Tibert, l’élégant faiseur de chansons
Il y a longtemps que nous n’avions pas eu de nouvelles de Tibert, depuis 2014 et son « Sortir ». Un album tous les six ans, tel semble être son rythme.
Tibert, c’est une chanson qui oscille entre des inspirations rock et de profondes origines folk, entre un ancrage français et l’amour du Québec, de l’Acadie. Entre ces deux pays, Tibert est comme plénipotentiaire de la chanson, presque agent double : son art en porte les traces vivantes, palpitantes.
Une niche assez particulière en fait, tant qu’on ne lui trouve pas vraiment de famille dans la chanson. Est-ce pour cela qu’il est si rare en scène, que, malgré qu’il soit l’organisateur d’un fameux festival de découvertes chanson (Les Oreilles en pointe*, dans la vallée de l’Ondaine, région stéphanoise), il soit lui-même un artiste qu’on découvre en permanence. Statut difficile pour ce chanteur qui maîtrise son art, dont le timbre est reconnaissable entre tous et, au bout de six albums, dont on peut oser qualifier son répertoire d’œuvre.
Rien de vraiment surprenant sur ce nouvel opus, l’art est maîtrisé et les thèmes nous rappellent les précédents. Tibert nous parle de l’amour, comme un peu tout le monde avec d’autres et très intéressants éclairages. La femme, les paysages, la mer… « Mais la mer crépite au feu du crépuscule / Et que faire de ma vie poussière / Je reviens danser / Danser avec elle ». Même quand il décrit la femme (dans la chanson-titre Tranche Désir), il évoque la mer : « Je glisse au creux de tes rivages / Écouter se briser les vagues / Que roule leur chant sur la grève ! »
Tout ce disque évoque aussi la distance, par air, par mer. L’étendue de celle-ci, des sentiments aussi. Il faut chercher derrières les vers les périphrases, des images qui vont bien plus loin que les stricts mots, qu’accompagnent et prolongent habillement les notes qui savent plus encore se faire tendre mélancolie. « Et de là-haut, je funambule / Sur le rebord de toi / Là ou ailleurs, qu’à toi ne tienne / Sur le rebord de toi… ».
La mer, le vent, le voyage, la brume pacifique, la nature, l’amour, l’amitié, la fraternité, la pitié, le pardon, les batailles perdues, celles restant à mener, Tibert est parolier habille, élégant faiseur de chansons, qui ne pétrie ses textes que d’ingrédients simples « à la douce saveur des mondes que l’on rêve et la force de ceux que l’on habite ». Ça donne des chansons que ne peuvent que s’inscrire dans la durée, sans obsolescence possible.
Si les mélodies bercées tantôt de celte, tantôt de bayous ou d’ailleurs, savent capter votre écoute, alors vous pouvez facilement entrer dans sa poésie, vous y lover.
Tibert retrouve le fidèle Denis Favrichon (qu’on sait par ailleurs être fin luthier) aux basse, contrebasse et cellobasse. Avec Corinne Lamure au violon alto, Michel Turco aux batterie et percussions et Véronique Guinet à la flûte, cet orchestre perpétue le son « Tibert » dont lequel les amateurs de musique trad, dont je suis, ne peuvent que se réjouir. C’est un excellent album !
Tibert, Tranche Désir, Les Oreilles en pointe/Inouïes Distribution 2020. Le facebook de Tibert, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. En concert le dimanche 18 octobre au festival Attention les feuilles ! à l’espace Artootem à Meythet.
* Le 30e festival Les Oreilles en pointe se déroulera du 12 au 21 novembre 2020 dans les communes de Roche-la Molière, Andrézieux-Bouthéon, Le Chambon-Feugerolles et Firminy. Avec cette année Léonid + Tracer la route (François Gaillard et Marie Bobin), Annelise Perriguey + Jeanne Cherhal, Terrenoire + Kery James, Maxime Le Forestier + Tibert.
Bravo pour ce coup de projecteur sur un album de Tibert qui mérite une large diffusion, tant pour le choix des thèmes abordés que l’ambiance qui imprègne les 11 titres teintés de bon sens, d’évasion, de fraternité…