Tom Poisson avec Jérome Lifszyc, des oiseaux, des chevaux et des bateaux
Le Petit-Duc à Aix-en-Provence, 23 novembre,
2+1, co-plateau avec Nour
Deux façons de mener sa carrière d’artiste : rôder des chansons sur scène puis en faire un album, ou enregistrer des chansons inédites en studio et les défendre ensuite en concert. Tom Poisson a clairement choisi la première méthode pour nous présenter son nouvel album à paraître le 13 mars, « Se passer des visages ».
Nous l’attendions en duo intimiste, dans la configuration d’Avignon de juillet 2018, avec son jeune complice Paul Roman – apprécié en solo la saison dernière au Petit Duc.
Paul étant retenu par un autre projet musical, nous étrennons quasiment un nouveau duo – inauguré au précédent spectacle à Toulon – avec Jérome Lifszyc, joyeux barbu plus extraverti que Paul. Musicien sachant tout faire, il accompagnait déjà Tom en 2016 comme guitariste-comédien-choriste-danseur, dans sa comédie musicale multiforme « Heureux comme les cerfs-volants », électro-acoustique, jouée, chantée et enrichie de vidéo. Jérome a derrière lui, outre ses talents aux cordes et aux claviers, un passé de chanteur « pop poético-réaliste » et de comédien.
Tom se qualifie d’artiste en développement depuis un certain temps déjà – seize ans officiellement et sept albums, jeune public compris, sans compter Les fouteurs de Joie. Il présente son comparse avec humour comme le pire agent double, triple ou quadruple que la variété internationale ait porté, il montrera vite ses capacités d’adaptation.
Même en concert, sans le soutien d’une mise en scène, les chansons de Tom racontent des histoires. A travers quelques titres d’anciens albums, mêlés aux nouveaux, nous reprenons sa vie là où nous l’avions laissée, entre rencontres, séparations, dépendance affective : « Surtout ne t’éloigne pas trop, je tombe chaque fois de haut ». Que faire lorsqu’on rencontre par hasard, dix ans après, son ex partie pour acheter des cigarettes et jamais revenue ? Poser des questions essentielles, voir que finalement on n’a plus rien à se dire, ou retourner à la case départ : « Quelles cigarettes t’as achetées / Combien de paquets tu as fumés finalement ? ».
Si les mélodies sont douces et réconfortantes, prêtes à nous rendre Heureux comme les cerfs volants, les sujets ne sont ni simplistes ni béats, ils suivent avec sagacité les aléas de la vie, cherchent les objectifs essentiels de l’existence, reflètent des actualités inquiétantes : « Essayer d’exister, exilés, légers comme des nuages [...] Naviguer [...] espérer […] déchirer les grillages [...] et briser la cage ». Ainsi dans cette troublante chanson côté féminin, où l’indulgence amoureuse se fait soumission, où la dépendance affective pourrait devenir mortelle sans un dernier sursaut, pour dire « game over » : « J’aurais bien aimé encore marcher / Sous ta pluie battante mon forcené / J’aurais bien voulu trois bleus de plus ».
Mais plus encore, toutes ces chansons sont autant de carpe diem, d’incitations à ne pas perdre son temps, ni en courant trop vite « On s’agite on court [... ] On voit brûler son existence » ni au contraire en laissant passer les occasions de vivre « pour éviter de te noyer / Finalement tu bois la tasse ». A l’ami on tend la main, à celui sans voix on ouvre la voie, « Tu vas plus pleurer / Tu vas plus gémir / Tu vas voyager / Danser et sourire […] On part, on part, on part ». On fait danser celui qui se cache, sur des rythmes bossa tout ennuagés, sur les doux petits Ou hou hou de Jérome, et on le secoue gentiment : « Toi qui gagnais les batailles / Te voilà épouvantail / A faire fuir tous les oiseaux / Idiot ». Pour l’amante on liste tous les sujets de chanson pour lui en dédier un seul : « il n’y en a qu’une qui me ramène à toi », la convier à se poser avec soi, « Allongés sur l’espace et le temps ». Même la reprise, Si Maman si * participe du même message : « Et le temps défile comme un train / Et moi je suis à la fenêtre / Je suis si peu habile que demain / Le bonheur passera peut-être / Sans que je sache le reconnaître ».
C’est une entreprise de séduction massive, où le duo « fait l’amour au public », qui chante avec lui, un hymne à la vie, atmosphérique, où même les voix s’élèvent au-dessus des têtes : « A nos bateaux ruisselants / A nos chevaux jaillissants / A nos poings levés / A nos hurlevents […] A tous nos royaumes / A nos jeux d’enfants ». Où même les morts ne veulent plus s’arrêter de vivre, avec en rappel ce duo / trio de toute beauté improvisé avec Nour : « Au troisième temps de la valse je ne suis pas fatigué / Oh comme comme la vie est grande, que je peux la croquer !»
* Michel Berger pour France Gall
L’article sur Nour, c’est ici.
Le site de Tom Poisson c’est ici. Celui de Jérome Lifszyc c’est là. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Tom Poisson (et de Jérome), ici.
En concert le 25 janvier à Feurs au Château du Rozier et le 26 février aux Trois Baudets à Paris.
Une chanson ancienne, de l’album Riche à millions, 2016, Mon ami sans voix
Une chanson récente, Déjà loin, en session acoustique Du son dans mon salon (avec Paul Roman)
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