Gul De Boa, sans empreinte carbone
Bon, c’est vrai, vous ne le connaissez pas bien. Pas de notre fait d’ailleurs, nous qui aimons vous donner de ses nouvelles. Ce serait son sixième album, c’est vrai sans grande diffusion autre que locale ou cantonale (on peut toutefois le commander sur le net). Mais, hé, on peut sortir du tout-venant, du tout-chantant, et s’autoriser une telle découverte. Faut dire que Gul de Boa n’y met pas vraiment du sien, réservant – je n’ose dire confinant mais c’est à peu près ça – son art à son territoire : Rouen et la Normandie. Un artiste en circuit court, dont l’empreinte carbone est réduite à sa plus simple expression, ancré dans la vie sociale, festive et éducative du lieu. Regardez son interview sur la vidéo en bas de cet article et vous comprendrez.
Fait notable, Gul semble avoir perdu son boa. Nommez-le donc Gul, tout simplement. A l’occasion de ses trente ans de scène (le temps d’écrire ce papier, ça fait 31 ans, dieu comme le temps passe…), il s’est offert le grand luxe d’un orchestre-à-lui-tout-seul, qui plus est un octet : l’Xtravague band, qui joyeusement fanfare, mais pas tout le temps, rythme et magnifie l’art de notre vedette..
International se nomme le nouvel opus… Le refrain et leitmotiv de la chanson-titre fait songer à Arletty, dont le cœur était français mais le cul international : concluons que le cœur de Gul est rouennais. Avec lui, même la rupture sent l’amour : « Je te quitte… mains libres / Je m’barre… du coin / Je m’arrache… la vache / Je me sauve… qui peut ». L’art de Gul relève du craché-juré. Du craché comme il vous balance ses chansons (comme le fait Erwan Pinard, qui doit bien connaître Gul ou alors ça tient du hasard) ; du juré car n’est n’est plus authentique et donc plus vrai que ce type. Et ça lui va bien cette musique cuivrée-percussionnée pour élever plus encore l’hypertension des mots, faire battre le cœur et les corps démesurément. Le titre d’après, il vous fait un polar, un privé, sombres desseins et Babylone, inspiré qu’il est alors par Brautignan : superbe, comme l’est le remarquable et cinématographique Majordome qui suit !
Lui nous pond une « non demande de travail », pas même en traversant la rue : « J’attire cependant votre attention / Malgré ma grande motivation / Je ne cherche pas de travail ». Faut dire qu’il passe son temps à écrire, et pas que des chansons. J’ai écrié (Aline ?) chante-t-il, en listant ses écrits et ses cris « au secours, à l’épure / en un mot comme en cent / comme un sourd ». Écrire « sur ta peau / à l’encre sympathique », écrire « au trésor public / des monceaux de pipeau », écrire « en vidant des gamelles, en vidant des godets »…
Rien de ce qu’écrit Gul De Boa ne ressemble à ce qu’on sait, qu’on imagine, de la chanson. C’est une poésie à l’allure étrange, incongrue, d’une écriture insolite et nerveuse, qui fait son effet. Je ne vais pas plus vous divulgâcher cette galette de quatorze et fameux titres. Juste tenter encore de vous donner l’envie d’essayer, certain que, concernant Gul de Boa, l’essayer c’est l’adopter. Ce faisant, une fois que la vie reviendra, dites à votre organisateur de festival de proximité de faire venir ce Gul, de lui faire momentanément quitter Rouen. Pour le plaisir, pour notre nécessité.
Gul et l’Xtravague band, International, La Royale Zone 2019. Le site de Gul De Bao, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
C’est sa volonté radicale de ne faire aucune concession qui l’a conduit à cette diffusion minimaliste. Tous ceux qui l’ont vu sur scène, qui l’ont tout simplement écouté ne comprennent pas qu’il ne soit pas plus largement diffusé…