Gueules d’Aminche : Vaisseaux sans gain
L’écoute d’un tel album ne peut que nous faire regretter ce que nous avons pour l’heure perdu. Fermons les yeux : une salle de musiques actuelles oui, mieux encore, un podium sur une place. Des guirlandes électriques, le bar qui débite sa bière au son des décibels. Les couples qui se lancent, s’enlacent, s’embrassent. Cette chanson popu-guinguette dont on s’enivre… Et ce groupe qui fanfare, et nous qui fanfarons. Gueules d’Aminche ils se nomment, des cousins pas si germains (ils sont lorrains) des Ogres de Barback..
Mis à part l’attrait racoleur d’un calembour facile, pourquoi donc le titre de cet article ? C’est parce qu’eux même le disent : « C’est la course au grisbi / On s’épaule en cas de rififi / On tient son rôle, la seule devise ici / C’est un pour tous et tous pour la mélodie ! / Le butin qu’on vise n’a pas de prix / C’est un pour tous, c’est un pour tous / C’est un pour tous et tous pour la mélodie ! » Le mode d’emploi est clair, assumé ; s’ils nous enchantent, ce n’est pas que pour les noisettes de l’écureuil. Quant aux vaisseaux : « De vers en vers on en a fait des vaisseaux / Pour voguer sur le souffle, l’envie et les mots… »
Leurs musiques, leurs chansons aspirent au soleil, au Sud : dit comme ça, on comprend que leur premier album s’est intitulé Perdre le nord. C’est joyeux dans la forme, pas forcément dans le fond. Car, dans leur format qui fait songer un peu à un baloche à La Bastille, nos quatre compères et commère (commère est-il au fait le féminin de compère?) percent l’écorce de notre monde, de notre société, de nos désirs, de nos craintes. Et ça colère parfois, plusieurs titres. Leur poésie est précise, qui versifie avec délicatesse ce qu’elle a à dire, à dénoncer : « La vie, la violence travaillent / Guidées par une gouvernance de paille / A ceux qui désignent la cabale / Il n’y a là que la pyramide infernale / Sous l’égide de la tune, pas de faille / On muselle et on enfume le bétail ! »
Ce nouvel album est une fable qui, par des musiques faussement dynamiques, carrément enjôleuses, nous amène au dedans de nous, au plus profond du monde, le ventre du Léviathan. On aimerait qu’à l’écoute d’un tel disque en sorte l’homme nouveau. N’en disons guère plus, ne divulgâchons pas. Retenons juste des propos souvent terre à terre pour des vaisseaux qui, comme sur la pochette, ne touchent pas la mer. En suspension comme le sont nos rêves : « On espère, qu’un jour tout changera / Qu’un printemps renaîtra / Que le temps des cerises refleurira ». Et si nous prenions l’air avec eux, afin de ne plus jamais ramer ?
Gueules d’Aminche, Vaisseaux, 2020. Le facebook de Gueules d’Aminche, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.
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