Henri Gougaud se raconte
Face B de son 33 tours de 1967, Serge Reggiani dit un extrait du Pont Mirabeau d’Apollinaire, puis il commence une sublime chanson : « Où est passée Paris ma rose / Paris sur Seine la bouclée / Sont partis emportant la clé / Les nonchalants du long des quais / Paris ma rose ».
Chacun sait que ces paroles sont d’Henri Gougaud, qui est aussi l’auteur d’une vingtaine de chansons pour Jean Ferrat : Cuba si, Prisunic, Rien à voir, Picasso colombe, J’imagine ou encore l’adaptation d’un poème de Vitezslav Nezval, Mon chant est un ruisseau. Mais il aussi écrit pour Marc Ogeret (Je n’éteins jamais la lumière) ou Francesca Solleville : Vietnam, Le plus beau de moi, Béton armé (musique Max Rongier, également enregistrée par Christine Sèvres), Le temps de vivre et Le chant du monde (musiques de Jean Bertola). Non Monsieur je n’ai pas vingt ans, écrite sur mesure pour Juliette Gréco après l’avoir entendue raccrocher au téléphone en prononçant ces mots, c’est encore de lui ! J’y ajoute Les poètes assassinés, admirablement reprise par Jacques Bertin sur son disque Café de la danse. Gougaud a quelques disques à son actif, produits notamment par la maison Cavalier, fondée par Hélène Martin, excusez du peu !
Le nouveau livre d’Henri Gougaud s’intitule justement J’ai pas fini mon rêve, un vers d’une autre chanson de Ferrat, La matinée, magistralement interprétée avec Christine Sèvres. Gougaud nous a habitués à son don de conteur d’histoires du monde entier et de toutes époques. Il se livre, cette fois-ci, en racontant tout son parcours. Né à Villemoustaussou (près de Carcassonne) en 1936, il écrit avec une langue rocailleuse, charnue. Est-ce un hasard ou un choix ? La très grande majorité de cette prose est en octosyllabes et en alexandrins : Je suis à Villemoustaussou, chez mes grands-parents maternels. Mon grand-père est facteur. Il rentre de tournée. Tout le livre est écrit ainsi : beaucoup d’images, de sons, de sens, de paroles prononcées, de chansons et de contes bien sûr. La guerre, l’armée, l’Eglise, les horreurs subies par les cathares, l’évidence de la non-violence (avec Lanza del Vasto) et de l’écologie bien avant que les consciences commencent à s’éveiller, les rencontres avec Brel, Brassens, Bourvil, Ferrat, Gréco, Vidalie, les cabarets où, au fond, il s’ennuie à chanter. Puis, vient une sorte d’appel intérieur, quelques minutes avant de monter sur la scène de la Fête de l’Humanité, en lisant les Mille et une nuits. C’est l’appel du conte, ce récit souvent extraordinaire qui se transmet oralement depuis la nuit des temps, bien avant l’invention de l’écriture et de l’imprimerie : sur tous les continents, la parole se fait univers. Gougaud abandonne alors la chanson, recueille et écrit des ouvrages de contes venant de partout, il devient raconteur d’histoires pour France Inter grâce à Claude Villers. Enfin, il se consacre entièrement à cette vie de griot, sur les ondes comme à travers ses livres et sur scène, cherchant à transmettre ce goût de la parole et des mots.
Adressé à son fils, cet ouvrage est absolument passionnant, rare, inédit. Henri Gougaud est un merveilleux conteur du merveilleux.
Henri Gougaud, J’ai pas fini mon rêve, Albin Michel nov. 2020. 256 pages, 19,90 euros. Le site d’Henri Gougaud, c’est ici.
« Paris ma rose », par Serge Reggiani :
le site henri Gourgaud semble inaccessible ?? je cherche où acheter un de ses disques
Merci Isabelle Vasseur
Le code du site a été mis à jour, mais il ne comporte pas de vente de CD ou disques, peut-être prendre contact avec lui par le site, ou se tourner vers les sites de vente d’occasion. NOSENCHANTEURS
Nicolas, SUPERBE témoignage sur Henri Gougaud, le très grand « chantauteur » qui nous a enthousiasmés Robert et moi, durant sa carrière « chantante » ! et que nous avons eu la chance de voir en scène deux fois dont une à Nice où nous avons ensuite partagé un repas dans un restau ‘en rentrant, il avait dit au patron « on vient manger un morceau ». très très sympa et convivial le Henri ! Malheureusement méconnu. Il avait dit dans une émission télé « j’ai eu ma chance, on m’a un peu passé à la télé, ça n’a pas marché donc j’arrête » presque personne ne sait qu’il a écrit des textes sublimes pour lui et aussi comme tu le signales dans ton article pour d’autres interprètes plus l’immense Jean Ferrat. Il est ensuite devenu une « vedette dans le monde du conte mais c’est un monde qui ne m’intéresse pas du tout. Moi, c’est la CHANSON et c’est tout. Dommage qu’il n’ait pas continué dans le chant, il était exceptionnel !
Quand on aime un artiste, on l’aime dans son entièreté. L’estime, l’intérêt, l’amour ne se tronçonnent pas à la manière d’un saucisson. Il me semble aberrant de morceler une oeuvre, de n’en prendre qu’un bout et de mépriser le reste. C’est très très bête.
Bonjour Monsieur Guffi, je vous invite à lire ou écouter Henri Gougaud dire » Le crâne ». Cela vous réconciliera avec le Conte.
Je me demandais il y a quelques mois ce qu’etait devenu Henri Gougaud. Je l’ai connu d’abord comme conteur dans les emissions de Claude Villers, puis dans son « Grand parler » vers le milieu de la journee je crois, toujours sur France Inter. J’ai meme eu le plaisir d’un contact par lettre avec lui, a propos d’une de ses emissions du midi ou il parlait des fees. C’est apres avoir rencontre un ami amateur de bonne chanson que j’ai ete introduit au Gougaud auteur de chansons et chanteur lui-meme. Ceci m’a permis de decouvrir « Paris ma rose » et « Le temps de vivre », entre autres. Henri Gougaud, c’est aussi une tres belle voix, qu’on ne peut pas oublier quand on l’a entendue…
« Béton armé » enregistré aussi par les Frères Jacques
Vous pourrez écouter Henri GOUGAUD au Festival Jean FERRAT à Antraigues – les 16 et 17 juillet 2022. Attention, réservez vos places – elles sont limitées… A bientôt !
https://www.festivaljeanferrat.fr/programme-2022/