Le retour de la Chanson de proximité
Il y a la chanson de loin, celle sur notre petit écran et dans les bacs des moyennes et grandes surfaces. Même si elle tente de s’insinuer en nous, elle est lointaine, distante. Et se vit en vrai à des prix d’usuriers dans les grandes salles, dont les Zéniths, tous payés avec l’argent public. Elle peut être d’une grande intelligence (faut-il citer des Alain Souchon, Eddy Mitchell et autres Camille pour l’illustrer ?), ou à l’inverse d’une grande indigence (là, je ne sais qui citer, y’en a tellement… disons Aya Nakamura, qui serait -je tousse- la meilleure vendeuse actuelle de chanson française).
Et il y a la chanson de près. l’ancienne plume de Chorus et collaborateur entre autres de NosEnchanteurs Michel Trihoreau la nomme avec raison « de proximité », tant que ce terme restera. Et en conséquence des chanteurs « de proximité ». Prenez l’expression dans tous les sens du terme. Des artistes qui ne nous vendent pas de l’émotion formatée fabriquée à la chaine, mais qui sont eux-même émotion. Des qu’on touche du doigt, des humains, des vrais.
Il y a dix ans, Trihoreau sortait chez L’Harmattan La Chanson de proximité, un bouquin qui s’est imposé, non par le service promotion de son éditeur, épais comme un sandwich SNCF, mais par une énergie sans faille à le défendre par monts et par vaux, en tables de ventes comme en conférences, tant que, dans le milieu, c’est devenu un livre incontournable (si vous ne l’avez pas encore, je ne sais pour qui vous allez passer…). Le tome 2 de ce livre est un peu comme la nouvelle édition du « Guide du Routard de la chanson en marge », de ce que d’autres qualifieront de « chanson de paroles », de « chanson de qualité », de « vraie chanson » ou que sais-je encore : une brillante et brûlante actualisation, dans un monde où tout change sur l’instant. Trihoreau poursuit le recensement de l’existant, explique d’où ça vient, là où ça pourrait aller. Dit comme ça, ça pourrait être « La chanson de proximité pour les nuls ». Ça a, en tout cas, la dynamique d’un reportage et la taille d’un long-métrage. De nombreux artistes (Laurent Berger, Marie Bobin, Jérémie Bossone, Martine Scozzesi, Germinal Le Dantec, Yvan Dautin, Natasha Bezriche, Bernard Joyet…) interviennent comme témoins dans ce catalogue des (nouvelles) ressources dans lesquelles le net se taille la part du lion via youtube, facebook… État des lieux mais aussi, à chaque fois, utiles pistes de réflexion.
A l’avant-poste que justifie sa situation de préfacière, la dame de Haute-Savoie qu’est Véronique Pestel, et la délicatesse coutumière de ses mots : « Michel Trihoreau a mis un mot clair sur la chanson qui me trouble : proximité. Le premier volume de son livre m’avait apaisée en me rappelant d’où je viens, où je suis et où je vais dans cette longue tradition des parleurs de veillées, qui empêchent la conversation ordinaire de prendre toute la place et surgissent avec leurs contes, leurs chansons, leurs poèmes, leurs histoires à réveiller un mort. Ces veillées-là n’ont pas besoin d’un grand public mais d’une belle écoute. Et la chanson qui s’y raconte est tellement naturelle à l’être humain qu’elle peut mourir, il s’en chuchote une autre.. ».
Énergie, synergie… Trihoreau liste le positif, les initiatives (nouveaux festivals, financements participatifs et mécénat populaire, émissions de radios, groupes facebook…). Quand tout le monde se lamente de la disparition de telle ou telle salle, d’un festival, d’une tranche horaire dévolue à la chanson sur Radio-France, de telle revue, de tel artiste qui baisse les bras, Michel Trihoreau nous dit ce qui se fait, résiste, s’engage, s’imagine, fait que, même dans le maquis, il est possible de croire à l’avenir de cette chanson-là, de cette chanson qu’on touche du doigt, de la voix : de cette chanson de proximité. Tout autant que le premier, ce second tome est d’utilité publique.
Michel Trihoreau, La Chanson de proximité (suite), L’Harmattan 2020. Le facebook de Michel Trihoreau, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Extrait de la conférence de Michel Trihoreau sur la chanson de proximité :
Bravo pour cette œuvre
Merci Michel Kemper, toujours réactif, présent et bienveillant. Tu es la personnification de cette proximité, non par le bouche à oreille mais par l’oeil à la lucarne et à la plume !
Salut à toute l’équipe, bonne continuation.
Véronique
Un livre passionnant pour se faire proche des auteurs, compositeurs et interprètes qui chantent la vie et les humains.