Sarah Lancman, Tokyo Paris, soleil et lune
Sarah… des origines askhénases, côté papa. Mais aussi bretonnes. Est-ouest ? Oui mais très méditerranéenne aussi, avec une maman d’origine marocaine. Mais tous deux nés à Paris, comme elle-même, vers Châtelet-Les-Halles, le ventre de Paris, peut-on faire plus parisien ? Pianiste douée, amoureuse de Bach, Piaf, Nougaro, Aznavour, qui l’a connue et reconnue « La voilà qui chante et nous enchante ». Et de la comédie musicale – n’a-telle pas donné la réplique en début 2020 au jazzman japonais Toku sur une très réussie I will wait for you, version anglaise de la célèbre chanson des Parapluies de Cherbourg de Michel Legrand ?
D’abord pianiste classique, puis de jazz, elle tente sur une impulsion le concours de jazz vocal de Montreux en 2012, sous la présidence, excusez-du peu, de Quincy Jones, et gagne le premier prix ! Un premier album en tant qu’interprète, en anglais, et en 2016, la rencontre du pianiste Giovanni Mirabassi qui l’incite à écrire et même à composer sur l’album Inspiring Love. Une voix à la Sarah Vaughan, un talent de composition et d’écriture, avec deux titres personnels en français, on comprend vite que Sarah Lancman est une chanteuse peu ordinaire. Ses talents d’interprète (écouter sa reprise de Qui, d’Aznavour ) se rajoutent à la beauté de sa voix à la tessiture soyeuse, au grain expressif – un problème de nodule sur les cordes vocales, nous dit-elle, qui rajoute au charme.
En novembre 2017 elle remplissait la Salle du Petit Duc à Aix-en-Provence, connue pour ses programmations pointues de jazz tout autant que de chanson, avec Giovanni Mirabassi au piano, dans le cadre du festival Jazz sur la Ville. Donnant déjà l’avant-première de son troisième album, A contre-temps (2018), avec cette fois-ci pas moins de sept chansons en français, pour la plupart écrites et composées par elle-même, sur les onze titres de l’album. Sarah n’a guère envie de choisir une langue plutôt qu’une autre, où elle s’exprime tout aussi naturellement. Tout au plus les titres en français sont-ils plus lents, avec des textes pensés en poésie, tandis que l’anglais l’incite à plus de sensualité. On trouve sur cette album une première collaboration avec le nippon Toku, qui lui donne la réplique sur trois titres en anglais, et a co-adapté en japonais le titre On s’est aimé, écrit avec Francis Lalanne.
Sont-ce ses racines, ses influences ? Sarah est une boulimique de musique et d’écriture, qui ne recule devant aucune expérience musicale. Le duo formé avec Mirabassi lui inspire sans doute ce voyage en Italie avec Intermezzo en 2019, qui reprend de célèbres chansons, dont la version italienne de Que sera de Buarque, celle qui fut immortalisée pour nous en français par Nougaro. Il n’y a pas de hasards, que des rencontres. Album qu’elle aurait dû présenter à Aix-en-Provence le 4 avril, si un virus n’avait pas bouleversé tous les projets du monde.
Voici enfin ce cinquième album, sobrement intitulé Parisienne et décliné dans un noir et blanc voilé d’un mauve grisé, illustré de voluptueuses photos de Sarah, cheveux se replaçant après un tour sur elle-même, épaules de neige, mains comme des oiseaux prêts à s’envoler, velours noir. Toujours au sein d’Eleven Jazz, le label indépendant créé par Mirabassi, Sarah a entièrement écrit et composé les onze titres de l’album, dont quatre titres en français et deux reprises. Parce que, d’Aznavour, comme une vive et tendre confidence sur l’accordéon léger de Marc Berthoumieux, et les notes tourbillonnantes du piano de Mirabassi. Et L’hymne à l’amour, d’Edith Piaf, souffle essentiel, partant en dialogue entre les instruments, vous avez dit french touch ?
Et ainsi va la vie donne le la à cet album, mélange, comme le dit si bien Bertrand Dicale, de félicité et de mélancolie : « Mélancolie souriante et insolente / Et tout s’enfuit / Et ainsi va la vie ». Car Sarah n’écrit, ne chante que l’amour. Celui qui réunit ceux qui s’aiment, celui qui attend et qui fuit, « Car la mort n’est qu’un jeu comparé à l’amour ». L’attente, les serments, l’absence, l’aveu.
Le saxophone de Pierrick Pedron accompagne ce souvenir nostalgique « I remember the first time that we met », dans la plus grande tradition des envoûtantes voix du jazz. Alors que les titres en français se souviennent des grandes mélodies de Michel Legrand, piano sous tendu par les cordes profondes de la contrebasse de Laurent Vernerey, rythmées par les percussions subtiles et caressantes de Stéphane Huchart.Voix tendue, sensuelle dans l’attente d’un geste tendre : « Ton silence est bien là / Il n’y a que des questions / Qui planent de ci, de là ».
N’est-il pas symbolique, que par delà la lune, The moon and I, « Friend of my awaken dreams », la plus belle des déclarations d’amour aille à la capitale du Pays du Soleil levant, dans cet acrostiche T.OK.Y.O. S.O.N.G : « Take me there, I belong to you / Far from you, I feel so blue (…) I love you Tokyo ».
Sarah Lancman, Parisienne, Jazz Eleven (2020)
Le site de Sarah Lancman, c’est ici.
L’album devait sortir le 27 mars et être présenté en concert le 30 mars au Café de la danse. Il sort finalement le 22 mai, sur toutes les plateformes, et le concert est prévu le 30 juin. Les concerts au Petit-Duc sont reportés en décembre 2020.
Interview En acoustique et Hymne à l’amour
Improvisation hors album, ensemble et séparément à Paris et au Japon : Terre, avec Atsushi Takahashi
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