Les Idiots : c’est dans les vieux pots…
Dans leur idiome, ils sont idiots. Laissons-les le croire. Eux, ce sont Guillaume Boutevillain au chant, Mikael Garcia aux guitares, Arthur Bacon à l’accordéon.
C’est la vie que nos Idiots chantent, dans sa beauté comme dans sa laideur, ses hauts et ses bas, ses pleins et ses déliés, ses colères, ses espoirs, ses salauds (que Marion Maréchal conjugue au féminin) et ses gens biens. Sans détour, sans soucis de la jolie phrase, de la belle rime même si la poésie, comme le chiendent, y pousse généneusement entre leurs mots, entre leurs notes, entre leurs dents.
Ça débute par des Funérailles, le jour des larmes à gauche. On pense forcément au Brel non de Fernand mais du Dernier repas… « J’veux d’la gnôle et des pétards […] Désole, j’voulais pas partir / C’est de cette dernière nuit / Qu’il faudra vous souvenir […] Mais même mort et enterré / J’veux vous entendre taper du pied ».
Bien sûr que leur Chien d’ivrogne, rien que par le titre et le sujet, immanquablement fait songer à celui de Leprest. Tout l’monde sait, par son rythme, sa diction, renvoie à Yves Jamait.
On ne naît pas de rien : on trouvera plein d’influences chez nos Idiots, tant que c’en est presque un catalogue. Au premier plan duquel trône Jamait : dans la voix de Guillaume, le trop plein d’alcools et de tabac… Jacques Brel, Allain Leprest, Christian Paccoud, François Hadj-Lazaro, le père Brassens et d’autres… tant de références font comme médailles sur le poitrail d’un général soviétique. C’est dire si nous n’entrons pas en territoire inconnu mais, au contraire dans un art balisé, aux sillons déjà labourés, féconds, propos populaires qui s’accordéonnent de plaisirs (on les rangera un peu vite dans la case « chanson festive ») et de souffrances, de joie et de colères, de bras baissés et de poings qui se lèvent. Autres membres de la famille : Leonard Cohen, dont la chanson-titre de cet album est une adaptation d’Everybody knows. Et Sanseverino qui occupe miraculeusement le rôle de guest-star en chantant Lourdes.
La musique est légère, enlevée ; le propos est souvent grave, inquiet du temps présent. Grave mais de bon sens : « Ce qui fait peur avec les grands / C’est pas forcément qu’ils soient vieux / Mais c’est qu’un jour en grandissant / Certains enfants finissent comme eux… » C’est rien que la vie que nos Idiots chantent, de ce qu’on en fait. Avec rare humanité. Qui plus est avec grand talent.
Tout copié, tout collé ? Tout est matière originale, que du neuf, même si ça s’inscrit dans un bain commun. Ne dit-on pas que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Là, c’est de l’onctueux potage. Des bains comme ça, j’y plonge chaque jour, je ne vais donc m’en plaindre. Mieux et pire encore, j’adore ce disque, qui excelle de bout en bout. Peu en importe les codes, à plus forte raison si j’ai les mêmes en moi, ce premier opus est un bijou qui en appelle d’autres. Paradoxalement, à poursuivre un tel chemin, ils en deviendront moins idiots. Comprenne qui peut.
Les Idiots, Tout le monde le sait…, 10 h 10/InOuie Distribution 2020. Le site des Idiots, c’est ici.
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