Manu Dibango, 1933-2020
Comme il est difficile de rendre hommage en quelques lignes à l’un des plus grands saxophonistes, dont nous avons appris le décès ce matin, 24 mars 2020 (le même jour qu’Uderzo…) après avoir été hospitalisé une semaine ! C’est cette saleté de coronavirus qui a fait taire le saxophone.
A Douala, considérée comme la capitale économique du Cameroun, Emmanuel Dibango naît le 12 décembre 1933. Son père est fonctionnaire, sa mère couturière. C’est elle qui, au temple protestant, est chef de chœur et l’initie à la musique. A l’âge de 15 ans, il débarque à Marseille pour faire ses études en France, mais c’est à Saint-Calais dans la Sarthe qu’il est pris en charge par une famille d’accueil. Il y rencontre le saxophone et Francis Bebey, autre immense artiste camerounais. « Au milieu de ses bagages, il y a trois kilos de café qui paieront à ses hôtes son premier mois de pension » explique ce matin Le Monde. Il racontera ses souvenirs d’enfance et sa vie d’artiste dans Trois kilos de café, autobiographie coécrite avec Daniel Rouard (Editions Lieu Commun, 1989).
Il voyage à travers le monde, ouvre des boîtes à musique dans plusieurs pays d’Afrique dont le Cameroun. Son tube mondial, Soul Makossa (1972), fut même emprunté (à la suite de longue tractations financières !) par Michael Jackson et Rihanna. Tout le monde connaît cette histoire ! Mais savez-vous que Manu Dibango jouait aussi du piano, du vibraphone, du marimba, de la mandoline ? Il était chanteur, compositeur, arrangeur et producteur. Les plus grands ne s’y sont pas trompés : dès 1967, Nino Ferrer lui confie les arrangements de plusieurs enregistrements : Je veux être noir, Mao et moi, Je vends des robes…
Il raconte cette aventure dans un entretien avec Christian Eudeline (Les Echos, 23/10/2014) : Nino rêvait d’être noir comme Otis Redding et il en avait un à sa disposition. Je suis resté plusieurs années à ses côtés. Il a même découvert que je jouais du saxophone le soir dans des clubs de Saint-Germain des Prés pour le fun. Il était très cultivé mais aussi un peu caractériel. Je cumulais car l’époque était très ouverte. En parallèle de Nino, je jouais dans l’orchestre du Lido et enregistrais déjà de la musique Caribéenne et Africaine avec mon propre orchestre. C’est ce que je voulais faire, avoir mon propre groupe. Les chanteurs français ne s’y trompent pas : une soirée Salut Manu, fut organisée en 1988 par Jean-Louis Foulquier dans le cadre des Francofolies de La Rochelle, avec Maxime Le Forestier et Nino Ferrer, entre autres. Manu Dibango collabore aussi avec Dick Rivers, Mike Brant, Michel Fugain, Pierre Vassiliu et même Touré Kunda, Yannick Noah ou Black M ! Sur le site Discogs, Dibango est crédité plus de 300 fois en tant que musicien ou arrangeur. Ajoutons à cette discographie tout sauf exhaustive sa participation au disque collectif de Joël Favreau, Chantons Brassens (1992, aux côtés de Souchon, Cabrel, Renaud, Romain Didier, Catherine et Maxime Le Forestier, Françoise Hardy…) et la musique du film Kirikou et les bêtes sauvages (2005).
En 2014, Manu Dibango rend hommage à la chanson française et anglo-saxonne dans un disque intitulé Balade en saxo, avec Maladie d’amour d’Henri Salvador et Le Sud de Ferrer, entre autres. C’est également le titre de sa deuxième autobiographie (parue chez L’Archipel).
De Douala à Kinshasa, de New-York à Paris, de Juan-les-Pins à Vienne, de Kingston à Bruxelles, Manu Dibango restera un génial musicien éclectique au saxo chaloupé et au rire contagieux – saleté de virus !
En ces temps de confinement, réécoutons Wakafrika, disque de 1993 dans lequel Manu Dibango célèbre notre continent maternel avec Peter Gabriel, Ray Lema, Youssou N’Dour, Angélique Kidjo…
Sacrée personnage et une sacrée vie…juste une petite précision, la famille d’accueil était de Saint Calais dans la Sarthe, non de Calais.
Il me semble que Manu avait, pendant quelques temps, animer une émission de télé, dans les années 90…