Wazoo, excellent folk-rock agricole !
Dans le microcosme parisien de la chanson, celui qui aime édicter ce qui est bien de ce qui n’est pas tendance, on ne doit pas connaître ces gens-là, forcément des bouseux, conducteurs de tracteurs : des qui vivent et chantent au pays, dans leur massif central. Des régionaux de l’étape, qui le restent et aiment ça. Il y vingt et un an que Kévin Quicke et Jeff Chalaffre, alors duo sous le nom de RAS, créent Wazoo, un groupe de folk-rock festif auvergnat. Et c’est d’emblée le franc succès : leur premier album s’écoule à 160 000 unités. Ils en tirent même un single qui lui se vend à 360 000 exemplaires. Des chiffres qui déjà donnent le tournis.
Agriculteurs est leur sixième album. Réjouissant comme sont les précédents. Qui n’est pas sans faire songer au groupe Machin de jadis (là je vous parle de la fin des années soixante-dix, un groupe néo-folk dont les musicos étaient tous par ailleurs ceux de Thiéfaine), un peu à Soldat Louis. Et qui n’a rien, mais vraiment rien, à envier à tous les groupes chanson-rock festifs (de talent) qui tiennent la scène depuis vingt ans, des Tryo aux Kétanou. Comme quoi il y a aussi une vie possible sans la Capitale (pour autant on a déjà vu Wazoo, si si, sur la scène de l’Olympia : c’était en 2010), sans Bourges ni La Rochelle.
Chanson régionale ? Pas vraiment, au sens où elle ne prolonge pas forcément une tradition, un folklore. Mais qui s’inspire des mœurs du cru. Ici, dans leurs vers (là, je doute un peu de la bonne orthographe) on fait Cabrot : « Elle voulait que je lui paye / Le resto chez Troisgros / Je lui ai dit non, non, ma belle / Ce soir on fait chabrot ». D’ailleurs, chabrot ou non, on boit : « Boire un canon / C’est sauver un vigneron / Si tu bois du vin / Ben, t’auras des copains (…) Et puis moi j’aime le vin / Comme les poules aiment le grain ».
Pas rustique, encore que, mais franchement rural. Si les fermes d’Auvergne sont désormais équipées en lecteurs CD, c’est rien que pour écouter les disques de Wazoo : « On ne redoute pas le labeur / Pour le pire, pour le meilleur / La terre est au fond de nos cœurs / Car nous sommes… agriculteurs ».
Beaux et forts comme Mon taureau, les mecs de Wazoo abordent aussi d’autres sujets que la terre et ce qui pousse dedans et vit dessus. Ils sont tout aussi sur Le chemin de l’Ovalie : c’est vrai que le rugby est bien implanté à Clermont-Ferrand. Et nous font La chenille au mariage, croisent « une jolie blonde avec ses tongs », partent en matelots voir Saint-Malo (quand je vous disait qu’il y a un peu de Soldat Louis en eux…) et fêtent La Saint-Valentin.
En fait, ils ratissent large, rallient à leur commerce de chansons toutes les générations, tous les fêtards, toutes les occasions. Ça pourrait être dans un art minimum, voire douteux, style Licence IV : pas du tout, eux n’ont que d’la bonne humeur, des bonnes chansons, l’art et la manière, le bon goût. Ils nivellent par le haut et font, dans la centre de la France, rare unanimité.
Hâtez-vous de les découvrir si pas encore fait, même si vous êtes parisiens et ne jurez que par la pop (on peut guérir de ça). Faites ovations à ce groupe de joyeux drilles (Wazoo est un quatuor, mais ils sont sept sur ce disque, le huitième ayant en charge le patois de Saint-Agathe-sur-Chabrot…) : c’est le genre de découvertes qu’on n’oublie pas.
Wazoo, Agriculteurs, autoproduit 2020. Le site de Wazoo, c’est ici.
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