Klô Pelgag : changer les douleurs du temps…
C’est en 2017 que nous avons pu découvrir Klô Pelgag, artiste canadienne à la réputation déjà bien installée dans sa contrée natale, avec la sortie de ce côté de l’océan de son second album, L’Étoile thoracique. A l’époque, je concluais ma chronique par ces mots : « un disque riche (…) dénotant un talent singulier. Affaire à suivre assurément ».
Cette suite nous arrive à présent. Un album au titre aussi cafardeux qu’énigmatique : Notre-Dame-Des-Sept-Douleurs, illustré d’un portrait de la chanteuse par la peintre française Florence Obrecht. Chevelure jaune et verte, dans une veste à capuche rehaussée d’une collerette. Un étrange mélange de classicisme et de modernité. Parfaitement représentatif de la chanteuse, qui mêle allègrement orchestration classique (violon, violoncelle, alto, flute, piano et cuivres divers) et sons d’aujourd’hui (guitare, batterie et synthés), le tout au service d’une pop-rock ample et majestueuse.
Le livret nous éclaire sur le titre de l’opus : Notre-Dame-Des-Sept-Douleurs, c’est le nom d’un village sur un panneau que Klô Pelgag enfant apercevait souvent, lors de trajets effectués avec ses parents. Un nom évocateur qui suscitait en elle un sentiment de terreur. Victime de surmenage après la tournée intensive qui a suivi son 2ème album, notre artiste s’est forcée à se rendre sur les lieux, histoire d’affronter ses angoisses enfantines. Et ô surprise, le village en question – une île en réalité – s’est avéré être un endroit idyllique. Ou comment passer du noir à la lumière…
C’est cette traversée d’une période de doute et de dépression que Klô Pelgag a entendu chanter dans ce disque aux vertus cathartiques. Quasi un album-concept. Qui s’ouvre et se clôt sur un instrumental, lugubre au départ, aérien à l’arrivée. Qui aborde divers thèmes aussi réjouissants que la libération d’une liaison toxique (Rémora), l’hébétude dépressive (Umami), une rupture amicale/amoureuse qu’on espère pas irrémédiable (J’aurai les chevaux longs), le deuil du père (La fonte) ou d’une amie (Soleil), la rumeur et la calomnie (Für Elise) ou le besoin d’identité (Mélamine)… Autant de thèmes sombres auxquels il lui a fallu se confronter, la paix se trouvant au bout du périple, comme le décrit l’ultime chanson : « Je ne reviendrai pas à la maison jaune / Les fenêtres sont fermées / Vous ne me reverrez plus à la maison jaune / J’ai changé d’étoile ».
L’énumération des sujets pourrait évidemment faire craindre un album plombé. Rien n’est moins vrai, tant notre curiosité est constamment maintenue en éveil. Les orchestrations sont luxuriantes et la construction des morceaux toujours surprenante, avec ses ruptures de ton, ses longs passages instrumentaux ou ses envolées lyriques. Les textes, sans renoncer à leur haute teneur en poésie, ont perdu les affèteries qui caractérisaient ceux de l’album précédent. Enfin, cerise goûteuse sur l’appétissant gâteau : le chant clair et varié de Klô Pelgag – qui n’est pas sans rappeler celui de Jil Caplan – ravit l’oreille, trop accoutumée aux filets de voix de la pop française.
Avec Notre-Dame-Des-Sept-Douleurs, Klô Pelgag a fait coup double : un album-guérisseur pour elle, une œuvre revigorante pour les autres. Elle conclut son livret par ces mots : Je vous souhaite à vous tous, qui traversez des moments difficiles, d’être patients, cléments envers vous-même et surtout de ne jamais vous abandonner. Son bel album peut assurément nous y aider.
Klô Pelgag, Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, Secret City Records, 2020. Le site de Klô Pelgag, c’est ici ; ce que nous avons déjà dit d’elle, c’est là.
Le 1er décembre 2020 en concert à La Maroquinerie à Paris, puis à Meylan, Montpellier, Toulouse. Autres dates sur son site.
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