Faut qu’ça guinche, la vie de bohème

Faut qu’ça guinche (photo Florent Forestier)

C’est un peu comme un cocktail dont les principaux ingrédients, les principales inspirations, viendraient tant des Ogres de Barback, de Renaud que des Fatals Picards. Quelques zestes et restes d’ailleurs et un peu, beaucoup d’eux, Secouez. Vous avez Faut qu’ça guinche, principalement un groupe de scène mais qui, faut l’avouez, se savoure plutôt bien sur disque. De toute façon, en ce moment, y a pas le choix, c’est comme ça !

Faut qu’ça guinche, ce n’est pas tout nouveau. C’est même leur sixième album studio (d’où le titre du CD) : c’est dire si c’est rodé, dosé, bien en place. Les coups de gueule suivent ou précèdent ceux de pure tendresse, c’est selon. Très rock-festif, ça devient belles, très belles chansons même, quand la tendresse s’immisce. Ainsi Viens, qu’on a, séance tenante, envie d’apprendre pour faire leurs chœurs : « Viens faire des choses que je n’ose pas / Vivre tout seul et même sans toi / Comme affronter la vie d’vant soi / Galérer avec Pôle-emploi » et encore « Viens, montre-moi tes jolis seins / Pour voir s’ils vont bien dans mes mains… »

Du festif, il y en a beaucoup, me direz-vous. Eux font partie des bons : au delà du plaisir à les écouter jouer, ça se sent au souci d’une écriture appliqué, impliquée, « une ribambelle de paroles belles ».

Parfois ça se danse : le public, ne sachant plus vraiment que gesticuler, fera n’importe quoi. N’empêche que Le passé épouse les pas et le rythme de la polka et que, rien que l’évoquer, ça me donne envie se sillonner la piste. On ne parlera pas pour autant de néo-folk mais les réminiscences sont là. Du reste, le titre suivant, J’ai trop attendu, se danse sur une valse… A défaut de festivals cet été, danser avec et sur eux à la Fête de la Musique puisque, dans son infinie générosité, le sinistre de l’inculture nous l’autorise…

Parfois la joyeuseté fait place à la consternation, au chagrin, à la colère : « J’ai pas l’appétit des grands jours / Le moral en berne, anormales mes cernes ». Pourquoi donc ? Car « C’est pas des manières / De mourir en mer / En quittant son pays / Pour venir ici / A Lampedusa ». Pas plus que « De dormir par terre / Sur un carton pourri / Dans une rue d’Paris ». La critique sociale n’est jamais absente des propos de nos guincheurs patentés. Comme leurs confrères déjà cités, eux et d’autres, ceux-ci sont d’abord et avant tout des citoyens. Avec un regard acéré sur notre monde, ses beautés et ses mochetés, comment il est en marche, comment surtout il recule. Ecoutez La valse à Dédé, mis au chômage prématurément, qui n’aura plus à se lever le matin et restera au plumard avec Margot. Certes, le thème du chômage a déjà été abordé, avec talent (par Lemarque, Leclerc, Lavilliers, Bobin, Frasiak, Renaud et d’autres encore). N’empêche, La valse à Dédé est une bien belle et émouvante chanson. Extraite d’un album enviable. Même si la pochette n’est pas totalement convaincante, privilégiez le produit à l’emballage : juré que c’est rien que du bon à l’intérieur.

Faut qu’ça guinche, Sixième sens, Traquenard production/Inouïe distribution 2020. Le site de Faut qu’ça guinche, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.

En cette saison
C’est pas ma faute