Pas de fête de la musique ? Alors faites-la !
A quelques jours de la Fête de la Musique, dont le ministre de la Culture, Franck Riester, a promis le mois dernier qu’elle se tiendrait et qu’elle « aurait de la gueule », on ne sait rien. Ni consignes ni impulsion, ni avancée ni retrait, rien. Moins que rien même, ce qui revient à dire, chez Riester, que rien est déjà quelque chose.
Il y aurait bien, selon ses dires, une Fête de la musique, un « grand rendez-vous » de la musique. Mais « sans prendre de risques » ajoute notre ministricule.
La semaine dernière encore, on savait que la levée « totale » du confinement le serait à l’exception des festivités culturelles (n’objectez pas en me parlant du Puy-du-Fou : c’est le fait du prince, calcul de basse politique) et des manifestations sociales et politiques (pas pour la censure, non : pour l’hygiène, qui ne doit certainement pas être la même qu’en Vendée !)
Le Conseil d’État vient de rendre justice à la liberté d’expression. Nous recouvrons le droit élémentaire de manifester, crier notre mécontentement, conspuer nos dirigeants, les railler si ça nous chante.
Mais, malgré les dires du ministre, toujours pas le feu vert, ou alors par vidéos et facebook interposés, pour fêter la musique. Ni jazz ni rap, ni zouk ni airs médiévaux, ni classique ni contemporain, ni rock ni folk, ni chanson. Sauf au balcon. Même avec ces garde-fous que sont les gestes barrières (d’ailleurs indispensables), bien deux mètres carrés par pékin. Masques pour tous, même pour ces artistes qui, c’est connu, postillonnent plus qu’il n’en faut.
Notre président parle dans la lucarne, cause de tout, c’est à dire de pas grand chose et, surtout, omet de parler culture : de ces spectacles pour le moins contrariés, concerts et festivals en rade, de l’inquiétude des artistes, des professionnels du secteur et des publics. Pas une seule fois le terme « spectacle vivant ». C’est donc mort. Le lendemain, les ministres se pressent tous au guichet médiatique des chaînes d’intox pour le service après-vente. Tous ou presque. Manquait Riester. Il a sans doute pas pu : il devait avoir piscine.
On sature le métro aux heures de pointe, on rouvre en grand les écoles le 22 juin (surtout qu’il ne manque aucun élève !), on nous fait se précipiter dans les temples commerciaux pour rattraper ce qu’on n’a pu consommer deux mois durant… On adapte les règles « d’hygiène », on les allège parfois, scandaleusement on s’en dispense. Là, c’est possible.
Mais pas celles imposées aux festivals, qui les rendent pour la plupart impossibles, sauf à se suicider économiquement. Et, sans que ce soit dit, écrit, pas de fête de la musique : une première en quarante ans ! Qu’on s’entende bien : je suis pour les mesures sanitaires, tant que nous ne nous serons pas débarrassés de ce fichu Covid. Mais pourquoi le ministre manie à ce point l’ambiguïté et se terre dans le silence ?
Puisque, dans sa grande sagesse et malgré l’état d’urgence sanitaire, le Conseil d’État vient de rétablir la liberté de manifester sur la voie publique, alors faisons de la musique en défilant, armons-nous de tous les instruments possibles (accordéons, banjos, trompettes, tambours, fifres, violons, cornemuses…) et nos voix ! Défilons en musiquant, en chantant. Faites des goguettes, entonnez-les. Soyons acteurs et non plus spectateurs. Au passage, nous reviendrons aux fondamentaux de cette fête, ce qui n’est pas si mal. Si ça n’avait été dévoyé, je dirais bien « en marche ! » C’est bien mieux de dire « en musique ! »
Cette année, fête ou défaite de la musique ?
Masques, inutiles ou obligatoires ?
Manifestations, interdites ou autorisées ?
Chloroquine, dangereuse ou placebo ?
Une seule chose certaine : responsables irresponsables.