Age d’or des chansons de notre enfance
C’est un documentaire diffusé vendredi 25 décembre, sur France 3, qui nous replonge dans le répertoire jeune public à travers les générations, les modes et les styles.
Si beaucoup d’extraits ont un air de déjà vu (les fabuleuses émissions des Carpentier et les Midi Première de Danièle Gilbert), nous retrouvons avec plaisir de courts entretiens avec Pierre Perret, Henri Dès, Noam, Isabelle Aubret, Richard Gotainer, Annie Cordy, Hugues Aufray, Chantal Goya et même Anne Sylvestre, à qui le documentaire est dédié.
Les enfants ne considèrent pas – et ils ont bien raison – qu’il y a une frontière immuable et infranchissable entre la chanson dite d’auteur et la variété, entre la poésie et le populaire. Quand ils aiment une chanson ou un artiste, c’est sans filtre, sans inhibition. Ils adoptent une chanson pour ce qu’elle est : un texte, souvent écrit dans un langage qu’eux seuls peuvent comprendre, un second degré que les adultes ne supportent pas, plein de gros mots et de doubles sens, une musique entraînante et facile à reprendre, gaie ou triste, par exemple avec Lily. Et puis, souvent, des gestes liés à la chanson, comme dans les comptines que l’on apprend dès la crèche. Le langage châtié n’en est pas pour autant puni, comme le dirait Vigneault ! Par exemple, quand Nino Ferrer explique, dans une autre interview, que les mots doivent avant tout sonner : Z’avez pas vu Mirza est quand même bien mieux, musicalement parlant, que N’avez-vous pas vu Mirza ? La chanson adoptée par les enfants rassemble et fédère, elle est reprise par les mouvements de jeunesse comme le scoutisme, à commencer par le répertoire d’Hugues Aufray.
Les différents protagonistes racontent comment leurs chansons ont été composées : les enfants de Chantal Goya dégonflent les pneus des chasseurs qui tournent autour de la maison familiale, les mécontents viennent se plaindre, alors Jean-Jacques Debout improvise, au piano, Ce matin, un lapin a tué un chasseur et les enfants font déjà les gestes ! Pour écrire le Sampa, Gotainer raconte qu’il s’est inspiré des danses inventées dans les années 60 (twist, madison, mashes potatoes et autres gesticulations), enregistrées sur des 45 tours avec le dessin des pas indiqués sur la pochette. Il en a tiré une danse sans pas. Des anecdotes comme celle-ci, il y en a sûrement des centaines !
Les Poppys fréquentent ici la Bande à Basile, dans cette période des Trente Glorieuses où l’enfant passe d’un statut d’objet à un statut de sujet, voire d’enfant-roi, même si ce n’est pas aussi caricatural. Les enfants surmédiatisés sont également évoqués avec Noam, Mélody, jusqu’aux Kids United. Deux jeunes chanteuses ont prouvé, par la suite, qu’elles ne pouvaient rester enfermées dans une image d’idole des adolescents : Elsa et surtout Vanessa Paradis.
Les génériques d’émissions TV sont largement évoqués, surtout grâce à l’arrivée de la couleur et du mange-disque puis de la cassette dans les foyers : Bonne nuit les petits, Saturnin, L’ile aux enfants, Récré A2… Autant d’émissions qui ont permis l’émergence de nouvelles productions et de véritables vedettes de l’époque, comme Douchka ou Marie Dauphin, Dorothée surtout. A propos de l’animatrice de TF1, qu’on l’aime ou non, n’en déplaise à certains écrivains déclinistes qui voient en elle la fin de la civilisation, il y a du talent et de la créativité derrière l’énorme machine médiatique et commerciale.
Du cinéma au disque, il n’y a souvent qu’un pas. Chantal Goya avait travaillé avec Godard, Dorothée avec Truffaut. Mais savez-vous que Petit Papa Noël fut d’abord une chanson pacifiste, créée en 1944 à l’Odéon de Marseille, bien avant d’être modifiée pour être interprétée dans le film Destin (1946) ? Soixante-quatorze ans plus tard, on sait quelle est la carrière de ce tube intemporel ! Le cinéma, c’est aussi et surtout Walt Disney, évoqué dans le documentaire avec Isabelle Aubret (Un jour mon prince viendra), Henri Salvador et Douchka Esposito, mais aussi La reine des neiges ou Aladin.
Le film n’oublie pas les auteurs compositeurs interprètes. En 1979, c’est Philippe Chatel qui écrit, compose et réalise Emilie Jolie, formidable conte musical avec la participation d’illustres artistes. Le documentaire se termine avec Aldebert, qui s’inscrit dans la lignée des Anne Sylvestre et Henri Dès. Ce sont des raconteurs d’histoires du quotidien, mais écrites du point de vue des enfants, par le petit bout de leur lorgnette observatrice et intraitable. Henri Dès dit lui-même avoir été inspiré par Anne Sylvestre. La boucle est bouclée et la relève est assurée…
Bien sûr, ce documentaire ne se veut pas exhaustif, il manque tellement de noms qu’il faudrait sans doute des heures d’images et de sons pour évoquer Jacques Douai, Francine Cockenpot, Steve Waring, Mannick et Jo Akepsimas, les Bouskidou, Jacky Galou ou Jean Humenry. Mais il a le mérite de rendre une juste place aux artistes de la chanson jeune public qui ont permis à des générations de grandir avec un répertoire adapté et qui ne prend pas les enfants pour des imbéciles, même à travers des chansons d’apparence stupides et mièvres, simplement inspirées de la vraie vie.
L’âge d’or des chansons de notre enfance, 140 min, 2020, réalisé par Gwendoline Chesnais, production ADLTV. Disponible jusqu’au 1er janvier 2021.
Arrrghh : vous citez des noms d’artistes que j’aime monsieur, que ce soit Jacques Douai, Franco ne Cockenpot, ou encore Mannick….. Mais les a t-on si souvent vu à la télé de « notre enfance » ? Et vous omettez Graeme Allwright qui a vécu quelques passages ches « Bienvenue chez Guy Béart… Même lui n’a pas été revu dans l’émission alors, que je le situe, je dirais, entre les, deux parmi les, artistes précités et la variété » Carpentier ». La vie est ainsi faite que j’ai vécu et grandi en aimant à la fois les variétés évoquées (où l’on retrouvait aussi des « grands » et des populaires, comme Enrico Macias) lors de cette émission et des artistes peu vu dans la boîte à image. J’en cite encore une de ces, bluettes :, là « Caribou » interprètée par Chantal Kelly qui est restée une référence dans la famille, chanson aimé qui ne m’a empêché de participer à l’enterrement de Graeme Allwright. Bien cordialement