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Michèle Bernard, intégralement vôtre

Michèle Bernard - 2006 (photos Anne-Marie Panigada)

Michèle Bernard – Café de la danse, Paris 7 mars 2006 (photos Anne-Marie Panigada)

Osons la comparaison : pour un chanteur, voir ses chansons réunies en un coffret, c’est l’équivalent d’entrer dans la Pléiade pour un écrivain. Un immense honneur et l’assurance d’avoir forgé une œuvre cohérente, imposante, prête à défier le temps. Les plus grands ont bien entendu déjà eu droit à ce couronnement et tout amateur de chansons qui se respecte possède dans les rayonnages de sa discothèque les coffrets de Brel, Brassens, Ferrat, Gainsbourg ou Bashung…

Il leur en manquait cependant un. Celui d’une artiste qui, depuis plus de quarante ans, trace une route tenant davantage du petit chemin fleuri que de l’autoroute de grand passage, mais qui pourtant est bien présente dans le cœur des amoureux de la chanson. Grâce soit donc rendue à EPM de nous offrir l’intégrale dont on n’osait rêver, celle de Michèle Bernard.

(pour commander cette intégrale, cliquez ici)

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Et quelle intégrale ! Une vraie, une belle, une qui est allée gratter les fonds de tiroirs pour nous régaler d’inédits, une qui ose un vrai travail éditorial et ne se contente pas d’une réédition groupée de disques devenus difficilement trouvables. Un modèle du genre, dont on saluera le maître d’œuvre, Bernard Ascal, chanteur aux talents décidément multiples.

Un mot sur l’objet d’abord. Un beau coffret costaud, écrin classieux pour 14 CD et 343 morceaux. Notre artiste étant opportunément dotée d’un patronyme à 14 lettres, chaque disque porte fièrement un de ces caractères en guise de titre, assorti d’une photo de la Mimi de Saint-Julien toute de blanc et bleu vêtue. Superbe travail graphique. On y ajoutera un livret à la fois instructif et pratique. Le tout donne un magnifique ensemble, aussi bien pensé que réalisé.

c234 - 2001 ou 2002 CcC0409-204 B - 2005cC0409-236 - 2005cD0307-091 - 2006cJ0522-255 - 2012cK0319-255 - 2013cN0526-162 - 2016Le contenu est-il à la hauteur du contenant ? Il l’est au-delà de toute attente. Comme déjà souligné, l’œuvre discographique de Michèle Bernard a été dépecée afin de la présenter par thématiques. Une option bienvenue, qui s’autorise les sauts temporels et permet la mise en perspective.

Les 6 premiers CD sont dédiés à l’auteure. Y sont repris les enregistrements-studio des chansons nées de la plume alerte de l’artiste, du disque qui l’a fait connaître Le kiosque (1978) à son dernier, le Tout’ manières de 2016. A coup sûr, la partie la plus connue du répertoire de notre chanteuse-accordéoniste ! La réécouter permet de mesurer le chemin parcouru. Du kiosque enregistré dans l’urgence, avec des arrangements proches de ceux du tour du chant, à la délicatesse des orchestrations du délicieux Nez en l’air (2006). Des chansons exaltées des débuts, tout en révolte (ah, ce Monsieur qui s’engraisse…), aux fins portraits débordants de tendresse (A Stavelot, Maria Szusanna, La vierge noire…). Environ 130 chansons, qui toutes ont l’humanité en commun. C’est dit : Michèle Bernard chante et toujours chantera les autres, les recalés du système, les délaissés de l’amour, les victimes oubliées, les rêveurs qui y croient encore… Sans nombrilisme aucun. Des chansons qui la rapprochent de ces chanteuses du siècle d’avant, qu’elle-même a évoquées dans Les chanteuses populaires (1982). Des chansons qui nous la rendent si proche et précieuse.

Les CD n° 7 à 11 sont consacrés aux auteurs qu’elle a interprétés. Des poètes comme René-Guy Cadou, Robert Desnos, Sabine Sicaud… Des collègues comme Barbara, Rémo Gary, Anne Sylvestre, Pierre Perret… Des fleurs du patrimoine comme Chrétien de Troyes, Jean-Baptiste Clément, Louise Michel… Des airs traditionnels comme A la claire fontaine ou Vive la rose… Autant de titres qui permettent, si besoin était, d’apprécier ses talents de compositrice et d’interprète, que l’on aurait parfois tendance à occulter pour ne mettre en exergue que son métier d’auteure.

Les CD n° 12 et 13 regroupent ses chansons pour enfants, qu’un adulte trouvera plaisir à écouter sans qu’il soit besoin d’un alibi. La fantaisie y est reine, l’ironie omniprésente et la morale jamais pesante. Chansons idéales pour initier les têtes blondes, rousses ou brunes à l’ouverture au monde extérieur, à l’écologie, au vivre ensemble…

Enfin, l’ultime et quatorzième CD nous offre des extraits de deux de ses disques enregistrés en public : au TLP Dejazet (1988) et au Théâtre lyonnais de la Croix rousse (2017). Impasse a été faite sur son piano-voix de 2008, mais vous l’avez certainement déjà ! Le CD s’achève avec Un poirier m’a dit, conte musical pour enfants de 2020, interprété avec François Morel.

Vous aurez compris combien cette intégrale porte bien son nom, puisque même le disque sorti il y a quelques mois y est inclus. Hormis quelques enregistrements publics et quelques titres mis de côté pour éviter les doublons (la version 2002 des Petits cailloux, par exemple, oubliée au profit de la version originale de 1978), rien ne manque. Une mine pour le néophyte comme pour le fan endurci, où chacun puisera matière à (re)découverte.

Michèle Bernard est une des plus belles artistes de la chanson française. Une des plus intègres aussi, qui a suivi son chemin de saltimbanque sans jamais céder aux sirènes de la gloire factice. Elle a bâti une œuvre considérable, intemporelle et immortelle. Probablement deviendra-t-elle un jour une « anonyme du XXème siècle », quand ses chansons auront pris la patine du temps et seront passées dans le patrimoine populaire qui se soucie peu du nom des auteurs. L’occasion nous est donnée aujourd’hui de la célébrer de son vivant. Un coffret à trésors, rempli à ras bord de plaisir et d’émotion. C’est Noël avant l’heure.

 

Michèle Bernard, L’intégrale, EPM/Universal, 2020. Le site de Michèle Bernard, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.

 

Les sept clichés de cette « colonne » photographique d’Anne-Marie Panigada :
1. Lyon, 2001 ou 2002
2. Forges-les-Bains (91), 2005, Chant’Essonne
3. Forges-les-Bains (91), 2005, Chant’Essonne
4. Café de la danse, Paris, 2006
5. Festival Aubercail d’Aubervilliers (93) lors de l’hommage à Leprest, 2012
6. Festival « le Quesnoy en chanteurs », Théâtre du Quesnoy (59), lors de la fête à Anne Sylvestre, 2013
7. Festival Aubercail d’Aubervilliers (93), lors de la soirée anniversaire des 10 ans du festival, 2016

 

« Maintenant ou jamais » (1987) : Image de prévisualisation YouTube

« Fais-moi un manteau » (1992) : Image de prévisualisation YouTube

« Quatre-vingt beaux chevaux » (2006) : Image de prévisualisation YouTube

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