Electrique Marion Roch
Marion Roch à la Manufacture Chansons en 2019 ©Vincent Capraro
La voix puissante, magnétique, nous attrape dès les premières notes. C’est que, cette vibration-là, Marion Roch la tire de ses tripes, du ventre même, qui revient dans plusieurs chansons de ce dernier opus, Échos. Des résonances, on en trouvera beaucoup dans cet album, qui suit Décousue, un EP 6 titres paru en 2016 et qui était déjà extrêmement abouti, malgré une vie de chanteuse toute neuve l’année précédente. On se rappelle notamment Mon sublime.
On serait bien en peine de mettre en avant l’un ou l’autre ingrédient de cette belle réussite ! La voix inclassable, âpre et tendre à la fois ; une vie sans doute inspirante, ancrée dans l’humain puisqu’elle fut éducatrice spécialisée ; une écriture directe, rageuse et sensible ; le mélange des genres qui emmène du slam à l’électro en passant par le latin et le jazz ? Dans ce nouvel album, comme dans le précédent, c’est l’ouverture sur le monde, la colère contre l’injustice, la volonté d’être libre et de s’exprimer qui l’emporte.
Des thèmes forts que Marion Roch ne traite jamais de façon anodine mais à fleur de peau, en parlant des personnes et de leurs vécus, à partir de leur vie quotidienne et de la relation à l’autre. Elle nous vrille le cœur en s’adressant à M. le Juge comme à un père loin de son fils : « Qui va lui apprendre à se raser, qui s’ra là pour son premier baiser (…) je suis comme amputé de douze ans ». Elle prend la place du SDF de la Ligne 14, face à son éducateur : « C’est trop tard pour moi, j’ai perdu à la loterie ». Toujours avec une sensibilité qui fait mouche, elle imagine la vie des parents et enfants divorcés « Tiens prends tes p’tites affaires, on voulait pas t’faire de la peine, ni briser ton univers » avec Semaine prochaine. A travers les mots d’une jeune fille, le besoin viscéral de vivre un corps en liberté transparaît avec Désir : « Je te sens dans tout mon corps, j’ai pas honte que tu existes ». C’est un engagement pour une vie libre sur tous les plans, pour des droits concrets au quotidien, comme avec la chanson Mille pieuvres, qui n’est pas dans l’album mais sort au même moment, hommage sincère au monde soignant pendant la pandémie.
On la sent entière et authentique dans son désir de transmettre l’Espoir, avec des mots qui peuvent parler à chacun d’entre nous : « Tu sais, c’est quand y a l’soleil qui rentre dans ta cuisine (…) quand y a un truc bien que t’attends depuis longtemps, quand tu reçois un mail inespéré, comme si des ailes mine de rien avaient poussé ». Elle nous interpelle, nous tutoie, elle nous chante comme elle parle, et cette proximité nous la rend touchante, plus émouvante encore dans la description de l’intime, de ce qui peut nous pousser à aller vers soi dans Regarde : « C’est simple, si t’as envie, suffit de trouver les bons outils, c’est con mais j’ai chialé, je savais pas moi que je j’pouvais avoir une autre façon d’penser ».
L’autre, le compagnon, la famille, les choses de la vie, ce qui nous concerne également toutes et tous, ce qu’on vit dans la société, a une place prépondérante dans l’album. La séparation mais aussi le Joli vacarme, simple et charmant bruissement de la vie familiale « J’entends à l’étage ma couvée qui se réveille, j’écoute les pas ». La révolte, mais aussi Les hirondelles, hommage plein de douceur à une grand-mère « Tes cheveux brillent de toutes les années dont tu ne m’as pas parlé, t’es belle ».
Comment un album peut être foisonnant et si « travaillé » à la fois ? C’est pourtant le cas de celui-là : des textes faussement simples et d’une grande richesse, une musique au cordeau et des arrangements originaux… La belle voix vibrante de Marion Roch se mêle avec justesse aux notes de DJ Menas (aux percussions et beat-box) et de Vladimir Torres (à la contrebasse), dont les arrangements précis, subtils et variés ne laissent rien au hasard ! Une bonne dizaine de musiciens de Franche-Comté, dont est originaire la chanteuse, enrichissent l’album de leur violon, violoncelle, guitare et piano. Un album que Marion Roch, fidèle avant tout, a tenu à sortir à la date prévue en mars dernier, malgré le confinement.
Ces chansons trouveront-elles des Echos chez vous ? On le parierait bien volontiers, tellement ça balance bien, tellement les paroles peuvent parler à chacun. En tout cas, elle n’a pas l’intention d’arrêter : « Faudra me passer sur le corps tant qu’ils feront écho au fond de toi, mes mots » ! Et vous aussi, très probablement, serez emportés par sa belle énergie, émus par ses chansons, touchés par l’écorchée vive qu’elle reconnaît être. En ces temps de crise, voici une invitation plus que bienvenue à la liberté, à une vie intense qui nous ressemble ! Des Echos électriques qui vibreront longtemps après leur passage…
Marion Roch, Échos, Odeva/Samedi 14 (2020)
En tournée de concert à partir du 26 septembre 2020 à L’Estival Manège royal à Saint-Germain en Laye, autres dates sur son site
Regarde
Semaine prochaine
Très bel artiste consacré à cette merveilleuse artiste.
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