Michèle Bernard ouvre son carnet de poèmes
Michèle Bernard est familière du cadeau : régulièrement la chanteuse ouvre ses carnets de poèmes, qu’elle a nombreux, pour partager son goût pour les mots des autres, ceux qu’elle met ensuite en notes. Chacun de ses albums compte un poème mis en musique. Mots velours ou mots cinglants, l’offrande est précieuse. Un quasi rituel pour une artiste venue à la chanson par le théâtre et qui depuis quarante ans poursuit une voie singulière. « La poésie, c’est là où je vais me ressourcer dès que je dois écrire » assure-t-elle en guise de recette, elle qui plus de 300 chansons à son actif.
Nouveau bouquet de poèmes à partager ces jours avec 26 titres réunis dans un album aux couleurs variées où l’intime domine les sentiments. L’ouverture est une invitation au dépaysement. « Ô Jardinier de l’âme / As-tu prévu / Un carré de terre humaine / Où planter encore quelques rêves ? » Tout un programme. Cet extrait d’Abdellatif Laâbi résonne en sa douceur polyphonique vocale de la vision du monde de Michèle Bernard, en empathie. Vingt reprises de titres déjà parus et six inédits marquent les étapes d’une sélection où les coups de cœur de Michèle Bernard alternent les époques et tracent son parcours initié depuis 1978.
René-Guy Cadou est toujours du voyage ainsi que le contemporain Jacques Réda avec des extraits de ses Treize chansons de l’amour noir, sur un registre musical épuré. Des carnets où l’on retrouve encore des extraits de textes de la communarde aux multiples intuitions Louise Michel. Cette battante à qui Michèle Bernard a dédié une cantate enregistrée avec l’ensemble vocal résonance Contemporaine et les Percussions de Treffort. Pour ma part je consonne encore aux arrangements aériens et nomades de Partir, revenir (Joachim du Bellay et Blaise Cendrars). Ou encore à cette bienvenue profession de foi au long cours Amour au même nid fidèle (Jean Richepin et Germain Nouveau). Quant à Sully Prudhomme et « ses berceaux » (musique de Gabriel Fauré) comment ne pas être touché par ce tableau des destinées humaines ? L’univers douloureux de Sabine Picaud, trop jeune disparue, a inspiré Michèle Bernard. Demain, un texte dit, en partage l’intensité. Plusieurs titres extraits des « Poésies pour les enfants » (René-Guy Cadou, Francis Jammes, Robert Desnos, David Scheinert), rappellent le sens du partage que Michèle Bernard pratique avec les jeunes publics. Parce que l’état d’enfance permet de se reconnecter à des désirs profonds. Comme celui de chanter la beauté du monde, malgré tout et prendre le chemin des mots. « On referme le bouquin. Le poème poursuit son chemin » entend-t-on dans Cadou s’est endormi. Bonne route à cet album. En attendant une intégrale à venir en cette fin d’année.
Michèle Bernard, Carnet de poèmes, EPM/MCA/Universal 2020. Le site de Michèle Bernard, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là. Le catalogue « Michèle Bernard » sur EPM, c’est ici.
Partir, revenir, Du Bellay, Blaise Cendrars
Je t’attendais ainsi qu’on attend les navires, René-Guy Cadou
Grande joie de constater que Michele se retablit de son accident. C’est une voix qui me touchait beaucoup il ya 30 ans et ca continue…Tous nos voeux pour la suite!