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Chère de Pool

Phanee de Pool

Phanee de Pool (photo Pierik Falco)

Phanee de Pool, acte 2. En 2017 débarquait sur la scène francophone, en provenance directe de sa Suisse lointaine, une mini-tornade emportant tout sur son passage. Totalement irrésistible. Armée jusqu’aux dents de son premier album  Hologramme, une jeune chanteuse – auto-proclamée slapeuse, car se situant aux confins du rap et du slam – commençait sa conquête du monde musical. Un disque frais et moderne, des chansons au goût de l’inédit, une personnalité attachante et sincère… Tout pour faire craquer les foules. Et c’est ce qui arriva : des prix, des concerts, des premières parties prestigieuses, une belle tournée qui la mena jusqu’en en Chine, des passages radios et télés…

Avec quelques mois de retard sur le planning initial because la vilaine bêbête qui a tout pourri, voici donc son nouvel opus. Ou peut-être devrait-on dire le 2ème volet du double album ? Dans le visuel déjà : la pochette du 1er CD nous montrait Phanee de dos, admirant une reproduction de la Création d’Adam de Michel-Ange, celle de son nouveau bébé nous la montre de face, le portrait en question dans les mains. Même typo et même mise en place pour le nom de l’artiste. Jusqu’au titre qui se répondent dans leur sonorité : Amstram succédant à Hologramme.

Musicalement, pas de réel changement non plus. Auteure-compositrice de tous les morceaux, Phanee en est aussi l’arrangeuse-bidouilleuse dans son home-studio. Bien que la scène l’ait vue se confronter en 2018 à une formule symphonique, elle est restée fidèle pour cet album à sa méthode artisanale, accueillant juste le piano d’Etienne Champollion et quelques cordes le temps de deux chansons. Pas de dépaysement pour l’auditeur donc, mais guère de surprise non plus. Comme on avait adoré ses musiques sautillantes, on ne s’en plaindra toutefois pas.

D’autant que ce qui nous a fait craquer chez Phanee est là, et bien là ! Des textes en langue riche qu’elle parle-chante avec une diction parfaite, qui nous ravissent, nous entraînent, nous déconcertent, nous amusent. Un feu d’artifice continu, dont il serait difficile de situer le bouquet final, tant tout est de haut niveau. A grands coups de punchlines et d’images fortes, nous voilà emportés dans un monde au teint très souvent sombre, heureusement traversé d’éclairs de tendresse et d’éclats de rire.

phanee-de-poolL’album débute par un autoportrait de l’artiste en panne d’inspiration (Dans mes songes sous somnifère, je pêche des mots dans un typhon / Mais quand je reprends mes esprits, tout s’évapore et puis plus rien) qui se révèlera tout éphémère (J’ai enterré mon encrier comme une graine dans un potager / Et je sens pousser ma folie en voyant fleurir mes idées), comme un coup de semonce pour les salves de mots qui vont retentir tout au long des douze chansons qui suivent. Des mots qui nous chantent le bonheur (Le bonheur, c’est un train à grande vitesse qui passe / Dans une gare temporaire que la routine efface), relativisent la mort, l’hôtesse du Club des gens égaux, avouent l’amertume et le chagrin (Quand les coups de grâce perforent / Les coups de cœur déjà meurtris / Alors les couleurs de mon corps / Ressemblent aux papillons de nuit)… Des mots brillants parés de sourire aussi, qu’il s’agisse de vanter les mérites de son pays natal (Le pays des merveilles où la meringue double crème a remplacé Alice), de révéler la recette du succès (Voici une petite mélodie qui s’agrippe à la cervelle / Que personne n’oublie, qu’on siffle en faisant la vaisselle) ou de poser quelques questions métaphysiques (Que mime un mime lorsqu’il mime un mime ? Les sans-abris ont-ils vraiment des prénoms à coucher dehors ?)… Des mots plus graves enfin, pour décrire l’ère du paraître que vivent les adolescentes d’aujourd’hui (Tu snap, tu tweet, tu date et tu swipe / Tu rentres en salle de classe comme si tu tournais dans un clip) ou la toxicomanie destructrice (Il est des pistes où l’or est blanc, où la poudreuse est comestible).

Que serait un disque sans chansons d’amour ? Phanee de Pool apporte sa pierre à l’édifice, dans la catégorie des passions défuntes (Flotte flotte dans la rivière / La dépouille de ton cœur de pierre / Coulent coulent mes chimères / Enfermées dans une bouteille jetée à la mer), tout en rêvant de l’avenir et du jour où prendra vie son âme-sœur idéale (L’article qu’on ne trouve pas en rayon / Celui dont on n’sait même pas le nom). Réalisme et utopie sont dans un bateau…

On résume donc pour les distraits : Amstram est un album épatant, musicalement minimaliste sans être cheap pour autant, et nourrissant textuellement sans gavage excessif. Cœur et intellect de l’auditeur seront comblés. Qui oserait après cela prendre l’Helvétie pour des gens ternes ?

 

Phanee de Pool, Amstram, Escales Productions/L’autre distribution, 2020. Le site de Phanee de Pool, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.

 

« On se prenait dans les bras » : Image de prévisualisation YouTube

« Questions bêtes » : Image de prévisualisation YouTube

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