Michel Boutet, piano noir et tapis rouge
Déjà que j’avais été comme suffoqué de ce piano-voix, au cœur un peu inhabituel du Taratata de Nagui. Michel Boutet pour invité. Et bien plus de projecteurs sur cet immense plateau que de touches, blanches et noires, au clavier de Jacques Montembault : « Tu r’viendras dis / Dans mes bras / Tu r’viendras / Dans mon lit / Tu r’viendras dis / Dans mes draps / Dans ma vie… » Bien sûr les femmes infidèles et les oiseaux assassinés, bien sûr nos cœurs perdent leurs ailes mais voir un Nagui pleurer…
Ce fut dans la foulée le rouge canapé de Drucker, la consécration pour tout artiste, la Tour de Babel, l’Olympe, bien mieux encore que la trop modeste salle du boulevard des Capucines. Le talent de Boutet enfin reconnu, sanctifié : oui, il y a une justice en ce bas monde, en ce service public pour une fois à notre service.
Comme sur son nouvel opus, Boutet y a repris des chansons extraites de quelques de ses précédents albums (Chanson pour la loute, La ballade de Jean-Guy Douceur, La Cordillère des anges, Le silence du fleuve), dans un humble et superbe piano-voix. Ça et quelques autres chansons mémorables. De Brassens (Saturne), de Daniel Lavoie (Boule qui roule), de Bernard Haillant (La p’tite fille du 5e). Qui eut dit un jour qu’on évoque la vie et l’œuvre de cet Haillant-droit sur une chaîne et à une heure de telle audience ? C’est le monde d’après, le « en même temps », m’a-t-on expliqué.
Comme il sait si bien le faire, de toute éternité, Drucker cire les pompes de son invité. « S’tu voyais mes godasses / J’fais mieux d’aller pieds nus / Ma peau sur la carcasse / C’est pas brillant non plus ». Par son humilité, son talent, la force de ses vers, de ses notes, Boutet boute au loin la flagornerie de l’autre Michel.
Boutet à la télé, c’est Noël avant l’heure. « Les enfants aiment les sapins d’Noël / Les fonds d’verr’s de Champagne / Les histoir’s de fin d’noces ». Faut dire que l’album nouveau est, une fois de plus, des plus savoureux, précieux.
Les mots de Boutet vous prennent dans les mailles de leurs filets, vous retiennent, vous enserrent. « …les mots / Qui s’envolaient / Dans le halo / Des vents mêlés / De Saint-Malo ». Bonne pêche. On ne parlera pas d’émotions, nous sommes déjà bien plus loin. Michel Boutet a le don de nous faire entrer dans ses chansons, de s’y installer, de s’y sentir bien… Sa seule voix, la façon de la poser, douceur et empathie, est clef d’entrée dans un monde qui n’est pas si différent du nôtre, mais en mieux. Avec chaleur, avec respect, un monde qui fait « des manifs pour le respect du subjonctif ».
Lui et Montembault ont offert un autre habillage musical à ces chansons. Autres propositions, autres images qui nous viennent quand l’esprit gambille à l’écoute de ces mots si simples et évidents, tant qu’il en sont rares. C’est magnifique, à en pleurer.
Ni Nagui, ni Drucker, j’ai dit du pas vrai, du pas censé, du pas crédible du tout. On se dira que Boutet c’est bien trop beau pour ceux qui ne jurent que par l’audimat, qui ne calculent que le grand public. Que son art se partage en petits comités, petites assemblées, là où l’écoute est plus vraie, là où on sent les battements de chaque cœur.
Michel Boutet, On la joue piano !, Les éditions de l’aviateur/EPM 2020. Le site de Michel Boutet, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Pas de vidéos correspondant à ce piano-voix, mais deux titres qu’on retrouve dans cet album :
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