Le chant funambule d’Hélène Grandsire

Hélène Grandsire (photo Christiane Delacourte)

C’est toujours agréable rendez-vous que celui avec Hélène Grandsire (et, par elle, son époux Jimmy, auteur de tout ses textes). Longtemps, elle a invariablement baptisé ses disques de « piano-voix ». C’en est toujours, un piano-voix, sauf que, depuis le précédent, un titre vient le personnaliser. Funambules se nomme celui-ci. Titre tiré des Hommes funambules, une des chansons de cet album : « telles des flammeroles / en cordées émouvantes / les hommes funambules / portent les auréoles / de ces torches vivantes ».

D’abord, Hélène Grandsire pose un cadre, une voix ferme mais douce, sûre d’elle, de son propos et de son art, sur laquelle s’imprime une évidente poésie de tous les mots, de tous les instants. Au besoin, elle invente : « J’invente, j’invente, j’invente tout de toi / Tout ce qui remue dans ton ventre / Tout ce que tu ne me dis pas, j’invente… » Elle invente « le chaud et le choix […] les jours meilleurs auxquels on croit ». On ne sait si elle restitue ou invente la beauté. Mais la beauté est là, présente, à tout instant. De celle qu’on garde en soi, longtemps après, sûr de son effet.

Chaque titre a une profondeur inouïe, que la voix d’Hélène prolonge, amplifie, met en relief. Tant que toutes les chansons peuvent être mises en exemple, en exergue.

La plume de Jimmy Grandsire n’a jamais été tendre avec ceux qui nous dirigent, financiers comme politiques. A nouveau le propos menace : « Là-bas dans la mouvance / Dans la foule à genoux / Voyez ces silhouettes / Qui bougent dans l’enclos […] Un jour sur la balance / Quand elles seront debout / Nous les verrons peut-être / Reprendre votre îlot ». Il n’y a d’ailleurs pas vraiment des chansons d’amour, de tendresse. Et d’autres, distinctes, isolés, qui grondent, annoncent les tempêtes sociales, politiques. La poésie des Grandsire est un tout où fusent idées, sentiments et résolutions, photos de groupes et portraits individuels, où se croisent et se mêlent des rimes solidaires, unies. D’un regard perçant, qui voient en l’Homme le pire et le meilleur, qui croient et désespèrent à la fois. Il y a dedans la matériel et l’immatériel, la difficulté de vivre et le chant des oiseaux.

Comment élire en ces quatorze titres le plus beaux quand tous sont passionnants, mémorables. Écoutez J’aimais Géronimo et vous y revenez, replay : « Et la nuit assoupis / Dans le parfum des ombres / Couchés dans un tipi / On respirait le monde… » Mais viendra l’Homme blanc… Entendez avec elle « le cri joyeux des oies sauvages / qui vont au-delà des nuages », prenez « un rêve avec toi / au bras de l’amitié »… Des éléments, la nature, le vent, une silhouette nue, les émotions, des rires et des larmes, des animaux, des humains, tout fait ici ingrédient d’un chant majestueux qu’on peut oser comparer avec celui d’une Véronique Pestel, pas moins.

Nous l’avons déjà dit, d’elle et d’autres, en de précédents papiers : organisateurs, soyez plus curieux encore, osez des artistes que vous n’avez encore programmés. Osez Hélène Grandsire, ce n’est pas un grand risque. Offrez-là, comme le cadeau qu’elle est, à votre public.

Hélène Grandsire, Funambules, autoproduit 2020. Le site d’Hélène Grandsire, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.

« Les hommes funambules » :

« Dans le creux de ma main » :