Ces chansons qui cachent Laforêt
C’était il y a pile un an, jour pour jour. Bien entendu que ça faisait quelques temps que Marie Laforêt ne faisait plus l’actu de la chanson. Son ultime album, Reconnaissances, remontait à 1993 ; sa dernière scène fut aux Bouffes parisiens, en septembre 2005, douze jours à guichet fermé. Une « tournée d’adieu » fut programmée deux ans après, mais annulée pour raison de santé. Le showbiz nous propose toujours de nouveaux artistes qui nous font oublier les précédents. On a oublié Laforêt. Mais sa disparition a réveillé en nous ses chansons, les plus connues, parfois d’autres, restées en lisière. On ne parlera pas précisément de nostalgie, mais la mort de la chanteuse à fait céder les digues du souvenir, nous a rappelé cette voix à nulle autre pareille.
Pourquoi signaler, chroniquer cette intégrale, et sa version soft qu’est ce coffret-compile de trois CD ?
Parce que, comme quand on range ses affaires, ordonne ses papiers, fait son ménage avant un grand départ, un long voyage qu’on sait sans retour, Marie Laforêt a travaillé sur cette intégrale. Et sur ce triple coffret. Du reste, la compile n’était pas au programme initial ; quand on la lui propose, Marie Laforêt pose ses conditions : oui, mais seulement si, en plus du disque convenu dont les titres s’imposent d’eux-mêmes (Mon amour mon ami, Cadeau, Viens viens, Mes bouquets d’asphodèles, Ivan Boris et moi, Le lit de Lola, Les vendanges de l’amour…), s’y adjoint un autre, plus personnel, fait des ses préférences à elle, de petits trésors moins en vue, inconnus du grand public, jamais proposés en radios et télés. Rien que pour ça, ça vaut le coup d’en parler. D’autant plus qu’au final s’y agrège un troisième disque : l’enregistrement intégral, à ce jour inédit, de son ultime concert des Bouffes parisiens. Là, même par ce coffret forcément plus économique que l’intégrale discographique, ça devient un événement. Avec, c’est le lot des hommages, quelques inédits et autres versions inédites.
La tour de Babel, Mamie a cent ans, La réglisse, Lirica n°1, Lettre à un mari, A marée haute à marée basse, Jérusalem Yerushalayim, Arlequin, Prière pour aller au paradis… vingt-trois titres forment la sélection perso de Marie Laforêt, comme si l’équivalent de deux nouveaux albums nous étaient offerts, révélés. A l’abri de ces « tubes » trop visités qui bien souvent nous cachent Laforêt, onctuosité du chant, poésie, légèreté et gravité du propos nous la font redécouvrir, nous la « prolongent » pour encore longtemps.
Marie Laforêt, éponyme, coffret 3 CD (existe aussi en vinyles). Et intégrale discographique. Panthéon/Polydor, Universal 2020. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Marie Laforêt, c’est ici.
« La tour de Babel » (G.Béart) 1966 :
« A marée haute, à marée basse » (D.Barbelivien/G.Stern) 1977 :
Merci pour « La tour de Babel ! » Elle n’a pas l’orchestration de variété… Certainement enregistrée avec Geny Detto (guitare), Francis Dunglas (Contrebasse)… qui étaient les compagnons de scène de Graeme Allwright…
Quel plaisir de lire enfin un papier qui situe le répertoire de l’artiste dans ce qu’il contient de singularité et d’exigence. L’image de Laforêt souffre considérablement de ce que son personnage, ses tubes et ses facilités ont renvoyé au public autant qu’aux médias. Derrière tout cela se cachent de nombreux trésors. Merci à Monsieur Kemper d’avoir pris le temps de comprendre, d’écouter et, surtout, de faire savoir…
Très bel article et bel hommage. « Le showbiz nous propose toujours de nouveaux artistes qui nous font oublier les précédents. On a oublié Laforêt. » Effectivement, depuis que la bande FM a une mémoire si sélective et ne retient depuis si longtemps que France Gall dans ses programmations, ce sont des pans entiers de notre mémoire collective au féminin qui disparaît de la transmission de notre répertoire populaire : Sylvie Vartan, Marie Laforêt, Sheila, Nicoletta… Tout au plus, Véronique Sanson et Françoise Hardy sont un peu programmées car considérées comme auteur-compositrices