Après vous, dérapages contrôlés.
J’ai rêvé
La foule qui se rue
Dans les rues principales
J’ai rêvé
De ces gens qui fuyaient
Au milieu du désastre
J’ai rêvé cette nuit
Je me souviens de tout
Quand Thibaud Defever écrivait en octobre 2016 du côté de l’Ile d’Oléron cette chanson sur le drame des populations contraintes à l’émigration, il ne se doutait pas de la résonance que prendrait cette chanson en cette période actuelle de crise pandémique mondiale…
Nous vous avons déjà conté l’expérience multi sensorielle du couple Maud Thibault, comédienne, interprète en langue des signes, et Aurélien Mouzac, musicien, chanteur à la voix douce et chaleureuse, qui constituent le duo Après vous. Actuellement devenu trio avec le talent du percussionniste Thomas Hilaire. Sur scène, c’est un spectacle qui ressort tout autant de la danse que de la comédie ou de la chanson, pour nous donner des émotions de vie qui nous parlent, et pour ceux qui n’entendent pas, que l’on peut saisir grâce au chansigne (1), ou même deviner rien qu’à les observer. Vous pourrez en avoir une idée – puisque le spectacle (2), comme tous les autres, est suspendu en raison du confinement – dans un DVD de dix titres filmé en live et en duo.
Mais le trio a choisi d’enregistrer également un cinq titres très homogène, l’ensemble des textes, à l’exception du cinquième, ayant été écrit par Thibaud Defever, qui semble le frère jumeau d’âme d’Aurélien. Si Maud reste discrète, se contentant de renforcer la voix d’Aurélien ou de claquer des doigts, la cohésion du groupe est palpable et l’air du trio se respire autant qu’il s’écoute. Et puisqu’on parle d’air, l’album enregistré à Obro par Bart Velay et masterisé à Bordeaux se situe à mi-chemin entre rock et jazz, avec ses cordes, ses claviers, ses percussions, dans une atmosphère originale, rythmée, dérivante, dont la douceur cache parfois des abîmes fuligineux.
Sous une pochette illustrée des images du spectacle reprises sur une pellicule de film, se déroulent les aventures d’un couple. Ses dérives, même s’il se retrouve toujours malgré les écarts « Il y a mes dérapages / Plus ou moins contrôlés / Il y a tes mirages / Tes étreintes cachées / Toujours / Nous revenons à / Nous ». Et la guitare dissone, dérape un peu aussi sur les faux pas qu’il ne faut pas…
Là encore les paroles d’Une fois dehors, sur cette douce balade en liberté, tel un slow des années 80 – avec toujours ces cordes qui s’échappent du droit chemin, refusant le côté « variétés » – résonnent avec notre enfermement. « Une fois dehors / Je marcherai / J’irai là où / Là où j’irai / Une fois dehors / Comme autrefois / Avant tout ça / Je marcherai / Le cœur léger »
Tout au long de l’album la voix douce et profonde d’Aurélien réalise la synthèse entre la légèreté de la vie et ses secrètes inquiétudes : « Dis-moi ce qu’on t’a dit / De ces vies passagères / Dis-moi ce qui sans bruit / S’en va dans la poussière ». Cette voix, qui s’approprie si différemment, et pourtant de façon si crédible, dans une montée orchestrale impressionnante, la déclaration de Bashung : « Aucun express ne m’emmènera vers la félicité / Aucun tacot n’y accostera / Aucun Concorde n’aura ton envergure / Aucun navire n’y va sinon toi ». Avec le silence qui suit et fait autant de bruit.
Le prochain spectacle sera basé sur la transmission, grâce au testament moral que vient de laisser le grand père d’Aurélien, lui qui voulait changer le monde.
(1) chant accompagné de langue des signes
(2) Concert à la médiathèque de Poitiers, Ciné concert Larnay-Sagesse, Construction d’un spectacle de Chansigne avec l’école primaire Jacques Prévert de Thénezay, annulés
Après vous, cinq titres auto-produit, Collectif Gonzo 2020. A écouter absolument pendant le confinement et à commander sur Bacchanales Production.
La page facebook d’Après vous, c’est ici. Ce que Nosenchanteurs en a déjà dit, là.
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