Lumineuse Louise O’sman
6 février 2020, Le Petit Duc, Aix-en-Provence,
Solo d’accordéon. Entre la chanteuse et le piano à bretelles, c’est déjà une longue histoire d’amour, elle a grandi avec… S’élève une voix douce et grave, « C’est une terre habitée, balayée par les vents des hommes / Un pays sans nom qui appartient à personne », des mots qui donnent le ton du concert, qu’on devine dense, profond, âpre un peu sans doute… C’est ce regard-là qui sera porté sur le monde et, en miroir, on la regarde d’autant mieux, fine silhouette cachée par l’accordéon, long visage expressif aux grands yeux et large sourire, une légère retenue qu’on imagine entière et passionnée.
Sur les routes depuis des mois pour la sortie de son premier album, elle montre ici une belle présence dès les premiers instants, une maturité qu’on soulignait déjà l’été dernier au Festival d’Avignon ou lors d’un passage à Aix avec sa formation précédente. Louise O’sman a d’ailleurs nombre concerts et déjà quelques tremplins à son actif. Voilà une écriture poétique empreinte de mystère : « Dans la maison du temps / Les portes claquent d’éphémère / Les mains se flétrissent de l’air dans les courants » qui dénote un univers personnel bien affirmé avec Les marais salants ; voilà une belle voix claire qui jaillit pour chanter L’espérance, « Quelqu’un qui m’est cher, nous dit-elle, cette petite dame aux mains immenses ». Il est des otages qu’on aime être, quand une voix nous capte si joliment ! S’ensuit la chanson qui nous ravit, dans tous les sens du terme ; amoureuse des arbres, l’est-elle aussi ? On le croit volontiers, car qui pourrait chanter autrement ce Frêne tellement inspirant « Certains se reconnaîtront peut-être, nous lance-t-elle, même s’agit d’un frêne »… Ce qui nous parlera, elle nous le chante « Sous le poids des grands discours / Tu vacilles sous les rêves / De ce qui t’a fait un jour / Frêle, frêne » comme un chemin de vie.
Chanson intimiste, direz-vous ? Sans nul doute, s’il faut absolument coller une étiquette, parce qu’elle nous chante l’intime et l’espoir, mais aussi la douleur du monde et ses rocailles, les petites choses entrelacées aux grandes, les saisons du temps qui passe et la nature qui se faufile partout dans cette belle écriture, et même le destin d’un Marin docker « Marin, noueur de grèves / Docker, ramoneur de rêves / L’un sur la mer, l’autre la terre / Les lumières à jamais derrière ». On y devine sous les mots une sensibilité au fragile destin humain, derrière les mains qui volent sur les boutons de nacre et s’envolent parfois, derrière l’accordéon noir qui ne la quittera pas jusqu’au salut final. Mais point d’histoires de cœur ici, du moins pas dans ce qu’on peut en connaître ; l’amour semble s’habiller de pudeur, se cacher au creux des chansons pour s’élargir au monde entier…
Sur scène, la délicatesse le dispute à une puissance presque terrienne dans Joyeuse ville, et ce n’est pas un combat mais une douce valse qui nous entraîne dans les tourments du monde sans s’y appesantir avec « On a pensé un soir, il est déjà trop tard / Qu’on oublierait les morts en enterrant leurs sorts / Mais sous le bruit des ombres / Il n’y a que des mensonges ». Pas très gai, tout ça ? C’est que le monde ne l’est pas vraiment, « On entend sous la mer avancer le désert » alors, quand elle annonce que « la prochaine est une chanson d’amour qui se termine bien », on entend quelques petits rires dans le public ! Et ce n’est pas là moquerie, mais bien conscience que l’univers de Louise O’sman est au-delà des certitudes et des sentiers balisés… En écoutant Si ce n’est toi, on le sent, les mots ne lâchent pas volontiers leur mystère mélancolique et nous nous laissons simplement inspirer par la lumière qu’ils dégagent « Mais si ton silence est d’or / Il y a des mots encore qui rappellent le nom des morts et parlent aux oiseaux », subtilement colorés des notes de l’accordéon.
Clôt ce beau récital, la chanson qui nous l’a fait connaître, Que le printemps revienne, porteuse d’espoir et de renouveau, danse d’incantation à la nature « Que ses gants de géant traversent le blanc / Pour empourprer la Lune de sa magie nocturne ». Le temps d’atterrir, de déjà regretter cette fin, la dernière chanson a fait son œuvre ; la salle est devenue « une auberge sans les murs » et « la Grande Ourse sur les chemins » nous laisse des étoiles dans les yeux… Chanteuse de l’âme, éveilleuse de rêves, c’est à un vrai voyage que nous convie la lumineuse Louise O’sman.
Le site et les prochains concerts de Louise O’sman, c’est là ; la chronique sur son premier CD, c’est là ; ce qu’on en a déjà dit en concert, c’est ici. On la retrouvera cet été à Barjac m’en chante.
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