiques et débridées. Entre acoustique et électro, cet album hybride et défricheur reste cependant très abordable, et riche d’une véritable et précieuse singularité artistique .
POL de GROEVE
Collectif De Béart à Béart(s). Guy Béart mis à toutes les sauces. Des chansons forcément anciennes. Mais revues, corrigées, réinterprétées par la jolie troupe réunie pour ce disque (Souchon, Bruni, Voulzy, Pomme, Maxime, Vianney, Ringer…), elles brillent à nouveau comme un sou neuf. Le plus beau des hommages à l’auteur-compositeur disparu voici cinq ans.
Francis Cabrel À l’aube revenant. Oui, la chanson française est riche, vivante et grouille de nouveaux talents. Difficile pourtant de faire l’impasse sur le dernier album du maître occitan, tant celui-ci est brillant. Chanteur de blues à sa manière, Cabrel revisite Les Passantes, chante son père ouvrier, réanime une poésie introuvable, salue son pote Dutronc et ceux qui jadis l’ont précédé, les rockstars du Moyen Âge…Treize chansons qui brassent les thèmes sur fond de folk intemporel. Du grand art.
Klô Pelgag Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Un album-catharsis pour l’artiste, une source de bonheur pour l’auditeur, malgré la noirceur des thèmes abordés. De multiples écoutes n’ont pas encore suffi à en épuiser la richesse. Oubliez la pochette qui ne donne pas trop envie et plongez dans cet album luxuriant, vous n’en sortirez pas indemne.
Benjamin Biolay Grand prix. Vu le battage qui a accompagné sa sortie (et sa réédition pour Noël, avec 5 titres supplémentaires), le disque devrait logiquement truster les récompenses aux prochaines Victoires de la Musique. Difficile pourtant de donner tort aux votants. Meilleur compositeur qu’auteur, Benjamin Biolay nous offre une succession de chansons à l’émotion retenue, mais aux orchestrations amples et classieuses. Un album à savourer les oreilles grandes ouvertes.
Jules et Jo Chaise de jardin. Probablement l’album le plus barré de 2020 ! Quinze chansons dotées d’un objet en guise de titre (Abat-jour, Bocal, Camisole, Fourchette…), mais quinze morceaux pour nous parler de nous. Une vision désenchantée de l’amour, de la société, de l’être humain. Une ambiance plombée, alors ? Totalement réjouissante, au contraire, grâce à l’humour discret qui imprègne le disque et aux miettes d’espoir jetées çà et là. De la chanson métaphysique, somme toute. C’est sûr, Matthias Billard – le Jules du duo, auteur et compositeur de tous les morceaux – est le Cioran de la variété.
MICHEL KEMPER
Michel Boutet On la joue piano ! Que dire d’un album qui allie tant de simplicité, d’humilité même, à la perfection ? Un piano-voix, une voix douce et chaleureuse et un monsieur que, même quand il chante le malheur, ne nous procure que du bonheur. Il est comme ça, Boutet, aussi rare que bouleversant. Du grand art !
Jérémie Bossone Le Décembre italien. Disque ou concert, il est un des piliers de mes classements successifs. Mais comment faire l’impasse sur ce disque flamboyant comme le Vésuve, incandescent comme l’Etna, crise et cris d’amour et de désamour sur fond de déambulation culturelle qui me botte. Lumineux !
Matthias Billard Hiver(s) + Jules & Jo Chaise de jardin. On connaît Matthias Billard depuis pas mal de temps déjà. Là, convenons qu’il fait fort, qui plus est par deux fois. Par ce nouvel album de Jules & Jo, et par son premier disque solo : du Billard à deux bandes ! Deux bonheurs d’écriture, et une finesse comme c’est rare. Des mots décalés, des trouvailles, du non sens qui fait sens, on en redemande !
Clémence Savelli Sauvage. Cet opus est la part d’amour de celui qui en a plus besoin encore. Empathie aussi pour les indignés, dans cette nouvelle couleur de la révolte, ce jaune qui, autre et nouveau canon de l’élégance, se porte fièrement en gilets, de rond-points en manifs. Il est temps d’enfin connaître Clémence Savelli.
Les Goguettes en trio Le temps béni de la pandémie. Cet album est certes un (grand) plaisir, c’est aussi le souvenir d’une année contrariée, qu’on aimerait sans descendance aucune. Et le brillant témoignage du retour en force des goguettes, non forcément de ce groupe éponyme, mais de ce qu’on nomme aussi parodies, pastiches, scies… Un come-back qui témoigne de notre besoin de chansons. Pour exprimer nos colères, nos angoisses, nos espoirs, il n’y a guère mieux.
HORS-CONCOURS :
Toute une vie en une intégrale, Michèle Bernard s’est fait coffret. Rien que l’objet est merveilleux écrin, le reste, ce sont trois-cent-quarante et quelques pierreries. On a rarement vu mieux, entendu mieux. Ce coffret est tant un coffre à trésors qu’une boite à outils de la chanson, exemplaire !
CATHERINE LAUGIER
Pour en venir aux albums, j’ai volontairement écarté ceux qui sont des valeurs sûres de NosEnchanteurs maintes fois vantés et chroniqués, Fred Bobin, Jérémie Bossone, Thibaud Defever, Eric Frasiak, Imbert Imbert, Nicolas Jules, Pascal Mary, Ben Mazué, Cyril Mokaiesh, … ou ceux qui sont des artistes reconnus des grands médias, CharlElie Couture, Francis Cabrel, Hugues Aufray, Dominique A, Benjamin Biolay, Jane Birkin… Ils sont pour ainsi dire pour mon choix « hors concours ».
Les intégrales particulièrement intéressantes cette année, avec Michèle Bernard, Yvan Dautin, Jofroi, Francesca Solleville,… ou le Double concert du Trio Utgé-Royo, comme une idéale compilation, ne sont également pas prises en compte.
Signalons enfin des albums de reprises des plus créatifs comme Boris Vian par Debout sur le zinc ou Brel & Barbara par Lou Casa.
Mon choix pour l’année, non exhaustif, par ordre de parution :
Matthias Billard, français vivant en Belgique, pour une double production, en solo Hiver(s), en duo Jules & Jo, Chaise de jardin, pour son deuxième degré, sa poésie surréaliste et inventive, ses expériences musicales aussi indispensables qu’imprévues. Pour son adéquation au confinement des temps et à l’absurdité du monde de 2020.
Jean-Baptiste Soulard Le silence et l’eau, et sa version augmentée, Le renouveau. Pour sa capacité à rendre en musique et en mots l’expérience-isolement-refuge vécue par Sylvain Tesson en Sibérie. Une bulle de lumière, d’humanité, qui percute l’actualité, nous fait rêver et nous force à réfléchir.
Fahb En attendant. Summum de la chanson française, ascendance Brel, Bécaud, Lama, Nougaro. Pas de la « chanson à texte », plutôt de l’émotion bien écrite, de l’humanité, dans une atmosphère musicale classe et jazz, parfait.
Louis Arti C’est une parole. Et aussi une voix, celle de l’Homme, forte, fragile, tendre, engagée. La mémoire du mal pour en faire naître le bien. La singularité des mots, le cri qui caresse.
Clarys De là. Une voix, un texte, une musique sombre et lumineuse, un Bashung au féminin qui écrirait presque tous ses textes (et toutes les musiques).
BONUS : Prix de diligence amoureuse et sensuelle à Samuel Bobin, Combustion spontanée. Inventif autant en mots qu’en musique pour parler de l’obsession première. Prix d’engagement poétique et musical à Tohu Bohu pour Tumulte. Prix de l’album concept poétique à MPL pour L’Étoile, la vraie touche française, le son, le sens, le cœur.
ROBERT MIGLIORINI
Louis-Jean Cormier Quand la pluie tombe.Dix titres. Yotanka/Pias. La richesse du nouvel album du Montréalais se dévoile à chaque nouvelle écoute. Son sens de la formule et son goût des thèmes sociétaux et existentiels sont autant de rendez-vous avec l’émotion. Le tout avec des orchestrations luxuriantes.
Francis Cabrel A l’aube revenant, Treize titres. (Chandelle/Columbia/Sony Music). L’amour encore et encore. Francis Cabrel sait se faire attendre. Le voilà rendant hommage aux troubadours et à la langue occitane comme on ne l’attendait pas. Les moments précieux se ramassent à la pelle du côté d’Astaffort.
Pomme Les failles, onze titres fin 2019, enrichi de cinq titres supplémentaires sur Les failles cachées, puis de trois supplémentaires avec Les failles cachées (Halloween version) portant l’œuvre à dix-neuf titres et une heure six minutes. Polydor/Universal. Claire Pommet (Pomme) invite le pianiste et arrangeur Albin de la Simone sur son nouvel et deuxième album. Cela donne des chroniques qui tracent leur chemin d’une voix douce et prenante. Un brin de mélancolie pour des âmes fortes qui veulent aimer. Parfois maladroitement.
Cyril Mokaiesh Paris-Beyrouth. Onze titres. Un plan simple/Sony. Entre Orient et Occident Cyril Mokaiesh, désormais en solo, ouvre à chaque album de nouveaux horizons. Cet album se veut plus intime sur fond de retour aux sources libanaises d’un artiste sensible en résonance avec une vision citoyenne.
Agnès Bihl Il était une femme. Treize titres. Un week-end à Walden. Des textes forts, de belles trouvailles, parfois lestes. L’album traite avec une certaine légèreté et un évident humour des sujets plutôt graves. Celle qui fait « bonne figure dans sa résilience secondaire » s’impose dans un registre singulier et acidulé.
ANNE-MARIE & FRANCIS PANIGADA
Bernard Joyet & Collectif Bernard Joyet & franginades. Le meilleur de la chanson, le goût du verbe, le sens de l’amitié, un disque rassembleur pour Bernard Joyet et sa tribu de frangins et de frangines. Des inédits, des duos et des interprétations sur tous les tons au gré des inspirations : copieux, réjouissant et indispensable.
Trio Utgé-Royo Au Triton. Témoin d’un temps où, sans souci du danger, nous respirions ensemble au rythme du chant dans un confinement choisi, cet enregistrement, compilation idéale, nous fait retrouver ou découvrir l’univers de Serge Utgé-Royo, cet espoir têtu, cette utopie joyeuse qu’il ne cesse de chanter.
Jack Simard Nu. Une perle rare, un diamant noir, de la chanson dans toute sa nudité, sans artifice, un piano, une voix et un artiste qui se dévoile, déchirant, bouleversant, dérangeant. En l’écoutant me sont revenus ces mots de René Char : « J’aime qui m’éblouit puis accentue l’obscur à l’intérieur de moi ».
Léonor Bolcatto Les allumeuses d’étoiles. De la fraîcheur, de l’émotion, de l’engagement et un talent qui s’affirme. Cinq titres pour en découvrir la richesse, c’est peu quand on mesure l’étendue. Une voix limpide, une écriture juste et touchante à l’instar de cette « poésie des choses ordinaires » qui ouvre cet album. Une belle percée dans le ciel de la chanson.
Les Goguettes Le temps béni de la pandémie. Sans eux, cette année passée aurait été bien plus sinistre, ce trio à quatre a su nous faire sourire, éclater de rire même. Maîtrise de la parodie, justesse du trait, talent de l’interprétation. On se souviendra de ce Brel revisité et confiné, de la saga du pangolin. Un disque salutaire, une sorte de vaccin !
MICHEL TRIHOREAU
Le coup de cœur de Michel :
Stéphane Cadé Pas ce que tu crois. Une des plus belles plumes de la chanson actuelle. Il a le sens du détail évocateur, avec des raccourcis parfois surprenants qui s’ancrent au réel.
Sur une idée de Pol de Groeve, nos rédacteurs ont également sélectionné quelques chansons qui les ont particulièrement marqués en 2020.
AGNÈS ANDRÉ
Trois chansons qui ont marqué mes jours en 2020.
MPL Wagon-Wagon. Rythme voyageur dans les mots comme la mélodie pour cette petite histoire ferroviaire – pour petits matins, soleil à peine levé. (album chroniqué ici par Catherine Laugier).
Gisèle Pape Le chant des pistes. Rien à voir avec celui de Mr Rodolphe Burger. Enveloppante, faite de petits frissons – pour jours trop citadins. (élue chanson du jour du 20 novembre 2020).
Matthias Billard Hiver(s). Petit bijou de création littéraire, spéciale Noël – pour jours de neige mouillée. (album éponyme chroniqué ici?!)
Wagon-Wagon
MARC GICQUEL
De l’humour, de la satire et de la dérision, encore et encore !
Agnès Bihl Moi d’mon temps
Les Goguettes (en trio mais à quatre) T’as voulu voir le salon
Les Goguettes (en trio mais à quatre) 2020 dans l’Hexagone
POL de GROEVE
Ramon Pipin Je promène le chien (album Alafu). Une chanson que j’écoute depuis avril. Obsédante. La cause ? Un rif de guitare saignant apte à passer à la postérité. Il ouvre le morceau et y revient avec régularité. Impossible d’y échapper : vous l’écoutez une fois et vous êtes mordu ! Une musique d’enfer pour une chanson noire, contant le destin d’un pauvre gars qui s’obstine à sortir son chien quand le monde s’écroule autour de lui. Dérision et rock ‘n roll ont toujours fait bon ménage.
Calogero C’était mieux après (album Centre ville). De la variété pour prime time de TF1 ? Quand une telle qualité est au rendez-vous, j’en redemande. Une chanson d’espoir sur le courage de franchir ses propres barrières, au texte bien balancé et à la musique qui sonne, interprété avec conviction et sincérité. Si la maison de disque se décide à la mettre en avant, nul doute qu’elle rejoindra la cohorte de tubes de Calogero. Découvrez sans honte, y’a pas de mal à se faire du bien.
Francis Cabrel Les bougies fondues (album À l’aube revenant). « Elle tourne à la radio, la jolie ritournelle / Elle est triste sans lui, il est triste sans elle / Et flashent les radars sur les sentiers battus ». Pas demain la veille que Cabrel les arpentera, ces fameux sentiers battus. Et certainement pas avec cette grande chanson, assurément la meilleure de son nouvel album, à la gloire de la poésie du quotidien. Un futur classique.
BONUS : Collectif suisse Ma plus belle histoire d’amour. Une reprise de Barbara née du confinement, par une pléiade d’artistes suisses romands. Un travail de dingue réalisé par Christophe Pochon. Pour avoir pu assister des coulisses à la naissance de cette chanson, de la conception au clip final, je mesure le travail accompli pour un superbe résultat final. Et puis, réécouter la dame en noir, y’a pas de raison de s’en priver.
Je promène le chien
MICHEL KEMPER
Michel Boutet La p’tite fille du 5e. Reprise d’une chanson de Bernard Haillant de 1985. L’addition de deux grands artistes, l’émotion à l’état pur. A un tel niveau, ça ne s’explique pas.
Nicolas Jules Les nouilles (Douze oiseaux dans la forêt de pylones électriques). Une écriture hors du sens commun, une douce folie qui irrigue tous ses titres, une pétillance autrement supérieure à celle de Perrier, c’est tout Jules et c’est tout bon.
Gilles Servat Les prolétaires. Version 2020 de ce titre pour le moins engagé, presque cinquantenaire, toujours et plus que jamais actuel. Extrait d’« A cordes déployées », opus où notre barde breton se réinvente en quatuor classique.
CATHERINE LAUGIER
Trois chansons alors que j’en ai déjà sélectionné 364 (et il y en aura 366 le 31 !) Vous n’y pensez-pas ? Bon, c’est bien pour vous, il y en a un peu plus, je vous le mets quand même ?
Alexandre Cellier Les raisins dorés. Une merveilleuse chanson de Gilbert Laffaille de 1994 que ce musicien de jazz multi-instrumentiste vaudois a interprétée avec délicatesse pour lui souhaiter son anniversaire.
Clément Bertrand A zéro. La plus belle chanson qu’un homme ait écrite sur une future paternité.
Pascal Rinaldi Des ailes pour voler (Portraits de femmes en miettes). Cela aurait pu être une autre de cet album ou de tous les autres. Mais la guitare, mais la voix, mais les cuivres, mais Frida, mais la peinture, mais la douleur, mais le bonheur, la justesse et l’empathie de la poésie de Rinaldi !
Francis Cabrel Fort Alamour et Rockstars du Moyen Âge, parce que je n’ai pas pu les départager. Pour la puissance d’évocation, la chaleur, l’accent qui épanouit ses pétales d’or.
Vaslo Première pierre. Découverte récente de ce jeune artiste, clarinettiste, guitariste, ACI en français et en anglais, premier neuf titres A travers les regards. Écriture délicate, voix modulée, aime la pop-rock progressive et ça s’entend.
Biche Ma source. Une inédite de ce duo chanson-harpe baroque profond et léger, au féminin pluriel, au végétal naturel, aux mains, à l’humain, aux oiseaux, aux ours. Béryl Breuil à la voix.
Lili Cros et Thierry Chazelle Sur le quai d’Orléans. Sur une mélodie de Marion Rouxin, une balade de Lili sur les rêves perdus. Pour la belle fusion des voix et des guitares, la réflexion mélancolique, une des nombreuses chansons du duo que le confinement a vraiment inspiré. Figure dans leur dernier album Hip ! Hip ! Hip ! Plein de concerts en direct à suivre sur les réseaux.
Petite Gueule Lâche prise. La chanson, le théâtre, la danse, Manon Gilbert passe de l’un à l’autre, s’exprime avec ses mots, sa musique, l’expression corporelle et ouvre sa petite gueule de rappeuse originale.
Les raisins dorés (A Cellier)
ANNE LEFEBVRE
Valentin Vander, en duo avec Clou Si je traîne. Pour la poésie des mots, pour de belles voix qui s’emmêlent joliment autour d’une douce mélodie.
Jane Birkin Les jeux interdits. Pour les notes dansantes et le plaisir de retrouver la voix tendre de Birkin, pour ce sourire léger autour d’un secret.
Thibaud Defever Les vents contraires. Pour des mots marins qui emmènent au large, pour l’accompagnement magnifique du Well Quartet qui sublime la chanson.
Syrano J’ai relevé la tête. Pour la richesse d’un rap tout en émotion, dont les mots denses sont transcendés par la délicatesse du piano.
Pomme Grandiose. Pour cette voix cristalline qui semble venue d’un autre monde, et qui ose chanter la différence avec une belle sensibilité.
Lily Luca Adieu aux âmes. Pour un « bouquet de prose », une belle chanson sur l’horreur de l’attentat, la difficulté de mettre des mots et le temps qui passe sur les chagrins.
HK Danser encore. Pour une chanson pleine de vie et de danse qui donne envie de transgresser tous les interdits.
Agnès Bihl Ni parfaite ni refaite. Pour l’énergie craquante d’une chanson qui balance toutes les injonctions faites aux femmes.
Adieu aux âmes
ROBERT MIGLIORINI
Marie Baraton/ Pierre-André Athané La vie à deux (La musique agence).Un dialogue amoureux et savoureux. Tous ces petits riens qui tissent le quotidien. Quand le féminin se fait pluriel. Justesse de ton et musiques douces.
Sam Frank Blunier Le Verbe (Sabina). L’artiste suisse revisite le célèbre Prologue de l’Évangile de Saint Jean. Quand la Parole se conjugue au présent. La profondeur d’une recherche en liberté.
Gaël Faye Respire (Excuse my french). Écrivain et auteur, compositeur, interprète, Gaël Faye trouve le ton juste pour redonner du souffle. Quand les couleurs musicales électro habillent des paroles ajustées.
ANNE-MARIE & FRANCIS PANIGADA
Tiercé Chansons, trois chansons emblématiques de cette année bouleversée pour une culture confinée :
Ben Herbert Larue, Govrache, Luciole, Igit, Melismell Et maintenant. Ils ont mélangé leurs plumes et leurs voix pour ce cri du cœur. Entre la rage et l’espoir, ils déconfinent la force d’y croire, contre la culture bâillonnée, la chape de plomb qui nous retient prisonniers, dans l’urgence de revivre, de rêver, de chanter, d’espérer. Magnifique !
Valentin Vander & Collectif Symphonie confinée « La tendresse ». Sous l’impulsion de Valentin Vander, cette symphonie confinée a réuni 45 musiciens et chanteurs pour une prouesse collective tant artistique que technique. Cette chanson immortelle de Bourvil, largement relayée via un clip sur internet, fut une bouffée d’oxygène, un rayon de soleil dans les heures sombres du premier confinement, un message d’espoir, de fraternité. De l’émotion avant toute chose !
Les Goguettes T’as voulu voir le salon. Le confinement on pouvait en rire aussi ! Qui, en effet, ne s’est pas reconnu dans cette version revisitée par Valentin Vander de Vesoul ? Miroir de nos désagréments, d’un enfermement à domicile, d’un quotidien devenu surréaliste, cette parodie magistrale nous aura démontré qu’en tout état de cause, il vaut mieux mourir de rire que de ce foutu virus. Décapant !
T’as voulu voir le salon
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