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Gilles Servat tient la corde

Gilles Servat en quatuor (photo presse non créditée)

Gilles Servat en quatuor (photo presse non créditée)

Sur la pochette, un autocollant est apposé : « L’album événement en Bretagne ». Je ne sais si c’est un « événement » mais ne réduisons pas l’album à cette seule région. Sauf à me tromper, c’est simplement un disque pour toute la francophonie, pas moins. Qui plus est d’un géant de la chanson.

A soixante-quinze ans, dont plus de cinquante de carrière, Gilles Servat croise ses chansons avec la musique classique : dans les faits, un trio fait d’un violoncelle (Mathilde Chevrel), un piano (Philippe Turbin) et un violon (Floriane Le Pottier). Autre tenue musicale encore pour celui qui a eu à ce jour tant de judicieux habits de notes pour ses mots de poésie et de révoltes. Disons-le sans ambages : ce disque, tiré d’un spectacle créée aux Francofolies de La Rochelle il y a deux ans, est une franche réussite !

Quelques chansons nouvelles, pas mal de reprises aussi. Notamment Les prolétaires, tirée de son premier album, de 1971, dans une version (mâtinée de Franz Schubert) réajustée à notre époque : peu de changement, d’ailleurs, mais plus encore d’actualité en ces temps de pandémie où la seule entreprise qui augmente ses effectifs est Pôle-emploi. Retenons le dernier couplet : « S’il y a trop de chômeurs, y’aura du désordre / Il faudra des uniformes pour maintenir l’ordre […] Ils s’en iront à la ville, tra-la-la-lère / Taper sur les ouvriers, taper sur leurs frères ». Des reprises piochées dans les grands classiques de notre barde : L’hirondelle (revenue) modifiée avec son final plein d’espoir, La blanche hermine (ici revue en blanche sonatine), Je dors en Bretagne ce soir, La maison d’Irlande, Il est des êtres beaux… Des titres sauvés de l’oubli tels que Nous avons perdu le Nord ou Le pays. Et cette Paroisse du Prêchi-Prêcha (qui figurait sur le disque Ailes et îles de 2011) qui nous parle de viol et de la punition faite à la victime : « pendant quatorze années / Chez les sœurs on m’a enfermée / Le prêtre et ses ouailles n’voulaient pas de scandale / Dans la paroisse de Prêchi-Prêcha ». Est-ce une morale, le prêtre violera à son tour le coupable…

safe_imageRien n’a changé en Gilles Servat. Si sa voix est apaisée, bien moins tonitruante que par le passé, les mots ont gardé intacte leur force d’évocation, leur envie de combats. Et ce nouvel habillage, « à cordes déployées », tranche plus encore entre le calme affiché et la colère qui parfois monte. C’est, ma foi, assez impressionnant.

Certains ont, à tort, rangé Servat dans le passé, le régionalisme, l’écologisme, le folk de leurs plus jeunes années. Savent-ils que Servat n’a jamais baissé pavillon, cessé la lutte ? Qu’il est à la hauteur d’une œuvre majeure, un des plus beaux répertoires de la chanson. Un de ces répertoires qu’il ne faut pas réduire à la seule Bretagne (et c’est un qui porte un nom breton qui vous le dit ici). Si pas déjà fait, il nous faut renouer avec Servat, même si ce soir on dort ailleurs qu’en Bretagne. C’est essentiel pour qui aime la chanson.

 

Gilles Servat, À cordes déployées, Coop Breizh 2020. La page Gilles Servat sur le site de Lenn production, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a dit de lui, c’est là.

 

« L’hirondelle revenue » : Image de prévisualisation YouTube

Reportage de France3 Bretagne pour ses 70 ans : Image de prévisualisation YouTube

 

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