Yves Marie Bellot, l’épure des pages et des plages
À l’heure presque des bilans, n’omettons pas ce disque d’Yves Marie Bellot qui mérite sans le moindre doute de figurer au palmarès. Bellot ? Si ce n’est la région lyonnaise, avec A Thou Bout d’Chant pour superbe épicentre, vous pouvez ne pas connaître.
Rien que l’élégante pochette doit attirer notre regard : un visuel signé Victor Moury qui emprunte presque trait pour trait au graphisme d’André Juillard…
L’élégance baigne en fait tout le disque. Voix précieuse et sereine qui souvent fait songer à Florent Marchet. Et textes sensibles sans doute écrits à plumes mouchetée ! « Il y a de la poésie dans mon quotidien / Depuis qu’on se voit, moi je suis… / Aérien »
On écoute comme si on lisait un journal intime égaré (sur la plage de la pochette ou ailleurs), subtilisé. La calligraphie est sans nul doute de toute finesse, presque discrète, un peu estompée, des grains de sables entre les pages, entre les plages. On saisit l’intime, qui parfois ressemble au nôtre. Il y a de l’amour qui s’éveille, peine à trouver ses mots. Des mots que gonflent d’assurance des cuivres qui n’ont rien d’incongrus ici, guitares, basse et batterie qui tous ont la politesse, la sagesse de la tranquillité, parfois de la fébrilité, des mots, des confessions. Qui tous tentent la paradoxale épure, la discrétion… « Désirer l’ineffable, impuissant devant les charmes / Te dire que l’amour qui naît n’est pas la mer à boire… »
Tout est ici d’une douceur confondante, d’une langueur un rien monotone. Tout est ici pure beauté.
À écouter Bellot, on est rassurés pour la chanson qui, même à l’ombre de toute renommée, coule des jours heureux, constatant la plénitude de son talent, de son devenir.
C’est le deuxième album d’Yves Marie Bellot après Maladroits ordinaires, sorti il y a tout juste quatre ans. Les chroniqueurs s’ingénieront à étiqueter le frais opus ; par bonheur ils s’y casseront encore les dents. Car, comme le précédent, ce Grand Plongeoir est rebelle à la classification, aux tiroirs. Nimbé d’émotions, il est libre et sans âge. Bois et cuivres ont l’intelligence, l’instinct des mots qu’ils servent et ne doivent rien à quiconque. Ils sont comme ces vagues contre lesquelles tentera de résister un temps ce château de sable de la pochette.
Yves Marie Bellot, Grand plongeoir, Vibrations/Inouïe Distribution 2020. Le site d’Yves Marie Bellot, c’est ici.
Rétrolien Chronique de Grand Plongeoir // Nos Enchanteurs - Yves marie belloT