Michael Lonsdale « J’entends une rivière »
J’entends une rivière profonde couler de toi à moi
Au fond de son lit, des galets ronds glissent au gré du courant.
Il y a des tourbillons, il y a des reflets, il y a des vagues sur la berge.
Quelqu’un a laissé sur la grève une page de journal froissée.
Il est écrit que là-bas, il pleut, alors qu’ici, le soleil flamboie.
Tu t’appuies sur mon épaule pour avancer dans l’eau de mai et je sens tes doigts sur ma peau.
Laisse ainsi ta main car c’est moi que tu portes.
Michael Lonsdale [Michael Edward Lonsdale-Crouch] (1931-2020)
Titi Robin
Paroles et Musique Titi Robin. Extrait de l’album « L’ombre d’une source » (2014)
C’est lorsqu’ils disparaissent qu’on se rend compte de la place qu’occupaient de tels « monstres sacrés ». Sans assurer le plus souvent le premier rôle, Michael Lonsdale faisait partie de notre paysage théâtral et cinématographique depuis plus de soixante ans. Immédiatement repérable par son physique un peu bourru, sa voix identifiable et surtout sa façon d’être, à la fois très présente et en retrait, ce côté discrètement anglo-saxon qui lui venait de son père.
Né d’un coup de foudre amoureux, converti au catholicisme à 22 ans, il a partagé sa vie entre deux passions, outre son amour inabouti pour Delphine Seyrig (tel qu’il le confessait), sa foi mystique et la recherche de la Beauté (lui-même s’était mis avec succès à la peinture dès les années 60), qui se confondaient dans une affirmation : il ne faut pas juger. Fidèle en tout, il vivait dans le même appartement, celui de son grand-père maternel, face aux Invalides depuis 1949.
Formé d’abord au théâtre par Tania Balachova, ce qui lui permit de surmonter sa timidité, il fut au générique de nombreuses pièces contemporaines de 1955 aux années 2000 (Duras, Brecht, Ionesco, Anouilh… ou le compositeur Michel Puig avec qui il avait fondé en 1972 le Théâtre musical des Ulis) mais aussi Sophocle ou Shakespeare. C’est sans doute avec le metteur en scène Claude Régy qu’il a eu le plus long partenariat pendant les années 70. Avant de s’orienter lui-même plus spécifiquement vers la mise en scène (des pièces inspirées par Bernard de Clairvaux, Marie Madeleine ou Sœur Emmanuelle) mais aussi Cocteau, Beckett, Duras, Valeria Moretti, et de nombreuses pièces musicales.
On l’a beaucoup vu tant à Paris qu’à Avignon, ou au Toursky à Marseille où il interpréta Job ou l’errance du juste en 2009, d’après la Bible, et où il noua une amitié fidèle avec Richard Martin « Celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas… ».
Dans les dernières décennies ses lectures lui permirent de s’exprimer jusqu’à la fin. Sa voix distanciée, très british, faisait merveille tant dans les lectures mises en scène (de Vinci, Proust, Péguy…) que dans les prestations Voix. Il a enregistré de nombreux livres-audio, doublé des personnages d’animation ou de jeux vidéo, ou été la voix Off de nombreuses œuvres de radio, télévision, cinéma ou œuvres musicales. On trouve dans sa discographie tant Les Histoires comme ça de Rudyard Kipling, pour les enfants, que la Bible ou Le Cantique des Cantiques, L’Iliade et l’Odyssée, ou les Lettres de Vincent Van Gogh à son frère Théo…
En 2014 il s’associait avec l’auteur compositeur et improvisateur Titi Robin, musicien du monde au carrefour des musiques méditerranéennes, orientales et gitanes, dans cette œuvre poétique et musicale au son du bouzouq envoûtant L’ombre d’une source, accessible en vidéo (filmée au au Festival des 7 Collines, à Saint-Etienne) et en album audio. A écouter également quatre titres enregistrés au Cargo en 2014.
Mais bien sûr c’est au cinéma qu’il a rencontré le plus large public. Dans ses rôles d’abbé ou de moine du Nom de la Rose ou Des hommes et des dieux, pour lequel il reçut enfin le César du meilleur acteur dans un second rôle. Mais aussi dans des genres aussi variés que la fresque historique (Paris brûle-t-il de René Clément), la nouvelle vague (Baisers volés de François Truffaut), le drame historique et psychologique (Stavisky d’Alain Resnais), la comédie (Hibernatus d’Edouard Molinaro), le film à grand spectacle (Moonraker, le onzième James Bond, de Lewis Gilbert), le suspense policier (Le mystère de la chambre jaune de Bruno Podalydès). Il tourne avec Michel Deville, Orson Welles, Jean-Pierre Mocky, Luis Buñuel, Marguerite Duras (India song), Jean-Luc Godard, Marcel Carné, Louis Malle, Alain Robbe-Grillet, Maurice Ronet, Joseph Losey, Costa-Gravas, Jean Eustache, Dino Risi, Jean-Jacques Annaud, Josiane Balasko, James Ivory, Claude Sautet, Steven Spielberg, Miloš Forman… rôles importants ou apparitions, inquiétant ou compatissant, il est inoubliable.
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